Nouvelle extension du régime du congé de proche aidant

En France, 8 à 11 millions de personnes soutiennent un proche en perte d’autonomie ou en situation de handicap.

Relayage, baluchonnage (terme initial, québecois) et congé de proche aidant… autant de termes pour un seul et même régime, visant à aider ces aidants… dont les bénéficiaires viennent de donner lieu à une extension via un nouveau décret. 

 

I. Un baluchonnage importé

 

L’idée inspirée du Québec permet au baluchonneur d’arriver dans la maison de l’aidant d’un malade gardé à domicile, qui pendant le temps de sa présence, peut partir se reposer physiquement et psychologiquement.

Citons le wiktionnaire (voir ici) :

« Baluchonnage – Créé par la gérontologue québécoise Marie Gendron à partir de baluchon avec le suffixe -age : le baluchonneur arrive « avec son baluchon » dans la maison de l’aidant, qui pendant le temps de sa présence, peut partir se reposer physiquement et psychologiquement. […] Système de soutien permettant de garder à domicile les malades, en particulier ceux atteints d’Alzheimer : un baluchonneur remplace l’aidant le temps que celui-ci se ressource. »

 

II. Un baluchonnage d’abord expérimenté (2018-2019), non sans critiques

Ce baluchonnage sera expérimenté dans le cadre de l’article 53 de la loi du 10 août 2018 (dite ESSOC, ou société de confiance ou « droit à l’erreur ») au titre du décret 2018-1325 du 28 décembre 2018, que voici :

Ce décret fixait donc les conditions dans lesquelles l’établissement ou le service employant ou plaçant le salarié volontaire participant à l’expérimentation s’assure de l’effectivité du repos compensateur lorsque celui- ci est accordé pendant l’intervention. Il précisait également en annexe le cahier des charges pour la mise en œuvre de l’expérimentation dans le cadre des prestations de suppléance à domicile du proche aidant et celui applicable dans le cadre des séjours de répit aidants-aidés.

Plus largement, sur cette loi, voir :

De nombreux professionnels ont plutôt tendance à déplorer que la version française du baluchonnage soit en deçà de ce qui est pratiqué au Québec (source https://www.directions.fr ; lettre aux abonnés en date du 24 janvier 2019).

Ce sont ainsi ces 9 fédérations qui unirent ainsi en 2019 leurs forces pour déplorer ce texte : APF France Handicap ; Autisme France ; FEPEM ; FEHAP ; Fédération Mandataires ; Nexem ; UNA ; UNAFAM ; UNIOPSS.

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Voir  :

  • ou

 

 

Le décret n° 2019-372 du 26 avril 2019 fixant la liste des séjours de répit aidants-aidés autorisés à mener l’expérimentation prévue à l’article 53 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance (NOR: SSAA1903413D) a été publié pour compléter ce dispositif.

 

III. Un baluchonnage qui devient le congé de proche aidant (loi de 2019)

 

Puis a été publiée la loi n° 2019-485 du 22 mai 2019 visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants (NOR: SSAX1830131L.

A noter (hors questions financières) :

 

La loi du 22 mai 2019 devait entrer en vigueur au bout de six mois.

Donc c’est en fanfare, mais avec retard, que furt annoncés le décret fixant les modalités notamment financières de ce régime :

 

IV. Avec bien sûr un volet en droit de la fonction publique

 

NB cette partie IV reprend in extenso des articles publiés par mon associé G. Glénard, que je remercie. 

 

IV. Cadre général

L’article 40, II, de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique crée, dans la fonction publique territoriale (FPT) et la fonction publique de l’État (FPE), le congé de proche aidant en ajoutant un 10° bis à l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et un 9 bis à l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984.

Ce congé permet à un agent de suspendre son activité professionnelle pour aider un proche affecté d’un handicap ou une perte d’autonomie d’une particulière gravité. La notion de proche est définie par l’article L. 3142-16 du code du travail auquel renvoient les dispositions susmentionnées. Il s’agit :

  • du conjoint ;
  • du concubin ;
  • du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ;
  • de l’ascendant ;
  • du descendant ;
  • d’un enfant dont il assume la charge ;
  • d’un collatéral jusqu’au quatrième degré ;
  • d’un ascendant, un descendant ou un collatéral jusqu’au quatrième degré de son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité ;
  • d’une personne âgée ou handicapée avec laquelle il réside ou avec laquelle il entretient des liens étroits et stables, à qui il vient en aide de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne.

Ce congé de proche aidant est d’une durée de trois mois renouvelable et dans la limite d’un an sur l’ensemble de la carrière. Il peut être fractionné ou pris sous la forme d’un temps partiel.

Si pendant le congé, le fonctionnaire n’est pas rémunéré, la durée afférente est assimilée à une période de service effectif et est prise en compte pour la constitution et la liquidation des droits à pension.

 

IV. B. Cas des agents titulaires

Le décret n° 2020-1557 du 8 décembre 2020 relatif au congé de proche aidant dans la fonction publique est ensuite  venu  préciser ces dispositions législatives.

Il a pour objet de déterminer, pour les fonctionnaires, les agents contractuels de droit public des trois fonctions publiques et les personnels médicaux, odontologiques et pharmaceutiques exerçant en établissement public de santé, les conditions d’attribution et de renouvellement du congé de proche aidant. Il précise également les délais et modalités de mise en œuvre et les cas de situations d’urgence pour lesquels les délais sont supprimés. Enfin, il définit les modalités d’utilisation de ce congé ainsi que les cas de reprise anticipée et de renoncement.

1/ Pour quelle période un fonctionnaire peut bénéficier d’un congé de proche aidant ?

Pour ces agents, le décret précise que le congé de proche aidant se prend selon la ou les modalités suivantes :

1° Pour une période continue ;

2° Pour une ou plusieurs périodes fractionnées d’au moins une journée ;

3° Sous la forme d’un service à temps partiel (art. 2).

2/ Comment demander un congé de proche aidant ?

Pour l’obtenir, le fonctionnaire adresse en principe une demande écrite, au moins un mois avant le début du congé, au chef de service pour le fonctionnaire de l’État, à l’autorité territoriale pour le fonctionnaire territorial ou à l’autorité investie du pouvoir de nomination dont il relève pour le fonctionnaire hospitalier. En cas de renouvellement, il l’adresse au moins quinze jours avant le terme du congé (art. 3).

Toutefois, ces délais peuvent être raccourcis à huit jours en cas de dégradation soudaine de l’état de santé de la personne aidée, de situation de crise nécessitant une action urgente du proche aidant ou de cessation brutale de l’hébergement en établissement dont bénéficiait la personne aidée (art. 5).

3/ Un fonctionnaire peut-il mettre fin de manière anticipée à un congé de proche aidant ?

Le fonctionnaire bénéficiaire du congé de proche aidant peut mettre fin de façon anticipée à son congé ou y renoncer dans les cas suivants :

1° Décès de la personne aidée ;

2° Admission dans un établissement de la personne aidée ;

3° Diminution importante des ressources du fonctionnaire ;

4° Recours à un service d’aide à domicile pour assister la personne aidée ;

5° Congé de proche aidant pris par un autre membre de la famille ;

6° Lorsque l’état de santé du fonctionnaire le nécessite.

Le fonctionnaire doit informer par écrit le chef de service, l’autorité territoriale ou l’autorité investie du pouvoir de nomination dont il relève, au moins quinze jours avant la date à laquelle il entend bénéficier de ces dispositions.

En cas de décès de la personne aidée, ce délai est ramené à huit jours (art. 6).

4/ Quelle est la situation du fonctionnaire pendant la période de proche aidant ?

Selon le versant de la fonction publique, au cours de la période de bénéfice du congé de proche aidant, la situation du fonctionnaire est la suivante :

  • le fonctionnaire de l’Etat reste affecté dans son emploi.
    Si celui-ci est supprimé ou transformé, le fonctionnaire est affecté dans l’un des emplois correspondant à son grade le plus proches de son ancien lieu de travail. S’il le demande, le fonctionnaire peut être affecté dans un emploi plus proche de son domicile, sous réserve du respect de l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984 ;
  • le fonctionnaire territorial reste affecté dans son emploi ;
  • le fonctionnaire hospitalier reste affecté dans son emploi.
    Si l’emploi est supprimé ou transformé, l’agent bénéficie de la priorité mentionnée à l’article 38 de la loi du 9 janvier 1986. Les personnels de direction et les directeurs des soins peuvent également bénéficier dans cette situation de la recherche d’affectation mentionnée à l’article 50-1 de la même loi (art. 7).

5/ Quelles règles particulières pour les fonctionnaires stagiaires ?

Le décret précise les fonctionnaires stagiaires peuvent bénéficier d’un congé de proche aidant dans les mêmes conditions que les titulaires.

Toutefois, certains aménagements sont prévus.

Ainsi, lorsqu’un fonctionnaire bénéficiant du congé de proche aidant est appelé à suivre un stage préalable à une titularisation dans un autre corps ou cadre d’emplois, sa nomination en qualité de stagiaire dans le nouveau corps ou cadre d’emplois est, s’il en fait la demande, reportée pour prendre effet à la date d’expiration de la période de bénéfice du droit au congé de proche aidant.

La date de fin de la durée statutaire du stage du fonctionnaire stagiaire qui a bénéficié du congé de proche aidant est alors reportée d’un nombre de jours ouvrés égal au nombre de jours et, le cas échéant, de demi-journées de congé de proche aidant qu’il a utilisés.

Enfin, la durée d’utilisation du congé de proche aidant est prise en compte pour son intégralité, lors de la titularisation de l’agent, dans le calcul des services retenus pour le classement et l’avancement (art. 9, 10 et 11).

IV. C. Cas des contractuels

Le même décret n° 2020-1557 du 8 décembre 2020 précise également les règles concernant les agents contractuels de droit public. Ce décret modifie le décret du 17 janvier 1986 relatif aux contractuels de l’État, le décret du 15 février 1988 relatif aux contractuels territoriaux et le décret du 6 février 1991 relatif aux agents contractuels hospitaliers.

1/ Pour quelle période un contractuel peut bénéficier d’un congé de proche aidant ?

L’agent contractuel a droit, sur sa demande, à un congé de proche aidant d’une durée maximale de trois mois renouvelable dans la limite d’un an sur l’ensemble de sa carrière lorsque l’une des personnes mentionnées à l’article L. 3142-16 du code du travail présente un handicap ou une perte d’autonomie d’une particulière gravité.

Le congé de proche aidant se prend selon la ou les modalités suivantes :

1° Pour une période continue ;

2° Pour une ou plusieurs périodes fractionnées d’au moins une journée ;

3° Sous la forme d’un service à temps partiel.

2/ Comment demander un congé de proche aidant ?

Pour bénéficier du congé de proche aidant, l’agent contractuel adresse une demande écrite, au moins un mois avant la date du début du congé, au chef de service, l’autorité territoriale ou le chef d’établissement dont il relève. En cas de renouvellement, il adresse sa demande au moins quinze jours avant le terme du congé.

Il indique dans sa demande les dates prévisionnelles de congé ainsi que, le cas échéant, les modalités de son utilisation.

L’agent contractuel bénéficiaire du congé de proche aidant peut en modifier les dates prévisionnelles et les modalités d’utilisation choisies. Dans ce cas, il en informe par écrit à l’autorité hiérarchique compétente dont il relève, avec un préavis d’au moins quarante-huit heures.

Toutefois, le congé débute ou peut être renouvelé sans délai, lorsque la demande de bénéfice ou de renouvellement du congé de proche aidant ou la modification de sa modalité ou de ses modalités d’utilisation et de ses dates prévisionnelles intervient pour l’un des motifs suivants :

1° La dégradation soudaine de l’état de santé de la personne aidée ;

2° Une situation de crise nécessitant une action urgente du proche aidant ;

3° La cessation brutale de l’hébergement en établissement dont bénéficiait la personne aidée.

Dans ces cas, l’agent contractuel transmet, sous huit jours, à l’autorité compétente dont il relève, le certificat médical qui atteste de la dégradation soudaine de l’état de santé de la personne aidée ou de la situation de crise nécessitant une action urgente du proche aidant ou l’attestation qui certifie de la cessation brutale de l’hébergement en établissement.

3/ Un contractuel peut-il mettre fin de manière anticipée à un congé de proche aidant ?

L’agent contractuel bénéficiaire du congé de proche aidant peut mettre fin de façon anticipée à son congé ou y renoncer dans les cas suivants :

1° Décès de la personne aidée ;

2° Admission dans un établissement de la personne aidée ;

3° Diminution importante des ressources du fonctionnaire ;

4° Recours à un service d’aide à domicile pour assister la personne aidée ;

5° Congé de proche aidant pris par un autre membre de la famille ;

6° Lorsque l’état de santé de l’agent le nécessite.

Il en informe par écrit le chef de service dont il relève au moins quinze jours avant la date à laquelle il entend bénéficier de ces dispositions.

En cas de décès de la personne aidée, ce délai est ramené à huit jours.

4/ Quelle est la situation du contractuel pendant la période de proche aidant ?

L’agent contractuel bénéficiaire du congé de proche aidant conserve le bénéfice de son contrat ou de son engagement, dans les conditions de réemploi

Le congé n’est pas rémunéré

 

V. Le nouveau décret

 

Ce décret :

  • élargit le champ des bénéficiaires du congé de proche aidant
  • complète la liste des pièces justificatives à fournir pour l’ouverture du droit à l’allocation journalière du proche aidant (AJPA) et de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) pour ces nouvelles catégories de bénéficiaires.