Selon une réponse ministérielle, même si les critères de la quasi-régie semblent plus souples, ils ne s’appliquent toujours pas aux SEM !

Depuis le fameux jugement de la Cour de justice des Communautés européennes de 2005 « Stadt Halle » (aff. C-458/03), il semblait clairement établi que les Sociétés d’Economie Mixte (ci-après SEM) ne pouvaient pas bénéficier de l’exception « in house », permettant aux actionnaires d’une société de conclure directement, avec cette société, un contrat de la commande publique sans publicité ni mise en concurrence. En effet, la juridiction européenne avait estimé que « la participation, fût-elle minoritaire d’une entreprise privée dans le capital d’une société exclut que le pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services », ce qui excluait donc les SEM du bénéfice de l’exception « in house » puisqu’en vertu de l’article L. 1522-2 du CGCT, les actionnaires privés doivent détenir au moins 15 % du capital social d’une SEM.

Toutefois, la directive européenne 2014/24/UE concernant les marchés publics et la directive européenne 2014/23/UE concernant les contrats de concession du 26 février 2014 avaient ouvert une brèche concernant la notion de quasi-régie (terme désormais utilisé pour désigner les entités pouvant bénéficier de l’exception « in house »).

En effet, l’article L. 2511-1 du Code de la commande publique, qui transpose en droit interne les directives européennes, envisage désormais une exception. Cet article relatif à la quasi-régie prévoit que la personne morale contrôlée peut comporter la participation directe de capitaux privés dans l’hypothèse où ces capitaux privés ne disposent d’aucune capacité de contrôle ou de blocage requise par la loi, et qu’ils ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.

A la lecture de ce texte, la doctrine s’était naturellement interrogée sur le fait de savoir si les SEM peuvent désormais se trouver dans une situation de quasi-régie vis-à-vis des personnes publiques qui en sont actionnaires (voir, notamment, « Transposition de la directive « marchés publics » du 26 février 2014 : du nouveau pour les SEM ? », S. BRACONNIER, K. HOLTERBACH, N. ARMBRUSTER, Contrats et Marchés publics, n°7, Juillet 2015, 7).

Dans le cadre d’une réponse ministérielle (Question écrite avec réponse n°20276, 11 juin 2019, JO AN), le Ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales interrogé récemment sur ce point a répondu par la négative à cette question :

« Enfin, la personne morale contrôlée ne comporte en principe pas de participation directe de capitaux privés. Le code précité n’admet de dérogation à cette règle qu’à trois conditions cumulatives : tout d’abord, les capitaux privés ne doivent conférer aucune capacité de contrôle ou de blocage des décisions de l’entité ; ensuite, l’actionnaire privé ne peut exercer une influence sur l’entité contrôlée ; enfin, l’intervention de capitaux privés est requise par une législation nationale. Or, l’interprétation de ce dernier critère doit se faire à la lumière du considérant n° 46 de la directive 2014/24/UE et du considérant 32 de la directive 2014/23/UE qui réservent cette hypothèse aux organismes publics à adhésion obligatoire comportant la participation d’opérateurs économiques privés spécifiques. La seule circonstance qu’une participation privée serait rendue nécessaire par les articles L. 1521-1 et L. 1522-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) n’est pas suffisante dès lors que le recours à une société d’économie mixte locale (SEML) n’est pas une obligation. En effet, en application de l’article L. 1111-1 du CGCT, les collectivités locales et leurs groupements sont libres d’exercer leurs compétences comme elles l’entendent. Par ailleurs, ce considérant indique que l’exception de quasi-régie n’est établie qu’en cas de participation d’une personne privée spécifique au capital de l’entité, c’est-à-dire expressément identifiée par la loi, ce qui n’est pas le cas des SEML puisque n’importe quel opérateur peut en devenir actionnaire. Les SEML ne répondent donc pas à la qualification d’organismes à adhésion obligatoire d’opérateurs économiques privés spécifiques. La décision de ne pas les inclure ne relève pas d’un oubli, mais de la mise en œuvre de la législation européenne. »

Par conséquent, au regard de cette réponse ministérielle, conforme à l’avis de la majorité de la doctrine, les SEM ne peuvent toujours pas se trouver dans une situation de quasi-régie vis-à-vis de leurs actionnaires publics.