Contentieux des décisions de la CNIL : un mode d’emploi subtil

Un contrôle juridictionnel subtil pèse sur les décisions de la CNIL, selon ses décisions mais aussi selon les formations saisies. 


 

Mme E… a saisi la CNIL d’une plainte tendant à ce que celle-ci contrôle et sanctionne son voisin, M. C…, en raison de l’installation au domicile de ce dernier d’un dispositif de vidéosurveillance portant, selon elle, atteinte à sa vie privée.

La présidente de la CNIL s’est contentée de morigéner ledit voisin en lui demandant de bien tourner ses caméras sur sa propriété, et elle seule.

Mme E… a trouvé cela tout à fait insuffisant et de ce banal litige, est née une décision du Conseil d’Etat qui servira de mètre étalon sur le niveau de contrôle juridictionnel de telles décisions. C’est bien simple : en sus d’entrer dans les tables du recueil, cette décision, on devrait la mettre à Sèvres.

Ceci dit, trêve de billevesées : abordons ledit mode d’emploi.

  • il appartient à la CNIL de procéder, lorsqu’elle est saisie d’une plainte ou d’une réclamation tendant à la mise en oeuvre de ses pouvoirs, à l’examen des faits qui en sont à l’origine et de décider des suites à leur donner. A cet effet, elle dispose, en principe, d’un large pouvoir d’appréciation et peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu’elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l’ont été et, plus généralement, de l’ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge.
  • l’auteur d’une plainte peut déférer au juge de l’excès de pouvoir le refus du président de la CNIL d’engager une procédure sur le fondement de l’article 20 de la loi du 6 janvier 1978 et, notamment, de saisir la formation restreinte sur le fondement du III de cet article, y compris lorsque la commission a procédé à des mesures d’instruction, constaté l’existence d’un manquement aux dispositions de cette loi et pris l’une des mesures prévues au I et II de ce même article.
    Il appartient alors au juge de censurer cette décision de refus, le cas échéant, pour un motif d’illégalité externe ou, au titre du bien-fondé de la décision, en cas d’erreur de fait ou de droit, d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir.
  • En revanche, lorsque le président de la CNIL a saisi la formation restreinte sur le fondement du III de cet article, l’auteur de la plainte n’a pas intérêt à contester la décision prise à l’issue de cette procédure, quel qu’en soit le dispositif.
    Toutefois, lorsque l’auteur de la plainte se fonde sur la méconnaissance par un responsable de traitement des droits garantis par la loi à la personne concernée à l’égard des données à caractère personnel la concernant, notamment les droits d’accès, de rectification, d’effacement, de limitation et d’opposition mentionnés aux articles 49, 50, 51, 53 et 56 de la loi du 6 janvier 1978, celui-ci, s’il ne peut contester devant le juge l’absence ou l’insuffisance de sanction une fois que la formation restreinte a été saisie, est toujours recevable à demander l’annulation du refus du président de la CNIL de mettre en demeure le responsable de traitement de satisfaire à la demande dont il a été saisi par cette personne ou du refus de la formation restreinte de lui enjoindre d’y procéder.
    Le pouvoir d’appréciation de la CNIL s’exerce alors, eu égard à la nature du droit individuel en cause, sous l’entier contrôle du juge de l’excès de pouvoir.

Source :

Conseil d’État, 27 mars 2023, n° 467774, aux tables du recueil Lebon