L’absence d’avis émis à la majorité par la CAP ne fait pas obstacle au licenciement pour insuffisance professionnelle

Par un arrêt M. A. c/ ministre de la justice en date du 3 mai 2023 (req. n° 466103), le Coneil d’État a considéré que si en matière disciplinaire il existe une échelle de sanctions entre lesquelles l’autorité ayant le pouvoir disciplinaire peut choisir, en revanche, en cas d’insuffisance professionnelle, la seule mesure qui peut intervenir est l’éviction de l’intéressé. Dans ces conditions, il résulte des articles L. 553-2 du code général de la fonction publique (CGFP) et 8 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 :

1/ qu’à défaut de réunir l’accord d’une majorité des membres présents sur la proposition de licenciement d’un fonctionnaire pour insuffisance professionnelle, le conseil de discipline doit être regardé comme ayant été consulté et comme ne s’étant pas prononcé en faveur de la proposition de licenciement qui lui est soumise ;

2/ Un tel avis ne fait toutefois pas obstacle à ce que l’autorité administrative puisse décider de licencier l’intéressé.

En l’espèce, par un arrêté du 23 mai 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé le licenciement pour insuffisance professionnelle, à compter du 10 août 2022, de M. A…, attaché d’administration exerçant des fonctions de chargé de projet au sein du secrétariat général du ministère de la justice.

M. A. faisait notamment valoir que la décision de licenciement était entachée d’un vice de procédure en raison de l’absence de sens de l’avis rendu par le conseil de discipline puisque quatre membres présents ont voté en faveur de la proposition de licenciement pour insuffisance professionnelle, tandis que les quatre autres membres présents se sont abstenus.

Par une ordonnance du 8 juillet 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande présentée par M. A…, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, tendant à la suspension de l’exécution de cette décision et à ce qu’il soit enjoint au ministre de la justice de le réintégrer provisoirement. Le garde des sceaux, ministre de la justice s’est alors pourvu en cassation contre cette ordonnance.

Le Conseil d’État a considéré que l’ordonnance était entachée d’illégalité.

Tout d’abord, l’arrêt rappelle d’une part, qu’aux termes de l’article L. 553-2 du code général de la fonction publique : «  Le licenciement d’un fonctionnaire pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire », d’autre part, l’article 8 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’État prévoit que : « Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l’intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l’enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. / A cette fin, le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l’accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l’échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée, jusqu’à ce que l’une d’elles recueille un tel accord. / La proposition ayant recueilli l’accord de la majorité des membres présents doit être motivée et être transmise par le président du conseil de discipline à l’autorité ayant pouvoir disciplinaire. Lorsque cette autorité prend une décision autre que celle proposée par le conseil, elle doit informer celui-ci des motifs qui l’ont conduite à ne pas suivre sa proposition. / Dans l’hypothèse où aucune des propositions soumises au conseil de discipline, y compris celle consistant à ne pas prononcer de sanction, n’obtient l’accord de la majorité des membres présents, le conseil est considéré comme ayant été consulté et ne s’étant prononcé en faveur d’aucune de ces propositions. Son président informe alors de cette situation l’autorité ayant pouvoir disciplinaire. Si cette autorité prononce une sanction, elle doit informer le conseil des motifs qui l’ont conduite à prononcer celle-ci ».

Or, précise le Conseil d’État, « si en matière disciplinaire il existe une échelle de sanctions entre lesquelles l’autorité ayant le pouvoir disciplinaire peut choisir, en revanche, en cas d’insuffisance professionnelle, la seule mesure qui peut intervenir est l’éviction de l’intéressé. Dans ces conditions, il résulte des dispositions [précitées] qu’à défaut de réunir l’accord d’une majorité des membres présents sur la proposition de licenciement d’un fonctionnaire pour insuffisance professionnelle, le conseil de discipline doit être regardé comme ayant été consulté et comme ne s’étant pas prononcé en faveur de la proposition de licenciement qui lui est soumise. Un tel avis ne fait toutefois pas obstacle à ce que l’autorité administrative puisse décider de licencier l’intéressé. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000047525052?juridiction=CONSEIL_ETAT&juridiction=COURS_APPEL&juridiction=TRIBUNAL_ADMINISTATIF&juridiction=TRIBUNAL_CONFLIT&page=1&pageSize=10&query=466103&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=cetat