DSP : l’organe délibérant doit se prononcer en ayant eu connaissance de tous les éléments essentiels du contrat !

Par un arrêt du 29 septembre 2025 (Commune d’Eyguières, n° 25MA00715), la cour administrative d’appel de Marseille rappelle que l’organe délibérant d’une collectivité ne peut valablement approuver une délégation de service public sans disposer d’une information complète sur ses éléments essentiels : notamment objet, financement, équilibre économique et conditions suspensives. Toute modification substantielle intervenue après la délibération, notamment lors d’une phase de mise au point du contrat, altère le consentement de la collectivité et entraîne la nullité de celui-ci.

Dans cette affaire, la commune d’Eyguières a confié à une SEMOP qu’elle a constitué avec la société S. une DSP portant sur l’exploitation d’un aérodrome et d’une zone de sports mécaniques, intégrant un volet photovoltaïque pour une durée de 25 ans.

Dans un premier temps, le juge rappelle que, dans la cadre de la passation d’un contrat de DSP, conformément aux termes de l’article L. 1411-7 du CGCT : « (…) l’assemblée délibérante se prononce sur le choix du délégataire et la convention de délégation de service public » :

« Il résulte de ces dispositions que, lorsqu’il entend autoriser le maire à souscrire une convention de délégation de service public, le conseil municipal doit, sauf à méconnaître l’étendue de sa compétence, se prononcer sur tous les éléments essentiels du contrat à intervenir, au nombre desquels figurent notamment l’objet précis de celui-ci ainsi que les éléments financiers exacts et l’identité de son attributaire. »

Dans le cas d’espèce, lors de la mise au point du contrat, intervenue postérieurement à la délibération autorisant le maire à signer le contrat, une clause de condition suspensive initialement prévue pour l’ensemble du contrat a été restreinte pour ne porter que sur les seuls travaux. Cette modification permettait à la société, si les financements ne venaient pas à être obtenus, de conserver l’exploitation pendant 25 ans sans réaliser les investissements initialement envisagés.

De plus, la version signée du contrat prévoyait  « par une clause insérée postérieurement au vote d’approbation du conseil municipal et dont ce dernier n’avait donc pu prendre connaissance, que le manque à gagner qui pourrait être occasionné par l’absence de mise en service de la centrale photovoltaïque prévue au titre des équipements à réaliser pourrait être  » neutralisé  » d’un commun accord par les parties. Une telle stipulation implique, compte tenu du poids important des recettes issues de la production d’énergie photovoltaïque, censées représenter 44,8 % du montant total des recettes prévisionnelles, la possibilité, pour les parties, de revoir substantiellement à la baisse les obligations mises à la charge de la société concessionnaire. Ces éléments, qui ont trait tant au financement de la concession qu’à son objet, étaient d’autant plus essentiels qu’il existe de sérieuses raisons de mettre en doute la faisabilité du projet photovoltaïque, compte tenu de l’interdiction des constructions sur une grande partie de l’emprise du site en application des articles 16 et 17 du décret du 8 octobre 2001 portant création de la réserve naturelle des Coussouls de Crau. »

La Cour retient que ce changement modifie l’équilibre économique du contrat et affecte la portée des obligations ; il s’agit ainsi d’un changement d’un élément essentiel, qui aurait du être porté à la connaissance de l’assemblée délibérante :

« Il résulte de ce qui précède que la commune d’Eyguières n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont estimé que le contrat conclu est entaché d’un vice de consentement, faute pour le conseil municipal de s’être prononcé sur les deux éléments essentiels évoqués aux deux points précédents. »

Par ailleurs, la Cour se montre sévère et rappelle que l’annulation ne doit pas nécessairement être modulée dans le temps, même si la commune et la société invoquent les conséquences économiques de l’annulation. Elle estime en substance que l’intérêt général ne justifiait pas un tel aménagement, puisqu’il est possible de préserver les actes valablement accomplis et d’assurer une gestion transitoire efficace.

Pour les acheteurs publics, la prudence impose de fournir au conseil municipal un dossier très complet et transparent avec la version du contrat qui va être signé.

Pour ces raisons, la cabinet Landot et associés conseille à ses clients de prévoir la mise au point du contrat avant l’envoi des convocations à l’assemblée délibérante afin que la version du contrat soumise au vote soit absolument identique à celle qui va être signée par l’exécutif !

D’une manière plus générale, il faut être particulièrement vigilant car lors de la phase de la mise au point du contrat aucune modification substantielle ne peut avoir lieu : cela nuirait aux conditions de la mise en concurrence !


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