Cannabis et autres substances : le cadre législatif NE part PAS en fumée

En matière de cannabis et, plus largement, de substances vénéneuses, stupéfiantes et psychotropes : est-il constitutionnel que ce soit l’ANSM qui décide seule, dans un cadre législatif très peu encadré, de ce qui peut, ou non, être cultivé, importé, exporté et/ou commercialisé ? A cette question, via une QPC, le Conseil constitutionnel vient d’apporter une réponse positif. Non le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence. Et Non le cadre législatif actuel n’a pas vocation à partir en fumée. 

 

 

Les articles L. 5132-1, puis L. 5132-6 et suivants du code de la santé publique traitant des substances vénéneuses, stupéfiantes et psychotropes.

L’article L. 5132-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige, confie au directeur général de l‘Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) le pouvoir de classer les plantes, substances ou préparations vénéneuses comme stupéfiants ou comme psychotropes ou de les inscrire sur les listes I et II.

BREF le législateur ne s’est-il pas un peu défaussé sur le pouvoir réglementaire, façon « incompétence négative », dans un domaine qui eût du relever du pouvoir législatif ?

N’aurait-il pas fallu l’encadrer à tout le moins pour éviter cette incompétence négative, d’autant que pour ce qui est du cannabis thérapeutique, se pose en ces domaines une question de liberté d’entreprendre ?

Une QPC avait été déposée à ce sujet, que le Conseil d’Etat avait décidé de passer à son voisin en ces termes qui n’avaient rien de stupéfiants :

« Le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment en ce qu’en renvoyant au pouvoir réglementaire, par le classement des plantes, substances ou préparations dans les catégories des substances stupéfiantes ou psychotropes ou par leur inscription sur les listes I et II, sans l’encadrer, la définition du champ d’application de la police spéciale des substances vénéneuses qui lui confère par ailleurs des pouvoirs étendus, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant par elles-mêmes la liberté d’entreprendre, soulève une question présentant un caractère sérieux

CE, 8 octobre 2021, n° 455024

 

La légalisation — ou non — du cannabis n’est absolument pas ce dont il est question.

Mais le point de savoir qui définit les frontières pour définir ce qui est légal, au stade de ce qui peut, ou non, être cultivé, importé, exporté et/ou commercialisé n’est en effet pas un petit sujet.

Résumons la requête en reprenant sur ce point la formulation du Conseil constitutionnel :

« l’association requérante, rejointe par une partie intervenante, reproche à ces dispositions de ne pas définir la notion de « substance stupéfiante » et de renvoyer ainsi au pouvoir règlementaire la détermination du champ d’application de la police spéciale qui réglemente ces substances. Ce faisant, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant la liberté d’entreprendre.»

Or, à cette question, le Conseil constitutionnel vient d’apporter une via sa décision 2021-960 QPC en date de ce jour, 7 janvier 2021. Il juge le cadre actuel conforme à la Constitution.

Premier argument de la requête à partir en fumée, celui de l’imprécision supposée du législateur, laquelle peut en effet glisser dans certains cas (mais pas celui-ci donc selon les sages de la rue Montpensier) vers de l’incompétence négative :

« 16. Les dispositions contestées de l’article L. 5132-1 prévoient que les substances vénéneuses comprennent notamment les substances stupéfiantes. Les dispositions contestées de l’article L. 5132-7 prévoient, quant à elles, que les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants par décision du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

« 17. La notion de stupéfiants désigne des substances psychotropes qui se caractérisent par un risque de dépendance et des effets nocifs pour la santé. En incluant ces substances parmi les substances nocives pour la santé humaine, le législateur n’a pas adopté des dispositions imprécises.

« 18. En renvoyant à l’autorité administrative le pouvoir de classer certaines substances dans cette catégorie, il n’a pas non plus conféré au pouvoir réglementaire la compétence pour fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi. Il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, de procéder à ce classement en fonction de l’évolution de l’état des connaissances scientifiques et médicales.

« 19. Le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant la liberté d’entreprendre doit donc être écarté.»

 

Les autres griefs n’étaient (à l’évidence d’ailleurs) pas opérants.

Voici cette décision :

 

Voici un lien vers la vidéo de l'(intéressante) audience :

 

 

Crédits photographiques : Conseil constitutionnel