Réforme de la haute fonction publique : inquiétudes du côté des syndicats de magistrats administratifs

Face à la réforme de la haute fonction publique annoncée par le Président de la République, et à l’imminence de l’adoption à ce sujet d’une ordonnance, les syndicats de magistrats administratifs des TA et CAA ont eu l’occasion d’exprimer leurs inquiétudes.

Ces positions, qui ne concordent pas toujours, ont pu s’exprimer en diverses occasions (réunions avec le cabinet de la Ministre de la FP ; CSTACAA ; réunion de dialogue social).

Citations choisies du SJA (majoritaire) puis de l’USMA :

  • « nous avons insisté tout à la fois sur le maintien du rattachement du corps des magistrats des TA-CAA à l’ENA ou au futur ISP, mais également sur la spécificité des fonctions juridictionnelles et la nécessité de tenir compte du cadre constitutionnel et européen garantissant notre indépendance. […] la magistrature administrative est principalement et doit demeurer une magistrature de carrière. C’est dans cette perspective que doit être envisagée la réforme nous concernant, et les atteintes à ce principe doivent rester l’exception et tenir compte de l’indépendance inhérente à l’exercice de nos fonctions. […] Nous avons rappelé que les deux qualités – hauts fonctionnaires et magistrats – n’étaient pas incompatibles.
    Notre voie de recrutement de droit commun est et demeure la voie de l’École nationale d’administration et nous avons salué le maintien du rattachement du corps des magistrats administratifs à l’Institut du service public (ISP) appelé à succéder à l’ENA.
    Nous avons également rappelé notre attachement à la conservation de l’équilibre actuel des voies d’accès au corps qui assurent sa diversité et sa richesse […] S’agissant de l’accès au Conseil d’État, nous avons indiqué que le corps des magistrats administratifs constituait un vivier d’accueil naturel des futurs membres du Conseil d’État et qu’il paraissait cohérent que la première expérience acquise par les futurs juges administratifs de cassation le soit au sein du corps des magistrats administratifs. […] nous avons estimé qu’il serait logique que les lauréats des concours externe et interne de recrutement de magistrats administratifs suivent également ce tronc commun. […]
    Nous avons également évoqué l’hypothèse que la formation actuellement dispensée par le CFJA, d’une durée de six mois, soit allongée (à un an par exemple) afin d’y inclure des stages plus longs en administration, ce qui constituerait une alternative satisfaisante et pertinente à l’obligation de double mobilité, dans la logique du développement d’une culture administrative commune en amont de la prise officielle de fonctions qui sous-tend la réforme […]. S’agissant du déroulement de la carrière, trois mesures posent, en l’état de leur présentation et faute de connaître à ce jour le contenu du projet d’ordonnance, de graves difficultés.
    La première difficulté tient à l’instauration envisagée d’une obligation de mobilité comme condition pour chaque promotion de grade.
    […] La deuxième difficulté tient à la suppression envisagée de la dispense de mobilité par l’affectation durant trois années en cour administrative d’appel. […] A ces nombreux obstacles, s’ajoute celui du strict régime des incompatibilités applicable aux magistrats administratifs, prévu à l’article L. 231-5 du code de justice administrative. […] La dernière difficulté tient à la mise en place d’un « rendez-vous de carrière » sur le modèle de l’École de guerre. La nécessité d’une magistrature de carrière, mais aussi et surtout l’indépendance des magistrats administratifs et le rôle central du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, appelé en l’état du droit à émettre un avis conforme sur la nomination des présidents des tribunaux administratifs, ne permettent pas d’inclure la sélection des chefs de juridiction dans ce processus de détection, formation et sélection des administrateurs appelés à exercer les emplois à la discrétion du Gouvernement. Nous avons précisé que notre opposition était bien entendu formulée sans préjudice de l’inclusion dans ce dispositif des magistrats administratifs qui souhaiteraient, dans le cadre d’un détachement, accéder à des fonctions d’encadrement supérieur au sein de l’administration de l’État. » [SJA ; voir ici]
  • « […] nous sommes plus que jamais déterminés à préserver la spécificité de notre métier. Nous avons réaffirmé notre fierté d’être magistrats et que le projet en l’état porte atteinte à notre indépendance, à notre métier de juge, à une magistrature de carrière et de métier ainsi qu’au principe d’inamovibilité » [USMA ; voir ici]
  • « Concernant le recrutement, un arbitrage est toujours en cours sur la sortie directe dans les TA/CAA après la scolarité dans le futur Institut du service public (ISP). Nous avons réaffirmé, conformément à notre livre blanc, notre attachement aux recrutements diversifiés (concours, tour extérieur, détachement, sortie ENA, désormais ISP). Concernant la formation, il n’est plus question de créer un cursus unique. L’ISP prévoirait néanmoins un tronc commun pour les différentes écoles (avec des grands thèmes transversaux comme la transition numérique, l’écologie, les principes et valeurs républicains, le rapport à la science…). La formation CFJA serait maintenue et ne devrait pas être affectée dans un premier temps même s’il semble intéressant de permettre aux futurs magistrats administratifs de suivre ces modules de formation.
    Concernant la carrière, et il s’agissait du cœur de nos échanges, le principe d’une mobilité à chaque changement de grade semble faire partie des principes arbitrés pour toute la haute fonction publique. Dès lors que la volonté est que cette mobilité soit décloisonnée pour les administrateurs de l’Etat, la suppression de la « dispense » par la CAA semble être envisagée.
    Pour le cabinet, il ne s’agit pas de gagner des compétences managériales, comme le laissent penser nos orientations, mais de permettre des mobilités différentes, des enrichissements mutuels et des acquisitions de savoir.
    Nous avons signifié notre vive opposition sur le sujet tel qu’il est pensé et dit que nous ne devons pas être les victimes collatérales de cette réforme. Nous avons insisté sur la nécessité d’une magistrature de carrière, la spécificité du juge administratif et l’actuelle richesse de notre corps qui provient d’un recrutement diversifié. Nous avons souligné les difficultés des magistrats, notamment hors Ile-de-France, pour effectuer des mobilités et avons défendu le maintien d’une dispense par un passage en CAA.
    […] la réforme telle qu’elle est pensée, indistinctement pour tous les hauts fonctionnaires, risque aussi d’avoir une incidence sur l’attractivité de notre corps, notamment pour les collègues en détachement. Nous avons aussi insisté sur le fait que le régime indemnitaire n’était pas à la hauteur de nos fonctions et que cette situation doit être revue au risque là encore d’aggraver cette perte d’attractivité pour notre métier.
    Enfin nous avons insisté sur le fait que la nomination des présidents notamment de tribunaux ne pouvait pas échapper à la compétence du CSTA notamment par le passage par une formation différence et qu’un président de juridiction doit avoir fait principalement sa carrière au sein celle-ci.
    Nous avons ainsi réaffirmé notre fierté d’être magistrats et que le projet en l’état porte atteinte à notre indépendance, à notre métier de juge, à une magistrature de carrière et de métier ainsi qu’au principe d’inamovibilité. […] nous ne devons pas être les victimes collatérales de cette réforme. Nous avons insisté sur la nécessité d’une magistrature de carrière, la spécificité du juge administratif et l’actuelle richesse de notre corps qui provient d’un recrutement diversifié. Nous avons souligné les difficultés des magistrats, notamment hors Ile-de-France, pour effectuer des mobilités et avons défendu le maintien d’une dispense par un passage en CAA. » [USMA ; voir ici pour un exposé beaucoup plus complet]