Collectivités : après la crise, comment aider les entreprises ? [2 VIDEOS + ARTICLE + Graphique]

Nouvelle diffusion de notre article du 22/9/2020 car le droit n’a pas changé (si ce n’est sur les plafonds d’aides d’Etat, les régimes transitoires propre au COVID qui ont évolué…) et la question reste parfois tout à fait lancinante.

 

 

A chacun sa stratégie de développement. A chaque territoire ses possibilités, ses contraintes et ses opportunités. Mais à chaque fois, la mise en oeuvre de ces stratégies, et leur optimisation, passe par le mix de bons outils, bien combinés entre eux, avec savoir-faire.

A cette fin, nous vous conseillons de regarder, dans l’ordre :

  • d’abord un passage en revue des outils juridiques à cet effet (I)
  • puis un court aperçu de quelques conseils méthodologiques et de retours de terrain (II)
  • puis de lire notre article (III)

 

 

I. Les outils juridiques du développement, passés en revue (vidéo détaillée)

 

 

D’où l’importance, comme dans cette vidéo, de passer en revue ces nombreux outils juridiques, de les connaître… pour ensuite les mettre au service des territoires, de l’économie et de l’emploi.

Voici cette vidéo de 21 mn :

 

II. Interviews et conseils méthodologiques (vidéo concise)

 

Voir aussi à ce même sujet, mais sans exposé juridique approfondi, mais avec d’intéressantes interview de praticiens, une vidéo de 4mn10, une vidéo très synthétique à ce même propos :

• avec une présentation générale par Me Yann Landot

• PUIS un entretien avec Monsieur Christian POIRET, Président de Douaisis Agglo (www.douaisis-agglo.com) et avec Monsieur Michel ISNEL, consultant associé, Le Management des Liens (http://www.lmdl-conseils.fr).

Il s’agit d’une reprise d’un dossier extrait de notre chronique vidéo bimensuelle, intitulée « les 10′ juridiques », en date du 22 juin 2020, faite en partenariat entre Weka (http://www.weka.fr ; http://www.weka.jobs ; http://www.weka.media) et le cabinet Landot & associés.

 

Mise à jour, attention :

Aide aux entreprises par les collectivités et fonds de solidarité : plus que quelques jours pour délibérer ! 

 

 

III. Après la crise, comment aider les entreprises ? [article]

 

 

Développer un territoire, cela ne s’improvise pas. C’est une démarche progressive et globale, fondée sur le tissu existant d’entreprises et d’acteurs, à une échelle à calibrer au cas par cas, avec un subtil équilibre entre développement endogène et exogène.

L’ère du développement uniquement de ZAE est dépassée par la multiplication des besoins. A ce sujet, la boîte à outils, en droit, s’avère riche, mais complexe, voire parfois dangereuse à manier.

 

La voie de l’action directe

 

Parfois, notamment pour un commerce multiservices, un salon de coiffure municipal rural, une laverie dans un quartier défavorisé, ou encore un réseau public de « taxis verts » à la demande, la commune ou la structure intercommunale décide de créer directement une activité (un service public industriel et commercial — SPIC).

Sauf exception, la commune doit alors pouvoir prouver qu’elle agit  pour, cumulativement :

–          répondre à un « intérêt public local » ;

–          pallier une « carence de l’initiative privée », quantitative ou qualitative.

 

Ces critères  font l’objet de jurisprudences plutôt tolérantes. Mais ce régime d’intervention directe peut être coûteux, puisque si le secteur privé est défaillant, c’est justement, le plus souvent, faute de marché…  Et il n’est pas toujours satisfaisant que la commune investisse dans des activités déficitaires et pour lesquelles elle ne dispose pas toujours d’un grand talent de gestion. Ces interventions sont donc le plus souvent utilisées pour sauver le dernier commerce du village (voir encadré).

Sources : art. L. 2251-3 du CGCT ; CE, sect., 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers ; CE, 17 avril 1964, Commune de Merville Franceville ; CE, 20 novembre 1964, Ville de Nanterre ; CE, 23 décembre 1970, Préfet du Val-d’Oise contre commune de Montmagny ; CE, 23 juin 1972, Société la plage de la forêt.

 

Le maintien des services nécessaires à la population

 

S’il s’agit de maintenir les « services nécessaires à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural » (ou dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville)… c’est un régime bien plus puissant que la commune peut utiliser.

En pareil cas, la commune peut :

  • soit accorder des aides, même directes sous quelques conditions (subventions, cofinancement de publicités ou aides à la formation, par exemple)… et ce très librement, à la condition toutefois qu’une convention, signée entre le bénéficiaire de l’aide et la commune, précise les mesures de redressement que s’engage à prendre le bénéficiaire.
    B. : les aides aux recrutement de salariés ne doivent cependant pas faire de la commune un « co-employeur ». De même semble-t-il que les garanties d’emprunts doivent être accordées en respectant le droit commun.
  • soit reprendre, elle-même, l’activité tertiaire (en cas de nécessité de remplacer un départ en retraite, par exemple), puis la gérer.
    Concrètement, à ce stade gare à bien choisir son montage juridique. La commune a alors le choix entre une gestion en régie (de préférence en régie personnalisée pour pouvoir recruter un salarié de droit privé), en gérance (par un marché public le plus souvent) ou en location-gérance (qui peut parfois être une délégation de service public).

 

Ces aides ne concernent que des activités tertiaires et non industrielles ou artisanales (TA Dijon, 1er oct. 1985, Commissaire de la République de Saône-et-Loire, Rec. CE 1985, p. 620).

En cas de reprise du commerce par la commune elle-même, plusieurs erreurs méthodologiques sont parfois commises… qui nécessitent tact, doigté et suivi au cas par cas.

 

L’intervention doit toujours remplir, cumulativement, plusieurs conditions :

–          répondre à un intérêt public local, dans le but de pallier la carence de l’initiative privée, quantitativement ou qualitativement.

–          concerner un service, à l’exclusion des activités purement industrielles (voire certaines activités purement artisanales… selon des contours encore mal définis par la jurisprudence), « nécessaire à la population (ce qui peut cependant inclure des services indirectement nécessaires à la population tels que certains hôtels ou campings). Surtout, il doit s’agir de maintenir ce service (les créations pures d’un nouveau service ne peuvent sans doute pas se fonder sur ce régime… mais elles sont permises en vertu d’une jurisprudence constante).

–          intervenir en « milieu rural »… une notion dénuée de réelle définition juridique.

–          demeurer globalement proportionnée tant au regard des besoins à satisfaire et du principe d’égalité devant le service public.

N.B. : dans tous les cas, la relance d’un commerce constituera une œuvre de longue haleine. D’où l’importance de :  mobiliser la population ; favoriser les opérations de dynamisation commerciale (cartes d’achat, quinzaines commerciales…) dans les limites du droits des aides au développement économique ; simplifier le parking aux abords des centre-bourgs commerçants ; mobiliser les aides des autres collectivités locales.

Certaines opérations en zone rurale peuvent espérer une aide publique, selon des modalités complexes et changeantes : il importe d’abord de saisir les services de l’Etat, ainsi que les chambres consulaires (CCI, chambre des métiers…) compétentes.

 

 

Autres aides directes

 

Une autre forme très directe d’intervention peut consister à octroyer une « aide directe » à une entreprise :

  • soit pour compléter une aide directe de la région. Dont les politiques de fonds d’investissements et fonds régionaux
  • soit dans le cadre du « maintien des services nécessaires à la population en milieu rural » (voir ci-avant).
  • soit afin de subventionner, par convention, des entreprises existantes ayant pour objet l’exploitation de certaines petites salles de spectacle cinématographique (art. L. 2251-4 du CGCT)
  • soit dans certains cas concernant les Sociétés coopératives ouvrières de production, non cependant sans quelques incertitudes juridiques.
  • soit pour les professionnels de santé : Aides aux professionnels de santé : art. L. 1511-8 du CGCT

N.B. : attention aux aides aux associations qui cependant mènent des activités économiques au point de risquer d’être considérées comme des entreprises (ce qui rend illégale toute subvention).

Surtout, dans le cadre d’une convention passée avec la région, la métropole de Lyon, les communes et leurs groupements peuvent participer au financement des aides et des régimes d’aides mis en place par la Région (art. L. 1511-2 du CGCT) et peuvent participer aux fonds de solidarité de l’Etat, avec désormais des possibilités d’actions territorialisées (voir décret 2020-1048 du 14 août 2020).

S’y ajoutent enfin des aides à l’export, des aides au conseil…

 

Le cas du ski

Voir (mise à jour) :

 

Le large panel des aides indirectes

 

D’autres aides sont considérées comme indirectes, tout en faisant l’objet de règles assez contraignantes.

Il en va ainsi notamment des exonérations fiscales. Et mieux vaut ne pas se tromper en la matière. En effet, les exonérations illégales peuvent, dans certains cas, constituer le délit de concussion.

Plus complexe encore est le régime des garanties d’emprunts :  la commune s’engage à rembourser cet emprunt à la place de l’entreprise, si celle‑ci défaille.

Les garanties d’emprunts des collectivités territoriales ne peuvent, selon les cas, dépasser certains ratios (sauf exceptions, au profit notamment du logement social, de certaines associations…) : l’ensemble engagements au titre des garanties d’emprunts des entreprises et des remboursements d’emprunts de la commune ne peut excéder 50 % des recettes de fonctionnement communales ; le risque annuel induit par une même entreprise doit rester limité à 5 % des recettes réelles de fonctionnement de celle-ci ; l’ensemble des collectivités locales ne peut pas couvrir plus de 50 % d’un même emprunt. Des règles particulières s’imposent aux communes de 3 500 habitants et plus (soit de re‑cautionnement, soit de provisionnement). Ces rטgles comportent diverses exceptions. Sources : art. L. 2252-1 et suiv. du CGCT ; articles 2025 et 2033 du Code civil…

Enfin, des règles particulières s’appliquent en cas de ventes ou de locations de biens immobiliers aux entreprises. Toute location ou toute vente de bâtiments à une entreprise doit être conclue aux «conditions du marché » (mais avec un rabais possible égal à la différence entre le prix de revient du bâtiment après rénovation et sa valeur aux prix du marché ; divers rabais envisageables ensuite selon les types de zonages)

Il est souvent prudent de donner un bâtiment en « crédit‑bail » (ou « location-vente »), plutôt que de le vendre en pleine propriété avec des paiements échelonnés. La commune demeure en effet propriétaire du bâtiment en cas de faillite… Mais attention : la commune ne peut, légalement, être que ponctuellement crédit-bailleresse..

N.B. : voir aussi les cas particuliers des pépinières et des ateliers relais.

Sources : art. L. 1511-3, L. 2251-3, ainsi que R. 1511-19 et suivants du CGCT.

Les autres aides indirectes peuvent être librement consenties par la commune (tant qu’elles ne se transforment pas, en réalité, en aides directes). Il en va ainsi en matière de vente ou de location d’un bien immobilier non bâti à une entreprise.

N.B. : le juge administratif a décidé que des rabais, voire une cession du terrain nus au franc symbolique, demeurent possibles si : la réduction du prix se trouve motivée par l’intérêt général (et non par un intérêt particulier), telle que la recherche de créations d’emplois ; la cession comporte des contreparties suffisantes. A titre d’exemple, une commune a pu, légalement, céder 36 ares pour un franc à une entreprise, en contrepartie de « l’engagement de l’entreprise de créer 5 emplois dans le délai de 3 ans, assortie, en cas d’inexécution de cet engagement, de l’obligation de rembourser à la commune le prix du terrain » tel qu’évalué par les services des domaines (arrêt Fougerolles).

 

En ces temps de crise sanitaire…

 

En ces temps de crise sanitaire… s’y ajoutent divers ajustements insérés pour activer les réseaux locaux (multiples régimes propres aux PME et aux critères sociaux et/ou environnementaux en commande publique ; prise en compte des externalités environnementales et autres circuits courts dans la loi Egalim… voir notamment le décret n° 2019-351 du 23 avril 2019).

Souvent les acteurs locaux conjuguent leurs efforts avec les chambres consulaires pour informer les entreprises des possibilités qui sont les leurs en termes de reports fiscaux, d’aides au recrutement, de bénéfice du grand plan de relance…)… et accordent, s’ils sont bailleurs, des réductions et reports de loyers à la condition de démontrer que les autres bailleurs font de même, que l’on se rapproche donc du marché)

 

 Des aides déplafonnées mais à notifier

 

Les « contrats de Cahors » (qui limite la hausse des dépenses de fonctionnement à 1,2 %)  ont été suspendus (annulation du dispositif de reprise financière : art 12 de la loi du 23 mars 2020) a printemps et nombre d’aides vont sortir des plafonnements financiers à ce titre et/ou pouvoir donner lieu à un amortissement prolongé (5 ans).

Mais attention : il continue de falloir notifier les aides aux entreprises, au delà de certains montants, et hors certaines opérations ayant des contreparties d’intérêt général… au titre du régime des « aides d’Etat » avec quelques ajustements particuliers en ces temps covidiens. En réalité, ces notifications passent pour l’essentiel par la région.

 

Départements

Les départements ne peuvent pas utiliser la crise pour reprendre directement des activités d’aides économiques en dehors des cas (certaines aides agricoles, ou à connotation sociale…) où ils peuvent le faire (TA Châlons-en-Champagne, 15 juin 2020, n° 2000896). Mais, outre que législativement sur ce point le droit pourrait évoluer, les départements retrouvent des marges de manœuvre via d’autres outils, comme la création de SPL, certains bons usages de l’ingénierie territoriale départementale…

 

Forts enjeux pour les commerces, la santé, la culture…

Préemption et préemption des baux commerciaux, travail sur la formation, l’animation, les rénovations urbaines, SEML ou SPL patrimoniales, actions cœur de ville ou autre … les actions spécifiquement commerciales à moyen et long terme sont souvent aussi engagées par des collectivités pour reprendre les locaux et baux qui auront été en liquidation, pour pérenniser l’activité, via divers mécanismes en aval…

 

Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent aussi attribuer des aides destinées à favoriser l’installation ou le maintien de professionnels de santé dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins (art. L.1511-8 du CGCT). Ces zones sont définies par un arrêté du directeur général de l’ARS.

 

Les collectivités peuvent en outre exonérer temporairement de cotisation foncière des entreprises les médecins et les auxiliaires médicaux qui exercent leur activité, à titre libéral, dans une commune de moins de 2 000 habitants ou dans une commune située dans une zone de revitalisation rurale (ZRR).

Afin de lutter contre la désertification médicale dans certaines zones, cette exonération s’applique également aux médecins et auxiliaires médicaux qui ouvrent un cabinet secondaire dans les mêmes communes que celles visées ci-dessus ou dans une commune où l’offre de soins est insuffisante.

L’exonération est également susceptible de s’appliquer à certains vétérinaires ruraux (CGI, art. 1464 D).

Les médecins, les auxiliaires médicaux et les vétérinaires ruraux peuvent également bénéficier, sous certaines conditions, d’une exonération corrélative de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CGI, art. 1586 nonies).

 

L’article 24 de la loi du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, prévoit la possibilité du maintien d’une partie des subventions accordées à un projet, un évènement ou une manifestation annulés durant la période de mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire.

Ce maintien est toutefois limité aux dépenses éligibles effectivement décaissées à l’occasion de l’évènement dont atteste le bénéficiaire.

Les collectivités peuvent également participer au soutien à la culture, en sus des aides accordées par l’État et les organismes compétents (CNC, CNV etc.), ave notamment les aides « loi Sueur » (art L. 2251-4 et L3232-4 du CGCT) et quelques aides fiscales (art. 1586 nonies du CGI puis art. 1464 A, 3° et 4° de ce même code ; pour les librairies, voir CGI, art. 1464 I et suiv.).

 

Agriculture

Les collectivités peuvent également participer aux fonds créés par les Régions en faveur des agriculteurs.

Ces aides devront toutefois respecter des règles spécifique au secteur de l’agriculture (règlement européen (CE) n° 1408/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 concernant l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l’agriculture).

En matière fiscale, le bloc communal peut en outre exonérer de taxe foncière sur les propriétés non bâties :

les terrains nouvellement plantés en noyers, cette exonération ne pouvant pas dépasser 8 ans (CGI,  art. 1395 A et. 1639 A bis) ;

les vergers, cultures fruitières d’arbres et arbustes et les vignes situées sur les terrains classés dans les 3e et 4e catégories de nature de culture ou de propriété définies à l’article 18 de l’instruction ministérielle du 18 décembre 1908) (CGI, art. 1395 A bis).

 

Du sur-mesure et de l’endogène avant tout

 

Les outils ne manquent donc pas… Nombre de collectivités ont des services de développement économique compétents. Mais ceux-ci doivent gérer un changement de paradigme. Ceux qui avaient l’habitude de faire du développement exogène et de la requalification de zone d’activité sont, par exemple, en phase de changement de paradigme, tenus qu’ils sont de se mettre au développement endogène et à la constitution de mix d’outils de sauvegarde d’entreprises, de développement endogène, d’aide à la reconversion et, à terme, de sauvegarde du tissu économique quitte à reprendre des locaux par exemple… Dans ce cadre, l’économie solidaire et sociale et le volet social de ces actions n’est pas non plus à sous-estimer dans son importance… pour relever un défi inédit pour nos économies, nos tissus humains et sociaux et nos collectivités territoriales…

 

Eric Landot

Avocat

 

 

Une approche graphique