Tourisme et loi « engagement et proximité » : vous reprendrez bien un peu d’aspirine ?

Nouvelle diffusion car nous avons eu pas mal de questions à ces sujets ces temps-ci…

 

Le droit de tourisme, en matière d’intercommunalisation, d’une part, et de logements à la manière des AirB&B, d’autre part, était déjà fort complexe.

Il est rendu plus opaque et flou, mais aussi, plus souple et plus puissant pour les communes, par la nouvelle loi engagement et proximité. 

Normalement, le tourisme fait sortir les peaux de leurs blancheur façon cachets d’aspirine. Là, c’est le tourisme qui conduit à avaler force dose desdits cachets… 


 

 

Les articles 16 et 55 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique complexifient encore plus les questions de tourisme. Avec (ci-après « I ») une nouvelle dérogation pour l’intercommunalisation des communes stations classées (non sans ajustements sur la durée de celle-ci), voire même de certaines communes touristiques n’ayant pas de station classée (II)… surtouts si l’on ajoute à tout ceci une fort délicate à gérer nouvelle compétence « partagée »  entre communes et intercommunalités en ce domaine (III).

Cela conduit à une situation complexe (IV). S’y ajoutent d’autres dispositions : maintien de la notion de commune touristique dans certains cas (V), et quelques règles sur les locations meublées de loisirs, façon AirBnB (VI).

Voyons tout ceci en détails :

 

I. Une nouvelle modalité d’exfiltration de l’intercommunalisation de la compétence pour les communes stations classées (en communauté de communes ou d’agglomération)… mais avec gestion concurrentielle de la compétence entre la commune et la communauté

 

 

Sur le tourisme, le droit depuis la loi NOTRe a déjà été corrigé plusieurs fois au point d’aboutir à une situation complexe :

  • les stations classées pouvaient donner lieu à une décision de maintien d’un office à l’échelle de ladite station mais avec une gestion intercommunale (mais qui peut faire la part belle à la commune, selon des modalités fort variables selon le mode de gestion)
  • les communes ayant une station classée ou en ayant fait la demande pouvaient au plus tard le 31 décembre 2016 (loi Montagne II… applicable même hors zone de montagne sur ce point) voter pour le maintien au niveau communal de ladite station (avec perte de ce régime dérogatoire en cas de perte ou de refus dudit classement), avec quelques situations complexes en finances et en droit dans certains cas (sur les reversements de taxe de séjour notamment si la communauté se dote d’un EPIC et pas la commune, par exemple)
  • dans certains cas les communes pouvaient (et parfois peuvent encore) s’opposer à l’intercommunalisation de la taxe de séjour (ce qui conduit aussi à des débats sur la gestion de ce point en termes d’attribution de compensation dans certains cas).

 

Ce sujet est passionnant, complexe, et parfois fait oublier aux acteurs les débats bien plus importants sur les marques, les politiques à conduire, l’échelle pertinente pour telle ou telle action, et les modes de gestion à choisir ensuite en conséquence des stratégies choisies.

 

Voir https://blog.landot-avocats.net/?s=tourisme

Sur la question ensuite du mode de gestion, voir :

 

Dans ce cadre déjà bien complexe, que prévoit l’article 16 de la nouvelle loi ?

Il organise, schématiquement, qu’en communauté de communes ou d’agglomération (mais pas en communauté urbaine ni en métropole), les stations classées, même celles qui n’ont pas délibéré avant le 31 décembre 2016 en vertu de la loi Montagne II, pourront non pas juste maintenir leur office de tourisme (OT) communal, mais carrément ne plus transférer la compétence, et ce par délibération unilatérale, valable tant qu’on n’y revient pas dessus et tant que la commune conserve ledit classement.

NB : le tout à combiner avec la montée en puissance et en exigence du nouveau classement.. 

Voici un tableau que nous avions fait pour résumer à grands traits la situation au lendemain de la loi Montagne II :

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A cette situation déjà un peu complexe (et plus complexe encore quand on la croise avec les questions relatives aux taxes de séjour…) s’ajoute donc le fait que désormais, dans les communautés de communes ou d’agglomération, « les communes touristiques érigées en stations classées de tourisme […] peuvent décider, par délibération et après avis de l’organe délibérant de la communauté » [avis simple ; rendu dans un délai de trois mois], « de conserver ou de retrouver l’exercice de la compétence “promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme ».

Il s’agit donc d’une nouvelle dérogation, qui offre une exfiltration permanente, et qui donc :

  • permet, comme pour la loi Montagne II, une gestion communale de cette compétence
  • s’applique à tout moment même après intercommunalisation (jolis retraits de compétences en perspective à gérer…) et ce sans limite dans temps (au contraire de ce qu’avait prévu la loi Montagne II)
  • ne s’applique pas aux stations en cours de classement (au contraire de ce qu’avait prévu la loi Montagne II).

Mais la principale différence est que la communauté « conserve, concurremment avec ladite commune et sur le territoire de cette dernière, l’exercice de cette même compétence, à l’exclusion de la création d’offices de tourisme. »

En cas de perte du classement en station de tourisme, la délibération du conseil municipal par laquelle la commune a décidé de conserver ou de retrouver la compétence “promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme” cesse de produire ses effets et la compétence est intégralement exercée par la communauté.

NB : la nouvelle loi règle en sus la situation des communes touristiques érigées en stations classées de tourisme qui ont usé de la loi Montagne II ( cf. six derniers alinéas du I des articles L. 5214-16 et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales et des deuxième et dernier alinéas du I de l’article L. 5218-2 du même code dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi engagement et proximité). Leur ancien régime demeure tant qu’elles ne perdent pas leur classement en station de tourisme.

 

II. Une autre exfiltration possible pour les communes touristiques même sans station classée (mais en communauté de communes seulement), mais à la condition de parvenir à réunir la majorité qualifiée des conseils municipaux

 

Une telle exfiltration est même possible sans station classée, en communauté de communes seulement.

Une ou plusieurs communes touristiques au sens de l’article L. 133-11 du code du tourisme peuvent en effet demander à retrouver l’exercice de la compétence “promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme”.

La restitution de compétence est décidée par délibérations concordantes de l’organe délibérant de la communauté de communes et des conseils municipaux de l’ensemble de ses communes membres dans les conditions de majorité requises pour la création de l’établissement.

Là encore, la communauté de communes conserve, concurremment aux dites communes et sur leur territoire, l’exercice de cette même compétence, à l’exclusion de la création d’offices de tourisme.

En cas de perte de la dénomination “commune touristique”, la compétence est intégralement exercée par la communauté de communes en lieu et place de la commune.

 

 

III. Une fort délicate à gérer nouvelle compétence « partagée »  entre communes et intercomunalités

 

S’y ajoute une souplesse qui est aussi une complexité : en communauté de communes ou d’agglomération, mais aussi en communauté urbaine ou en métropole, « l’animation touristique » devient une « compétence partagée »

 

 

III. Au total …

 

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IV. Un maintien de la notion de commune touristique dans certains cas

 

La nouvelle loi prévoit aussi que les communes touristiques érigées en stations classées de tourisme conservent la dénomination “commune touristique” pendant toute la durée de leur classement.

 

 

VI. Quelques nouveautés sur les locations meublées de loisirs, façon AirBnB

 

Enfin, a été instauré un régime d’autorisation de la location d’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme.

Cette autorisation doit être délivrée au regard des objectifs de protection de l’environnement urbain et d’équilibre entre emploi, habitat, commerces et services, par le maire de la commune dans laquelle est situé le local.

Le plafonnement de 120 j/an pourra être modulé entre 60 et 120 jours au niveau municipal. La loi prévoit aussi des échanges d’information avec le nom du loueur et indication du point de savoir s’il s’agit ou non de la résidence principale du loueur.