Mise à jour 02h17 du matin, le mardi 7 octobre 2025… alors que le JO du 7 octobre vient d’être publié
- 1/ Est-ce le Gouvernement le plus court, en nombre de jours de plein exercice, de la Ve République ?
- 2/ Ce Gouvernement semblait en effet déjà lâché par une partie de ses composantes, d’une part, et il n’avait pas de réelle majorité, d’autre part. C’était donc écrit d’avance ?
- 3/ Quand la démission du Gouvernement Lecornu sera-t-elle effective ?
- 4/ La date d’effet de cette démission est donc différente de ce qui s’est passée lors de la chute du Gouvernement Bayrou ?
- 5/ Donc toute cette journée du 6 octobre le nouveau Gouvernement a pleine compétence ? ou pas ?
- 6/ Pour les contestations relatives aux textes adoptés ce jour, par exemple, sur qui pèse la charge de la preuve ?
- 7/ Quels seront les pouvoirs du Gouvernement Lecornu, donc, à compter de ce lundi heure de l’acceptation de la démission ?
- 8/ On retrouve un peu la notion du « Fonctionnaire de fait » ?
- 9/ Sommes-nous dans la même situation qu’en droit des collectivités territoriales pendant les périodes d’interim, notamment entre le premier tour de l’élection pour renouveler un organe délibérant et l’installation des élus successeurs ?
- 10/ Et quelle sera la situation entre le moment où un nouveau nouveau Premier Ministre (ou une Première Ministre) sera désigné(e)… et la date de nomination de son entier Gouvernement ?
- 11/ Si la crise se prolonge, avec ou sans dissolution, quid de la loi de Finances et de la loi de finances de la Sécurité sociale ? On passerait, pour ces deux textes, à de simples « lois spéciales » ?
- 12/ Que retenir de ce qu’avait dit le Conseil d’Etat sur ces lois spéciales ?
- 13/ Mais le Gouvernement ne pourrait pas adopter de projets loi de finances (PLF) et de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) qui seraient de plein exercice ?
- 14/ N’existe-t-il pas en ce domaine de possibles astuces ?
- 15/ Et tous les projets de loi et autres propositions de loi se trouvent-ils jetés aux oubliettes ?
- 16/ Mais c’est le bazar ?
- 17/ Comment les Ministres vont-ils travailler ?
- 18/ Et en cas de dissolution ? Qui adopterait les « lois spéciales » à défaut de loi de finances et de loi de financement de la Sécurité sociale
- 19/ Et en cas de dissolution, Mme Marine Le Pen serait-elle éligible ?
- 20/ Et l’article 16 de la Constitution ? (spoiler : NON bien sûr)
1/ Est-ce le Gouvernement le plus court, en nombre de jours de plein exercice, de la Ve République ?
Attention : non le Gouvernement Lecornu n’aura pas duré 27 jours mais 1 jour. Car on compte bien la durée du Gouvernement et non celle du Premier Ministre.
1 jour : record battu. Et sans doute imbattable. Car nous vivons des temps improbables.
Et même moins d’un jour (voir le point 3).
NB on sait que la démission a été donnée et acceptée ce jour, lundi 6 octobre 2025. On a parlé de 48 heures de plus ce qui aurait pu être un retrait de la démission avant une réitération de celle-ci mercredi… mais ce n’est pas le cas.
Voir au JO du 7 octobre 2025 :
- le décret du 6 octobre 2025 relatif à la cessation des fonctions du Gouvernement (NOR : HRUX2527269D)
- et ici l’autre décret prenant acte de la fin des fonctions après une journée de M. B. Le Maire (ses fonctions étant assumées par le Premier Ministre)
Et même en durée de fonction de Premier Ministre, cela reste aussi un record (27 jours, soit quelques jours de moins que les durées de fonctions de Premier Ministre comme Fillon I ou Mauroy I, par exemple, mais nous étions là avant des dissolutions pour cause d’élection présidentielle, avant un Fillon II ou un Mauroy II…).
2/ Ce Gouvernement semblait en effet déjà lâché par une partie de ses composantes, d’une part, et il n’avait pas de réelle majorité, d’autre part. C’était donc écrit d’avance ?
Je l’ignore. Mais les annonces politiques d’il y a une grosse semaine peuvent laisser à penser que le Premier Ministre aura sincèrement tenté de créer cette composition Gouvernementale. Les indices en ce sens sont à chercher au niveau des relations avec l’Assemblée Nationale :
- c’est sans doute en raison de cette impossibilité d’avoir une majorité que le Premier ministre avait tenté d’annoncer qu’il renonçait à l’usage de l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution. Pour jouer le jeu de la liberté de majorités au cas par cas, dossier par dossier, voire article par article, dans un cadre réellement parlementaire combiné à un Gouvernement faible.
- la recomposition des instances de l’Assemblée Nationale pouvait être perçue comme annonçant un possible fonctionnement de ce type.
Avec beaucoup d’optimisme certes. Mais que reste-t-il fors l’optimisme quand on a perdu tout le reste ?
3/ Quand la démission du Gouvernement Lecornu sera-t-elle effective ?
En cas de démission usuelle, le Gouvernement reste de plein exercice (hors compétences liées aux relations avec la chambre basse du Parlement). Cette pleine compétence s’étend y compris jusqu’au moment de la démission.
Mais pas après (CE, 10/ 4 SSR, du 20 janvier 1988, cne de Pomerol, 62900, au recueil Lebon ; dérogation à l’art. 1er du code civil sauf application immédiate ; voir aussi CE, 17 octobre 1962, Dame Nachin, rec. T. p. 856).
4/ La date d’effet de cette démission est donc différente de ce qui s’est passée lors de la chute du Gouvernement Bayrou ?
Dans un cas c’est à compter de l’acceptation de la démission et dans l’autre à dater du vote.
En cas de perte de la confiance de l’Assemblée nationale (par l’engagement de la responsabilité du premier alinéa de l’article 49, ou en cas de motion de censure du 2e alinéa de ce même article, voire en cas d’usage du fameux 3e alinéa de cet article 49… improprement appelé « 49-3 »)… il y a perte des pouvoirs dès la perte de confiance de la chambre basse du Parlement. La référence sur ce point est le célèbre arrêt Brocas (CE Ass. 19 oct. 1962, Brocas, Lebon 553 ; S. 1962.307, D. 1962.701 et RD publ. 1962.1181, concl. M. Bernard ; AJ 1962.612, chr. de Laubadère ; pour voir cet arrêt, cf. ici).
5/ Donc toute cette journée du 6 octobre le nouveau Gouvernement a pleine compétence ? ou pas ?
On n’a pas de jurisprudence topique pour décrire la situation, à tout le moins inédite, de notre Nation mais a priori.. non
L’arrêt Commune de Pomerol précité en 3 pose que la démission est effective dès son acceptation,
Le décret du 5 octobre 2025 relatif à la composition du Gouvernement (NOR : HRUX2527171D) a été publié au JO d’hier, dimanche :
Il est donc entré en vigueur ce matin (article 1 du code civil).
Donc oui ces ministres auront eu en gros moins de 24 heures de plein exercice. A confirmer ou à infirmer par le juge le cas échéant.
6/ Pour les contestations relatives aux textes adoptés ce lundi, par exemple, sur qui pèse la charge de la preuve ?
C’est au requérant qu’il incombe de prouver le cas échéant que les dates des ministres qu’il estime avoir été incompétents ratione temporis seraient en réalité postérieures à la date, selon les cas, de la démission ou de la chute du Gouvernement à l’Assemblée nationale, mais naturellement le juge examine les pièces du dossier ensuite pour s’en assurer (pour une démission : CE, 10/ 4 SSR, du 20 janvier 1988, cne de Pomerol, 62900, au recueil Lebon).
Un Gouvernement démissionnaire sera réputé (sauf preuve contraire) avoir agi dans le cadre de ses pleins pouvoirs pour les textes adoptés le jour de sa démission, et peu importe qu’il y ait eu, ou non, dissolution de l’Assemblée nationale au préalable. Source : CE, 10 mars 2025, n° 497648 et 498585 [2 esp.], aux tables du recueil Lebon (voir ici ces décisions et notre article).
7/ Quels seront les pouvoirs du Gouvernement Lecornu, donc, à compter de ce lundi heure de l’acceptation de la démission ?
Jusqu’à la formation d’un nouveau Gouvernement, avant ou après dissolution… s’appliquera la règle traditionnelle selon laquelle un Gouvernement démissionnaire gère les affaires courantes (en fait urgentes et courantes), mais avec des pouvoirs donnés qui seront donnés au nouveau nouveau Premier ministre dès que celui-ci sera nommé ;
-
- si certains s’interrogent sur les pouvoirs des Ministres le temps de l’installation de leurs successeurs, en contestant même qu’ils aient encore le moindre pouvoir, il faut se souvenir qu’en ce domaine le juge est souple : on a un pouvoir, certes limité aux affaires urgentes et courantes, le temps de l’arrivée de son successeur.
- le juge n’hésite pas à censurer les décrets pris pendant cette période intermédiaire qui excéderaient la notion d’affaires courantes (CE, Ass., 4 avril 1952, Syndicat régional des quotidiens d’Algérie, 86015, au rec.). Si oui alors la question n’est pas celle de la date de début des pouvoirs limités aux affaires urgentes et courantes (nous étions plusieurs jours après la démission du Gvt et plusieurs jours avant la nomination d’un nouveau Gvt) mais la question posée était de savoir si un décret (propre à l’Algérie) était alors ou non une affaire courante (ce que ce texte n’était pas selon le CE).
- sur l’effet de cette période intermédiaire quant aux compétences données ensuite par les ministres par délégations, sur les pouvoirs desdits délégataires, voir CE, 27 juill. 2001, n° 224032, rec.
- A noter : récemment le Conseil d’Etat a jugé que relève bien des affaires courantes l’adoption d’un arrêté d’inscription sur la liste des médicaments dont l’utilisation et la prise en charge par l’assurance maladie est conditionnée au versement d’une remise (Conseil d’État, 6 juin 2025, n° 498640, aux tables du recueil Lebon). De même réglementer à droit constant — ou presque — constituera une affaire courante par nature, pour schématiser ce qui a été jugé plus récemment encore (Conseil d’État, 24 juillet 2025, n° 498227, aux tables du recueil Lebon)
8/ On retrouve un peu la notion du « Fonctionnaire de fait » ?
Oui et non.
Non car le cadre juridique reste différent.
Oui car on retrouve la même souplesse consistant à admettre la légalité d’actes adoptés par une personne ayant une compétence discutable à cet effet, si l’acte relève des affaires courantes.
- Le juge a été jusqu’à reconnaître la compétence d’autorités administratives au delà de leur date de fonction en poste, ou faute de prise de fonction, au delà d’une date de retraite ou autre, quand les circonstances l’imposaient. Cela s’est notamment concrétisé par une très vieille et constante jurisprudence sur le « fonctionnaire de fait » (voir par exemple CE, 16 mai 2001, Préfet de police c/M. Ihsen; n° 231717 ; cette théorie a d’abord reçu application à propos des actes pris par les maires dans l’exercice de leurs fonctions d’officier d’état-civil : son illustration la plus fameuse est sans doute l’affaire dite des mariages de Montrouge, dans laquelle la Cour de cassation déclara par un arrêt du 17 août 1883 que des mariages célébrés dans les formes par un conseiller municipal qui n’avait pas rang pour le faire étaient néanmoins valables.
Citons, déjà, sur ce point, le Conseil d’Etat en 1966 :
- « selon un principe traditionnel du droit public, le gouvernement démissionnaire garde compétence, jusqu’à ce que le Président de la République ait pourvu, par une décision officielle, à son remplacement, pour procéder à l’expédition des affaires courantes; […]– le décret attaqué […] se borne à préciser […] les modalités de l’élection des représentants du personnel au sein des commissions administratives paritaires de la Sûreté nationale […] une telle mesure entre dans la catégorie des affaires courantes et pouvait, par suite, être légalement prise par un gouvernement démissionnaire »
Conseil d’État, 22 avril 1966, n° 59340
9/ Sommes-nous dans la même situation qu’en droit des collectivités territoriales pendant les périodes d’interim, notamment entre le premier tour de l’élection pour renouveler un organe délibérant et l’installation des élus successeurs ?
Oui même si le juge utilise soigneusement des formulations un peu différentes (là on parle nettement « d’affaire urgentes et courantes » et non « d’affaires courantes », les affaires urgentes ayant parfois leurs propres textes constitutionnels applicables au niveau de l’Etat central, d’une part, et le juge se méfiant sans doute des pouvoirs des Gouvernements intérimaires d’autre part).
Or, il est significatif que le juge a beaucoup durci sa position sur les affaires urgentes et courantes depuis un peu plus de dix ans, s’agissant des collectivités territoriales (CE, 23 décembre 2011, n°348647; CE, 28 janvier 2013, Syndicat mixte Flandre Morinie, req. n° 358302 ; CE, 28 janvier 2013, req. n° 358302, CE, 29 janvier 2013, n°242196).
Mais dans ces arrêts, il a plus limité les notions d’affaires courantes, que la notion d’affaires urgentes (ce que serait une opération en matière de maintien de l’Ordre), d’une part, et le juge a toujours pris en compte la durée dudit intérim pour calibrer la notion d’affaires urgentes et courantes (voir par exemple, et par analogie, ici)…
Exemples frappants de clarté : CAA Lyon, 29 novembre 2016, n° 15LY00905 ; CAA Bordeaux, 7 juillet 2016, n° 14BX03439 ; CAA Marseille, 22 mars 2018, n° 16MA04756 ; CE, 18 janvier 2013, n°360808 ; CAA Paris, 5 août 2004, Commune de Gagny, n° 01PA00072 ; CAA Marseille, 26 novembre 2014, n° 13MA01136…
10/ Et quelle sera la situation entre le moment où un nouveau nouveau Premier Ministre (ou une Première Ministre) sera désigné(e)… et la date de nomination de son entier Gouvernement ?
Pendant la période où un Premier Ministre est nommé et les membres du Gouvernement non encore remplacés, nous pourrions par exemple avoir une décision du Ministre de l’Intérieur du Gouvernement sortant prenant une mesure… qui serait contrée, abrogée et remplacée, par un(e) Premier(ère) Ministre déjà nommé(e) mais n’ayant pas encore formé son Gouvernement, ce qui serait tout de même curieux. Mais non impossible.
Le Conseil constitutionnel admet en effet la prise d’actes par le nouveau Premier Ministre en ces temps intérimaires ( voir Conseil constitutionnel, décision n° 2002-19 ELEC du 22 mai 2002, Décision du 22 mai 2002 sur des requêtes présentées par Monsieur Stéphane HAUCHEMAILLE et l’association DÉCLIC).
C’est arrivé après la nomination du Premier Ministre Lecornu quand celui-ci a consigné par exemple en droit de l’urbanisme un texte réglementaire renvoyant certains contentieux vers la CAA de Marseille (voir ici) avec un Premier Ministre de plein exercice et un cosignataire d’un Gouvernement démissionnaire dont les compétences étaient limitées aux affaires courantes (ce que ce transfert n’est peut-être pas et la modification dudit code imposait un texte en effet co-signé…).
11/ Si la crise se prolonge, avec ou sans dissolution, quid de la loi de Finances et de la loi de finances de la Sécurité sociale ? On passerait, pour ces deux textes, à de simples « lois spéciales » ?
OUI
S’appliquerait le mode d’emploi fixé par un avis non contentieux du Conseil d’Etat (mais avec un régime différent pour la loi de finances et la loi de finances de la Sécurité sociale !) selon lequel :
- il « appartient au Gouvernement de s’inspirer des règles prévues par l’article 45 de la LOLF, aux fins d’aboutir à la promulgation, avant le 1er janvier 2025, d’une loi spéciale l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année 2025, prévue par le 2° de cet article 45, dès lors qu’il n’envisagerait pas de proposer l’adoption de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 comme le permet le 1° du même article.» Ce qui n’allait pas de soi (la possibilité d’utiliser le 2° sans avoir tenté le 1° n’était pas certaine…)
- le Gouvernement même démissionnaire, chargé d’expédier les affaires courantes, a tout de même compétence pour déposer et présenter au Parlement une loi spéciale (là encore, le Conseil d’Etat est compréhensif ; et ce sans consultation préalable du Haut Conseil des finances publiques)
12/ Que retenir de ce qu’avait dit le Conseil d’Etat sur ces lois spéciales ?
Retenons de ce qu’avait dit le Conseil d’Etat les points suivants :
- il « appartient au Gouvernement de s’inspirer des règles prévues par l’article 45 de la LOLF, aux fins d’aboutir à la promulgation, avant le 1er janvier 2025, d’une loi spéciale l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année 2025, prévue par le 2° de cet article 45, dès lors qu’il n’envisagerait pas de proposer l’adoption de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 comme le permet le 1° du même article.» Ce qui n’allait pas de soi (la possibilité d’utiliser le 2° sans avoir tenté le 1° n’était pas certaine…)
- le Gouvernement même démissionnaire, chargé d’expédier les affaires courantes, a tout de même compétence pour déposer et présenter au Parlement une loi spéciale (là encore, le Conseil d’Etat est compréhensif)
- bien que la loi spéciale ait le caractère d’une loi de finances aux termes du 5° de l’article 1er de la LOLF, la consultation du Haut Conseil des finances publiques n’est pas requise (avec une argumentation solide : pas besoin de prévisionpuisqu’on ne fait que sauver les meubles sans rien ajuster ou si peu)
- « l’autorisation de continuer à percevoir les impôts existants emporte, conformément au 1° de I de l’article 34 de la LOLF, l’autorisation de percevoir, dans les conditions fixées par les lois et règlements en vigueur au 1er janvier de l’exercice concerné, d’une part, l’ensemble des ressources, notamment fiscales, de l’État et, d’autre part, des impositions de toutes natures affectées à d’autres personnes morales que celui-ci [… y compris] la reconduction des prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités territoriales » (DGF incluse). J’en connais qui sont ce soir en train de pousser un immense soupir de soulagement. Là encore, cela n’était pas certain au regard des textes, mais c’est dans la droite logique des ajustements usuels en de telles circonstances exceptionnelles pour des raisons de continuité de l’action publique qui irrigue plusieurs régimes juridiques…
- le 2° de l’article 45 de la LOLF limite aux seuls « impôts existants » l’autorisation accordée par le Parlement au Gouvernement et une telle loi spéciale en vise qu’à assurer la continuité de la vie nationale. Donc le Conseil d’État considère que les mesures nouvelles d’ordre fiscal, qui ne sauraient, en tout état de cause, être regardées comme des mesures nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale, ne relèvent pas du domaine de la loi spéciale
- ce régime permet aussi de recourir à l’emprunt (pour au moins reproduire l’existant)… ce qui n’allait pas de soi… au nom de la continuité de la vie nationale (et sous peine, à défaut, de porter atteinte aux principes constitutionnels de protection de la santé et d’accès à des moyens convenables d’existence garantis par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, pour ce qui est des organismes de Sécurité sociale). Là… on est dans la droite ligne des souplesses que l’on retrouve dans divers régimes juridiques de temps de crise… lesquelles l’emportent donc, et de loin, sur ce qui aurait pu être une lecture stricte de la LOLF.
13/ Mais le Gouvernement ne pourrait pas adopter de projets loi de finances (PLF) et de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) qui seraient de plein exercice ?
Un Gouvernement démissionnaire ne pourrait sans doute pas déposer un projet de loi de finances (PLF) de plein exercice (idem pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS), même si ce point a pu (non sérieusement, à ce notre sens, être discuté, voire soutenu par le SGG).
14/ N’existe-t-il pas en ce domaine de possibles astuces ?
Une astuce très joueuse, en droit, aurait été d’adopter ce jour (lundi) un PLF et un PLFSS… tant que le Gouvernement est de plein exercice (et si les projets en ont bien été transmis jeudi dernier au Haut conseil des finances publiques, point qui serait à vérifier)… et ce pour un envoi à l’A.N. cette nuit.
Mais si au sommet de l’Etat (et lequel ?) on avait voulu tenter la jouer farce de cette manière, on aurait prévu un Conseil des Ministres avant la démission, qui serait intervenue ce soir par exemple.
Et de toute manière cette astuce, aussi amusante que grossière et donc fragile, n’a pas été tentée.
15/ Et tous les projets de loi et autres propositions de loi se trouvent-ils jetés aux oubliettes ?
NON contrairement à ce que l’on voit souvent annoncé. Lire à ce sujet l’article précité de M. M. Carpentier sur le blog de JusPoliticum.
16/ Mais c’est le bazar ?
Oh que oui.
17/ Comment les Ministres vont-ils travailler ?
Avec donc des pouvoirs limités aux affaires courantes (voir ci-avant les réponses aux questions 7 et suivantes) et, selon Acteurs publics, des cabinets limités à 5 membres :
18/ Et en cas de dissolution ? Qui adopterait les « lois spéciales » à défaut de loi de finances et de loi de financement de la Sécurité sociale
Une dissolution est possible. Elle pourrait sembler probable. Mais :
- soit celle-ci interviendrait après l’adoption des lois spéciales
- soit sinon il faudrait que le Conseil constitutionnel, comme sous les IIIe et la IVe Républiques, valide le recours à des « douzièmes provisoires ».
NB voir par exemple https://blog.juspoliticum.com/2024/12/13/et-si-la-loi-de-finances-netait-pas-votee-dans-les-delais-par-lucile-tallineau/
Dans tous les cas, faute d’impôts nouveaux et de dépenses nouvelles, le budget national va se dégrader et la notation internationale de la France continuer de se détériorer.
19/ Et en cas de dissolution, Mme Marine Le Pen serait-elle éligible ?
A cette question, pour l’élection Présidentielle :
- la plupart des commentateurs apportent une réponse négative absolue
- j’ai pour ma part fait partie de ceux (plusieurs articles du présent blog en attestent) qui estimaient que la réponse à cette question était très très probablement négative, mais avec une argumentation possible en sens inverse, quoique celle-ci serait à tout le moins très périlleuse.
Pour l’élection législative, il en va de même, avec une argumentation en défense plus faible encore.
20/ Et l’article 16 de la Constitution ? (spoiler : NON bien sûr)
Nous n’en sommes pas là. Fort heureusement.
Il faudrait, cumulativement :
- une menace grave et immédiate des institutions de la République, de l’indépendance de la Nation, de l’intégrité de son territoire ou de l’exécution de ses engagements internationaux,
- l’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels.
Nous en sommes très éloignés. C’est bien de finir par une pointe d’optimisme… non ?

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