Les principes d’indépendance et d’impartialité ne sont pas méconnus par la présence du VP du CE, du président de la MIJA et du secrétaire général du Conseil au CSTA-CAA… en amont des nominations faites par le VP du CE.
En termes contentieux, le principe d’impartialité n’est pas d’application toujours aisée. Voir par exemple :
- Impartialité des juridictions : confirmation des exigences du Conseil constitutionnel en ce domaine (en l’espèce en matière de tribunaux pour enfants)
- La CJUE se reconnaît un droit à enjoindre, en référé, à un Etat de rétablir des éléments majeurs de son régime démocratique (impartialité et l’indépendance des juridictions)
- Sport, dopage et principe d’impartialité (décision du Conseil constitutionnel rendue ce jour)
- Impartialité, référé liberté et référé suspension
- Contentieux administratif : le principe d’impartialité progresse…
- etc.
Ainsi en 2018 le Conseil d’Etat avait-il rappelé qu’il
Le principe d’impartialité s’impose même hors contentieux.
Ainsi un appel à projets doit-il être traité avec impartialité par les administrations (TA Grenoble, 25 février 2021, n°1703926). Il en va de même des jurys de concours dans la fonction publique (CE, 17 octobre 2016, Université de Nice-Sophia Antipolis, n° 386400), ou encore lors des décisions en matière d’octroi de la protection fonctionnelle (CAA Douai, 3 février 2022, n° 20DA02055). Voir par exemple, pour une décision de la Commission Mixte Paritaire des Publications et Agences de Presse (CPPAP) viciée parce qu’un de ses membres, éminent, s’était auparavant exprimé au sujet d’une future décision de ladite commission : TA Paris, ord., 13 janvier 2023, n°2226512/5). Voir, en marchés publics, Conseil d’État, 7ème / 2ème SSR, 14/10/2015, 390968 puis CE, 25 novembre 2021, Corsica Networks a c/ collectivité de Corse et NXO France, n° 454466, à publier au rec. ; Impartialité et mise en concurrence [VIDEO et article] ). Voir pour une impartialité lors d’une défusion de communes : CAA Bordeaux, 8 octobre 2020, n° 18BX04361. Reste que tout ceci s’apprécie avec prudence, au cas par cas (voir par exemple CE, 18 novembre 2022, n° 457565).
Oui mais comment gérer l’impartialité quand il n’est pas facile de se dissocier ? En contentieux, on a vu que la limite de ce principe était l’éventuelle « impossibilité structurelle pour la juridiction à laquelle l’affaire a été renvoyée de statuer dans une formation de jugement ne comprenant aucun membre ayant déjà participé au jugement de l’affaire » ( CE, 26 mars 2018, M. , n° 402044, rec. T. pp. 750-948 ; CE, 5 juillet 2022, n° 449112, à mentionner aux tables du recueil Lebon).
Le petit monde du Conseil d’Etat et de ses institutions satellitaires illustre à l’excès les limites de cette interdiction de l’entre-soi.
Déjà, dans le passé, le Conseil d’Etat s’estimait bien compétent en premier et dernier ressort pour connaître de la délibération du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTA, ou CSTACAA ou CSTA-CAA…) établissant, en application des articles L. 234-2 et L. 234-2-2 du code de justice administrative (CJA), un tableau d’avancement au grade de président du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.
Source : CE, 24 janvier 2022, n° 445786, à mentionner aux tables du recueil Lebon. NB : sur les compétences du CSTA-CAA, voir CE, 5 mars 2020, n°427737, au recueil Lebon.
Sauf que quand on sait le poids du CE dans les décisions du CSTA-CAA…. c’est un peu amusant. Comme si on pouvait être à la fois DRH et juge de ce qu’a fait le DRH.
Un peu comme si le Conseil d’Etat était compétent pour être juge des actes de son patron (i.e. son Vice-Président). Ooups. C’est justement le cas… Voir :
- CE, 25 mars 2020, n° 421149, publié au rec., où Car on n’est jamais bien servi que par soi-même. Voir notre article :
NB : pour le judiciaire, c’est le Conseil d’Etat qui est compétent en premier et dernier ressort pour connaître du refus du garde des sceaux de proposer au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) la promotion d’un magistrat ( CE, 29 mars 2017, n° 397724, rec. T. pp. 528-656).
Au total, voir ma petite vidéo : Juge administratif : qui gardera le gardien ? (Quis custodiet ipsos custodes ?) [VIDEO]
« […] la nature hautement spécialisée du recrutement et le faible nombre de spécialistes de la discipline susceptibles de participer au comité de sélection doivent être pris en considération pour l’appréciation de l’intensité des liens faisant obstacle à une participation au comité de sélection.»(Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 12/06/2019, 409394)
- « […] la nature hautement spécialisée du recrutement [doit…] être pris en considération »
- et pour importer au procédures administratives non contentieuses un raisonnement tenu ci-avant en pur contentieux, il faut aussi prendre en compte l’ « impossibilité structurelle » de ne pas avoir les grands dirigeants du Conseil d’Etat au CSTA-CAA (CE, 26 mars 2018, M. , n° 402044, rec. T. pp. 750-948)
Donc une fois de plus triomphe l’entre-soi au détriment d’une vision très stricte de l’impartialité… mais une telle vision très stricte, en l’espèce, serait très difficile à mettre en oeuvre et ne serait pas, non plus, sans inconvénients.