Les moyens de cassation chassés du jardin d’EDEN 

En REP, le juge du fond doit suivre l’ordre des demandes du requérant si celui-ci les a hiérarchisés. Mais le Conseil d’Etat refuse symétriquement de faire droit à d’éventuelles demandes de hiérarchisation des moyens de cassation. En d’autres termes, le Conseil d’Etat refuse d’étendre la jurisprudence EDEN aux moyens de cassation. 

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Un recours pour excès de pouvoir (REP) contre un acte réglementaire peut désormais inclure, et ce même en cours d’instance, une demande d’abrogation… et ce qui n’a l’air de n’être qu’une simplicité technique change, en réalité, bien plus le contentieux administratif qu’il n’y paraît.

Sources : CE, S., 19 novembre 2021, n° 437141, à publier au rec.. Voir aussi précédemment CE, 17 mars 2021, n° 440208, publié au rec. Sur les nouveautés, déjà, il y a quelques années en matière de hiérarchisation des demandes en REP, nouveautés qui ne sont pas sans lien (certes indirect) avec elles de l’arrêt 437141, voir CE, S., 21 décembre 2018, Société Eden, n° 409678 ; CE, 5 avril 2019, n° 413712 ; CE, 5 avril 2019, n° 420608 ; CE, 4 octobre 2019, n° 417617. 

Voir :

 

Dans la décision Société Eden, précitée, la liberté du juge de piocher entre les moyens d’annulation lorsque plusieurs sont soulevés était rappelée par le Conseil d’Etat, MAIS le juge, est c’était alors tout à fait nouveau, devait prioritairement examiner ceux des moyens de légalité qui peuvent donner lieu à injonction si celle-ci est demandée.

Et tant que  la hiérarchisation est opérée avant la date de cristallisation du recours contentieux (voir l’arrêt célébrissime Intercopie de 1953), celle-ci peut s’imposer au juge dans l’examen desdits moyens si cela est induit par une hiérarchisation des demandes (le “par ces motifs” de la requête, donc).

OUI mais est-ce que cela s’applique aussi à hauteur de cassation ?

Une requérante, parvenue jusqu’au Palais Royal à hauteur de cassation, demandait au Conseil d’Etat « d’examiner en priorité ses moyens relatifs au bien-fondé de l’arrêt avant, le cas échéant, d’accueillir [un] moyen de régularité », pour citer un extrait des conclusions de M. Laurent DOMINGO, Rapporteur public.

Or, la Haute Assemblée n’estime pas devoir à hauteur de cassation s’imposer les mêmes contraintes que celles pesant sur le juge administratif, juge du fond en recours pour excès de pouvoir.

Citons les futures tables du rec. telles que préfigurées par celles de la base Ariane (les ajouts de paragraphes sont de nous) :

« 1) Lorsque le Conseil d’Etat annule, sur le fondement de l’article L. 821-1 du code de justice administrative (CJA), une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort, il lui revient de fonder l’annulation sur le moyen relatif à la régularité ou au bien-fondé de la décision juridictionnelle contestée, soulevé devant lui ou d’ordre public, qui lui paraît, eu égard à son office de juge de cassation, le plus approprié pour statuer sur le pourvoi.
« 2) a) Il n’est pas tenu, pour faire droit aux conclusions d’annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d’autres moyens que celui ou ceux qu’il retient explicitement comme étant fondés,
« b) ni de se conformer à la hiérarchie de ses prétentions éventuellement faite par l’auteur du pourvoi en fonction de la cause juridique sur laquelle elles reposent.»

Source :

Conseil d’État, 15 mars 2023, n° 452953, aux tables du recueil Lebon

 

Conclusions de M. Laurent DOMINGO, Rapporteur public  :

 

 

Légende : les moyens de cassation chassés du jardin de la jurisprudence EDEN