Les notes de frais des édiles sont, par défaut, des documents administratifs communicables (et ne relèvent pas du régime de la communication des comptes et des budgets), et ce sous réserve de rares occultations à prévoir dont il ne faudra pas exagérer les occurrences. Autrement dit, il ne faudra pas trop caviarder les notes de frais .
Telle est la leçon à tirer d’une importante décision du Conseil d’Etat, concernant la Ville de Paris.
Bref, pour ce qui est de la communication de ces notes de frais, pour le juge, c’est open bar.
Pour ces flux d’information, sont désormais grandes ouvertes les vannes… aux élus de s’attendre à se faire vanner.
Le petit monde territorial, mais aussi les échotiers politiques, depuis 24 heures, traitent abondamment de l’arrêt du Conseil d’Etat censurant le refus, par la mairie de Paris, de communiquer les notes de frais de Mme Hidalgo.
En réalité, les questions juridiques soulevées par cette décision n’étaient pas minces :
- s’agissait-il du droit à communication des actes budgétaires et comptables ou du droit à communication des documents administratifs ?
- Il y a-t-il atteinte à la vie privée à communiquer ces documents ou est-il présumé que ce ne sera pas le cas s’agissant de dépenses faites dans l’exercice des fonctions ?
A ces importantes questions, le Conseil d’Etat vient de répondre schématiquement NON à chacune de ces deux questions :
- NON nous ne sommes pas dans le cadre du droit d’accès aux budgets et comptes
- NON par défaut ce n’est pas par défaut une mise en cause de la vie privée de ces personnes… même si après dans le détail quelques mesures de prudence sont à avoir à l’esprit.
Plus précisément, la Haute Assemblée pose :
- que le droit de communication qu’institue l’article L. 2121-26 du code général des collectivités territoriales (CGCT) s’agissant des « budgets » et des « comptes » des communes ne s’étend pas aux pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité qu’il appartient à l’ordonnateur et au comptable public de conserver, en vertu de l’article 52 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, lesquelles constituent des documents distincts des « comptes » visés par le droit de communication spécial établi par cet article du CGCT.
- que de telles notes de frais et reçus de déplacements ainsi que des notes de frais de restauration et reçus de frais de représentation d’élus locaux ou d’agents publics constituent bien des documents administratifs, communicables à toute personne qui en fait la demande dans les conditions et sous les réserves prévues par les articles L. 300 2, L. 311-1, L. 311-6 et L. 311-7 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), avec deux précisions :
- la communication des notes de frais et des reçus des déplacements, des notes de frais de restauration ainsi que des reçus des autres frais de représentations engagés qui ont trait à l’activité d’un élu local dans le cadre de son mandat et des membres de son cabinet dans le cadre de leurs fonctions, ne saurait être regardée comme mettant en cause la vie privée de ces personnes… y compris pour les invités. Le juge pose en effet que la communication des mentions faisant le cas échéant apparaître l’identité et les fonctions des personnes invitées ne porte pas davantage atteinte, par principe, à la protection de vie privée de ces autres personnes.
- il appartient à l’autorité administrative d’apprécier au cas par cas, à la date à laquelle elle se prononce sur une demande de communication, si, eu égard à certaines circonstances particulières tenant au contexte de l’évènement auquel un document se rapporte, la communication de ces dernières informations ou celle du motif de la dépense serait de nature, par exception, à porter atteinte aux secrets et intérêts protégés par les articles L. 311-5 et L. 311-6 du CRPA, justifiant alors leur occultation.
On le voit l’occultation sera donc possible, voire obligatoire pour respecter tel ou tel secret (dont la violation, rappelons le, est pénalement sanctionnée par les articles 226-13 et suivants du Code pénal !)… mais rare, à opérer au cas par cas.
Dès lors, le Conseil d’Etat a, dans cette affaire, décidé :
- d’annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 11 mars 2021 et la décision implicite par laquelle la maire de Paris a refusé de communiquer à M. de Vries la copie des notes de frais et des reçus des déplacements, des notes de frais de restauration ainsi que des reçus des autres frais de représentations engagés par la maire de Paris ainsi que par les membres de son cabinet au titre de l’année 2017.
- d’enjoindre à la maire de Paris de réexaminer la demande de M. de Vries dans un délai d’un mois.
Source :
Conseil d’État, 8 février 2023, n° 452521, aux tables du recueil Lebon
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