Publication de la loi sur le tiers financement de la rénovation énergétique des bâtiments publics (nouvelles souplesses juridiques et financières)

Au JO de ce matin est publiée la loi sur le tiers financement de la rénovation énergétique des bâtiments publics (avec de nouvelles souplesses en termes de différé de paiement et de montages contractuels). L’objectif de ce dispositif expérimental est de permettre aux acheteurs publics de financer partiellement leurs travaux de rénovation énergétique grâce aux futures économies d’énergie qu’ils entraîneraient. 


 

Les bâtiments publics de l’État et des collectivités locales représentent :

  • 380 millions de m², soit 37 % du parc tertiaire national.
  • 76 % de la consommation énergétique des communes.

 

Dès 2009 lors du vote de la loi dite « Grenelle 1 », le législateur a assigné au monde public des objectifs de réduction de la consommation énergétique des bâtiments publics, objectifs réaffirmés et rehaussés avec la loi de 2018 dite « ÉLAN » (visant à une réduction de la consommation d’énergie finale pour l’ensemble des bâtiments soumis à l’obligation d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010 »).

La rénovation énergétique des bâtiments publics a ensuite été une priorité du Plan de Relance (4 milliards d’euros).

Cependant, le financement de ces ouvrages et de ces rénovations reste difficile et les montages juridiques lents et contraignants.

 

Le 29 novembre 2022, Mme Aurore Bergé et des membres du groupe Renaissance (plus quelques apparentés) déposait donc une proposition de loi, qui a abouti ce matin (après accord en CMP avec le Sénat) à la publication au JO de la :

Le mécanisme de tiers financement consiste à inclure un tiers dans le portage financier d’une rénovation énergétique de bâtiment, dans le cadre d’une offre complète. Le tiers réalise l’investissement, puis le bénéficiaire des travaux lui rembourse l’avance et les intérêts associés à compter de la date de livraison des travaux. Le tiers‑financement peut ainsi faciliter le déclenchement de la décision de réaliser des travaux de performance énergétique.

Or le code de la commande publique interdisait tout paiement différé dans les marchés passés par l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements. Jusqu’à aujourd’hui, le préfinancement est réservé aux marchés de partenariat qui sont plus strictement encadrés, compte tenu de leur caractère dérogatoire au droit commun des marchés publics.

L’article 1er instaure, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, un nouvel outil juridique permettant aux contractants publics de différer le paiement des travaux, l’investissement financier initial reposant sur un tiers.
Il s’agit d’une dérogation explicite au droit de la commande publique, le code de lacommande publique interdisant aussi bien le paiement différé que de faire reposer la rémunération de la phase de travaux sur la phase d’exploitation.

L’objectif de ce dispositif expérimental est de permettre aux acheteurs publics de financer partiellement leurs travaux de rénovation énergétique grâce aux futures économies d’énergie qu’ils entraîneraient.

Le régime est expérimental sur 5 ans, avec de possibles contrats portant sur plusieurs bâtiments sous réserve que le suivi soit bâtiment par bâtiment :

« A titre expérimental, pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, l’Etat et ses établissements publics ainsi que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements peuvent conclure des contrats de performance énergétique dérogeant aux articles L. 2191-2 à L. 2191-8 du code de la commande publique, sous la forme d’un marché global de performance mentionné à l’article L. 2171-3 du même code, pour la rénovation énergétique d’un ou de plusieurs de leurs bâtiments. Lorsque le contrat conclu en application du présent article porte sur plusieurs bâtiments, les résultats des actions de performance énergétique sont suivis de manière séparée pour chaque bâtiment. »

 

Ces contrats « peuvent être conclus pour la prise en charge des travaux prévue au dernier alinéa de l’article L. 2224-34 » du CGCT (intervention des EPCI ayant adopté un PCAET pour leurs membres).

Pour le calcul de la rémunération du titulaire, le marché global de performance précise les conditions dans lesquelles sont pris en compte et identifiés :

« 1° Les coûts d’investissement, notamment les coûts d’étude et de conception, les coûts de construction, les coûts annexes à la construction et les frais financiers intercalaires ;
« 2° Les coûts de fonctionnement, notamment les coûts d’entretien, de maintenance et de renouvellement des ouvrages et des équipements ;
« 3° Les coûts de financement ;
« 4° Le cas échéant, les revenus issus de l’exercice d’activités annexes ou de la valorisation du domaine. »

Par dérogation aux articles L. 2193-10 à L. 2193-13 du code de la commande publique, le sous-traitant direct du titulaire du marché global de performance « est payé, pour la part du marché dont il assure l’exécution, dans les conditions prévues au titre III de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. »

Pour l’application des articles L. 2313-1, L. 3313-1, L. 3661-15, L. 4313-2, L. 4425-18, L. 5217-10-14, L. 71-111-14 et L. 72-101-14 du code général des collectivités territoriales, les documents budgétaires sont accompagnés :

a) D’une annexe retraçant l’ensemble des engagements financiers de la collectivité territoriale ou de l’établissement public résultant des contrats de performance énergétique signés dans les conditions prévues au présent article ;
b) D’une annexe retraçant la dette liée à la part d’investissements de ces contrats.

 

On retrouve un peu une des spécificités de certains montages des contrats de partenariats avec un contrat à part avec le financier et un différé de paiement au fil de l’exploitation pour certaines dépenses (en l’espèce, pour se rémunérer sur les économies tout en ayant sous la main celui qui aura fait la rénovation pour le cas où celui-ci l’aurait mal faite).

L’article 2, II, de cette loi traite ensuite des marchés globaux de performance qu’il s’agit ainsi de passer et de conclure :

« […] 
II. – Un marché global de performance peut être conclu pour la réalisation d’une opération répondant aux besoins d’une autre personne morale de droit public ou de droit privé en vue de l’exercice de ses missions. Dans ce cas, une convention est signée entre l’acheteur et la personne morale pour les besoins de laquelle le marché global de performance est conclu.»

Le contrat peut être conclu en groupement avec mandataire côté acheteurs publics avec l’usage de l’expression « transfert de compétences » :

« III. – Lorsque la réalisation d’un projet relève simultanément de la compétence de plusieurs acheteurs, ces derniers peuvent désigner par convention celui d’entre eux qui conduira la procédure de passation et, éventuellement, signera le contrat et en suivra l’exécution. Le cas échéant, cette convention précise les conditions de ce transfert de compétences et en fixe le terme. »

Classiquement tout commence par une étude préalable avec d’autres arguments à développer en sus de l’intérêt du paiement différé :

« IV. – Avant de décider de recourir à un marché global de performance, l’acheteur procède à une étude préalable ayant pour objet de démontrer l’intérêt du recours à un tel contrat. La procédure de passation de ce marché ne peut être engagée que si cette étude préalable démontre que le recours à un tel contrat est plus favorable que le recours à d’autres modes de réalisation du projet, notamment en termes de performance énergétique. Le critère du paiement différé ne peut à lui seul constituer un avantage. »

Dont une étude de soutenabilité budgétaire :

« V. – Avant de décider de recourir à un marché global de performance, l’acheteur réalise une étude de soutenabilité budgétaire, qui apprécie notamment les conséquences du contrat sur les finances publiques et la disponibilité des crédits. Cette étude est soumise pour avis au service de l’Etat compétent.
Lorsque le marché global de performance est conclu pour les besoins de plusieurs personnes morales, l’étude de soutenabilité budgétaire précise les engagements financiers supportés par chacune d’elles. »

Avec consultation d’un organisme expert comme pour les marchés de partenariat :

« Cette étude préalable est soumise pour avis à l’organisme expert mentionné à l’article L. 2212-2 du code de la commande publique.
Les modalités d’application du présent IV sont déterminées par décret en Conseil d’Etat. »

Puis la procédure qui suit :

« VI. – Pour les marchés globaux de performance conclus par l’Etat et ses établissements publics, le lancement de la procédure de passation est soumis à l’autorisation des autorités administratives compétentes, dans des conditions fixées par voie réglementaire.
VII. – Pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, l’étude préalable, l’étude de soutenabilité budgétaire et les avis sur celles-ci sont présentés à l’assemblée délibérante ou à l’organe délibérant, qui se prononce sur le principe du recours à un marché global de performance.
VIII. – Pour les autres acheteurs, l’étude préalable, l’étude de soutenabilité budgétaire et les avis sur celles-ci sont présentés à l’organe décisionnel, qui se prononce sur le principe du recours à un marché global de performance.
IX. – L’acheteur peut prévoir que les modalités de financement indiquées dans l’offre finale présentent un caractère ajustable.
Ces ajustements ne peuvent avoir pour effet ni de remettre en cause les conditions de mise en concurrence en exonérant l’acheteur de l’obligation de respecter le principe du choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ni de permettre au titulaire pressenti de bouleverser l’économie de son offre.
L’ajustement de l’offre ne porte que sur la composante financière du coût global du contrat et est seulement fondé sur la variation des modalités de financement, à l’exclusion de tout autre élément.
X. – Le soumissionnaire auquel il est envisagé d’attribuer le marché global de performance présente le financement définitif dans un délai fixé par l’acheteur. A défaut, le marché global de performance ne peut lui être attribué et le soumissionnaire dont l’offre a été classée immédiatement après la sienne peut être sollicité pour présenter le financement définitif de son offre dans le même délai.
XI. – Les autorités administratives compétentes autorisent la signature des marchés globaux de performance par l’Etat et ses établissements publics, dans des conditions fixées par voie réglementaire.
XII. – L’assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou l’organe délibérant de l’établissement public local autorise la signature du marché global de performance par l’organe exécutif.
XIII. – L’organe décisionnel des autres acheteurs autorise la signature du marché global de performance.
XIV. – La durée du marché global de performance est déterminée en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues.
XV. – Une fois signés, les marchés globaux de performance et leurs annexes sont communiqués à l’organisme expert mentionné à l’article L. 2212-2 du code de la commande publique. Les informations et documents communiqués ne sont utilisés qu’à des fins de recensement et d’analyse économique. »

En cas d’annulation ou de résiliation par le juge « faisant suite au recours d’un tiers, le titulaire peut prétendre à l’indemnisation des dépenses qu’il a engagées conformément au contrat dès lors qu’elles ont été utiles à l’acheteur.»

Lorsqu’une clause du marché global de performance fixe les modalités d’indemnisation du titulaire en cas d’annulation ou de résiliation du contrat par le juge, elle est réputée divisible des autres stipulations du contrat.

Ce régime est compatible avec une cession Dailly :

« La rémunération due par l’acheteur dans le cadre du marché global de performance peut être cédée conformément aux articles L. 313-29-1 et L. 313-29-2 du code monétaire et financier. »