Mutualisation entre EP de l’Etat : le décret est publié

Entre Établissements publics (EP) de l’Etat, les moyens de mutualisation ne s’avèrent pas aussi nombreux que ceux qui s’offrent entre communes, ou entre communes et intercommunalités.

Mais ces outils existent, plus nombreux qu’on ne le croit souvent (I.). 

S’y ajoute un autre régime, depuis une publication au JO de ce matin, d’un décret que l’on attendait depuis la loi 3DS (II)… 

 

 

I. Une pluralité d’outils, déjà, entre EP de l’Etat, non sans complexités

 

Entre Établissements publics (EP) de l’Etat, les moyens de mutualisation ne s’avèrent pas aussi nombreux que ceux qui s’offrent entre communes, ou entre communes et intercommunalités. Cependant, même sans compter le nouveau régime (exposé ci-après en II), ceux-ci ne manquent pas totalement :

 

Il faut retenir cela dit que ces relations doivent :

  • soit donner lieu à exclusion du droit de la commande publique
  • soit donner lieu à l’application des règles en ce domaine (de nouveau, voir ici) avec concurrence et publicité, ce qu’il est très difficile de sécuriser
  • soit relever des exceptions à l’application desdites règles :
    • soit par attribution de ce que l’on appelle « la dévolution d’un droit exclusif »
    • soit par l’existence d’une relation en in house (prestations de services intégrées, avec contrôle analogue) Sources : art. L. 327-1 du Code de l’urbanisme ; CJUE, 11 janvier 2005, Stadt Halle, aff. C-26/03 ; CJUE,18 novembre 1999, Teckal, Rec. CJCE 1999, p. 8121 ; CJUE, 10 novembre 2005, Commission c/ Autriche, aff. C-29/04 ; CJCE, 6 avril 2006, ANAV c/ Comune di Bari, aff. C-410/04 ; CJUE, 11 mai 2006, Carbotermo SpA Consorzio Alisei c/ Comune di Busto Arsizio AGESP SpA, aff. C-340-04 ; CJUE, 21 juillet 2005, Coname c/ Comune di Cingia de Botti, aff. C-231-03 ; CJUE, 13 octobre 2005, Parking Brixen GmbH, aff. C-458/03.
      La CJUE qui a rendu, le 13 novembre 2008, un important arrêt « Coditel Brabant SA » (C-324/07) : le juge a validé que des prestations de services ou autres concessions pouvaient être conclues entre communes et groupements intercommunaux, sans mise en concurrence ni publicité, même si la commune ne contrôle pas majoritairement la structure intercommunale, du moment que les communes, ensemble, contrôlent à 100 % cette structure (« in house par contrôle de la maison commune ») par des représentants des communes. Cela a libéré les usages de mutualisation, à quelques autres montages (voir par exemple CAA paris, 30 juin 2009, Ville de Paris, n°07PA02380) comme les GIP ou les biens indivis (etc.) ainsi que le recours aux SPL et SPLA (même si le Conseil d’Etat est sourcilleux sur le contrôle analogue ce qui impose une particulière prudence dans divers cas : CE, 6 novembre 2013, commune de Marsannay-la-Côte, n°365079).
    • soit par l’application des règles de la coopération public – public telles que forgées par le juge européenCes contrats de gestion conjointe de service public entre collectivités sous condition de réciprocité, d’économies d’échelles (et non de bénéfice) et d’absence de personne privée dans les échanges (CJUE, 9 juin 2009, X c/ RFA [déchets de Hambourg], aff. C‑480/06). Ce régime est peu ou prou repris par l’article L. 2511-6 du code de la commande publique mais il y aurait beaucoup à redire sur cette question et sur les moyens de rendre compatibles dossier après dossier les droits national et européen en ce domaine…

 

Crédits Alexas Fotos (Pixabay)

 

 

II. Un nouvel outil, depuis le décret publié au JO de ce matin, que l’on attendait depuis la loi 3DS

 

Au JO de ce matin a été publié le décret n° 2023-1019 du 3 novembre 2023 relatif à la mutualisation entre certains établissements publics de l’Etat des fonctions et moyens nécessaires à la réalisation de leurs missions (NOR : TREK2228394D) :

Cet article 201 commence par lister qui peut recourir à ce régime :

Les établissements publics de l’Etat qui exercent, en application des textes qui les instituent, les mêmes missions sur des périmètres géographiques différents peuvent mutualiser la gestion des fonctions et des moyens nécessaires à la réalisation de ces missions, selon les modalités définies au présent article, en l’absence de dispositions qui leur sont applicables ayant le même objet :
1° Soit en constituant un groupement d’intérêt public dans les conditions définies au chapitre II de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit ;
2° Soit en concluant une convention de coopération, approuvée par leur conseil d’administration, et en déterminant les modalités et les conditions financières de cette mutualisation.

Donc, déjà pour ces EP (qui souvent le pouvaient déjà en vertu de textes particuliers voire de leurs statuts institutifs eux-mêmes), la voie du GIP est donc déjà ouverte par ce « texte balai ».

Ces EP doivent donc être de même nature sur des périmètres différents :

« en application des textes qui les instituent, les mêmes missions sur des périmètres géographiques différents »

Cet article poursuit ainsi par ces deux alinéas :

« La convention mentionnée au 2° du présent article peut désigner l’un des établissements comme établissement support chargé d’assurer, pour le compte des autres établissements parties à la convention, la gestion des fonctions et moyens mutualisés, cette mission étant à but non lucratif. Elle peut également préciser les conditions selon lesquelles des actes juridiques peuvent être pris pour le compte des établissements participants ainsi que les modalités selon lesquelles l’établissement support est chargé de la gestion des crédits et exerce la fonction d’ordonnateur pour le compte des autres établissements.
« A défaut de la mise en place d’une mutualisation dans les conditions fixées au présent article, un décret, pris après avis des conseils d’administration des établissements concernés, peut organiser cette mutualisation.
« Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent article. »

 

C’est donc ce décret qui est publié au JO du 5 novembre 2023.

Les domaines de cette possible coopération ne sont pas à dédaigner, même si ceux-ci restent un peu plus limités que l’on aurait pu le souhaiter, puisqu’ils portent à sur « la gestion des fonctions et moyens relatifs  » :

  • « 1° Aux opérations budgétaires et financières, sous réserve des dispositions de l’article 188 du décret du 7 novembre 2012 susvisé ;
  • « 2° A la gestion des ressources humaines ;
  • « 3° A l’immobilier, à la logistique et aux achats, notamment en cas de passation d’un marché ;
  • «  4° Aux systèmes d’information et de communication ;
  • « 5° A l’expertise juridique ;
  • « 6° A la communication et à la documentation ;
  • « 7° Aux activités européennes et internationales. »

 

Cette convention, qui doit être à durée déterminée, doit préciser notamment :

  • « 1° Les établissements publics signataires et parmi eux, le cas échéant, l’établissement support ;
  • « 2° Les fonctions et moyens dont la gestion est mutualisée ;
  • « 3° Les modalités selon lesquelles les agents chargés des fonctions et moyens mutualisés sont gérés ;
  • « 4° Le cas échéant, les actes juridiques qui sont pris pour le compte des établissements participants ainsi que les crédits qui sont gérés, par l’établissement support, pour le compte des autres établissements ;
  • « 5° Le cas échéant, le montant ou les règles de calcul des contributions financières à la charge des établissements signataires ;
  • « 6° La composition et les modalités de fonctionnement de la ou des instances chargées d’assurer le pilotage et le suivi de l’exécution de la convention ;
  • « 7° Sa durée et les modalités selon lesquelles elle peut être renouvelée ou modifiée ;
  • « 8° Les conditions d’adhésion d’un nouvel établissement et du retrait d’un signataire ainsi que leurs effets. »

 

Une souplesse supplémentaire était fixée, comme mentionné ci-avant, à l’avant-dernier alinéa de l’article 201 de la loi 3DS, que revoici :

« A défaut de la mise en place d’une mutualisation dans les conditions fixées au présent article, un décret, pris après avis des conseils d’administration des établissements concernés, peut organiser cette mutualisation.

Le nouveau décret prévoit ceci à ce sujet :

  • « Le décret mentionné à l’avant dernier-alinéa de l’article 201 de la loi du 21 février 2022 susvisée peut porter sur tout ou partie des fonctions et moyens mentionnés à l’article 1er du présent décret relevant d’au moins deux établissements publics et n’ayant pas donné lieu, entre ces établissements, à la signature d’une convention en application du 1° ou du 2° de l’article 201.
    Ce décret ne peut intervenir qu’après l’expiration d’un délai d’un an, prorogeable à deux reprises après accord du ou des ministres de tutelle, qui court à compter des demandes de ces ministres tendant à ce que les établissements publics procèdent à la mutualisation. »

 

Évidemment, toute mutualisation, celle du décret n° 2023-1019 du 3 novembre 2023 comme celles de tout décret de l’avant-dernier alinéa de l’article 201, doit donner lieu à consultation des instances représentatives du personnel, bien évidemment, comme le pose l’article 4 dudit décret 2023-1019  :

  • « Toute mutualisation en application des dispositions de l’article 201 de la loi du 21 février 2022 susvisée est soumise, avant l’approbation de la convention par délibération ou l’adoption du décret, à l’avis de la ou des instances représentatives des personnels des établissements participants, qui sont compétentes pour les questions relatives au fonctionnement et à l’organisation des services. »

 

Et, bien sûr :