Pour une fédération sportive, reléguer ou non une équipe, pour motifs financiers : 1/ est une décision dont la légalité s’apprécie à sa date d’adoption 2/ et qui se prend avec une certaine marge de manoeuvre

sport foot football argent

A l’issue de la saison 2015/2016, le Stade de Reims avait été relégué, ce qui lui a porté préjudice.

Mais cette équipe pensait que ce n’est pas elle qui aurait du être reléguée en Ligue 2 : elle pensait que c’est le SC Bastia, certes mieux classé que Reims en fin de saison, qui aurait dû être rétrogradé, et ce en raison de sa situation financière extrêmement fragile.

Ainsi, selon les champenois, le club rémois aurait-il du être repêché et maintenu en ligue 1.

Or, après avoir encaissé un but devant le TA de Châlon-en-Champagne, voici que la Fédération française de football (FFF) vient de renverser le score devant la CAA de Nancy. 

Ce n’est pas que d’un point de vue sportif que ce revirement s’avère marquant. En droit aussi, son apport est à souligner. 

 

I. Match aller devant le TA

 

Par un jugement du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait fait droit à cette argumentation et condamné la FFF à indemniser le préjudice subi par le club du fait de sa descente en ligue 2.

Le TA avait relevé que la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) de la Fédération française de football (FFF), chargée d’assurer le contrôle juridique et financier des clubs professionnels et disposant, à ce titre, de pouvoirs d’investigation, avait, en raison de la situation financière du SC Bastia, prononcé à son encontre, au début de l’année 2016, une mesure de rétrogradation en fin de saison à titre conservatoire. Elle est revenue sur cette mesure à l’intersaison et s’est bornée à imposer au club une simple mesure de recrutement contrôlé dans la limite de 100 % de sa masse salariale.

Pour justifier cette décision de tardive clémence, la FFF s’appuyait sur les justificatifs financiers et comptables produits par le SC Bastia à l’intersaison.

Or, le TA avide estimé que ces justificatifs faisaient apparaître une situation financière compromise qui avait d’ailleurs conduit, au cours des mois qui avaient suivi, à la déconfiture du club, qui en fin de saison 2016-2017 a été placé en liquidation judiciaire et relégué en National 3. En outre, le jugement relevait que la DNCG n’avait pas mis en œuvre ses pouvoirs d’investigation alors même que la sincérité des indications financières produites par le SC Bastia était sujette à caution.

Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, le tribunal avait estimé qu’en revenant sur la mesure de rétrogradation qu’elle avait prononcée à titre conservatoire à l’encontre du SC Bastia pour lui substituer une simple mesure de recrutement contrôlé, la DNCG avait pris une mesure manifestement inadaptée à la situation du club.

Cette faute était, selon le TA, de nature à engager la responsabilité de la FFF à l’égard du Stade de Reims qui, du fait de sa descente en ligue 2, a subi un préjudice évalué par le tribunal à la somme de 4,78 millions d’euros correspondant à des pertes de droits audiovisuels, de recettes de billetterie et d’hospitalité et de revenus de contrats de sponsoring. En revanche, d’autres préjudices invoqués par le Stade de Reims, notamment celui résultant de l’obligation de vendre des joueurs pour un prix inférieur à leur valeur, n’avaient en 2021 pas été retenus par le tribunal, qui les avait jugés insuffisamment établis.

Source :

 

II. Match retour devant la CAA

 

La FFF a fait appel de sa condamnation par ce jugement et, donc, le match s’est rejoué devant la CAA de Nancy. Bien en a pris à la Fédération, puisque le score est inversé.

Le Stade de Reims avait également formé un appel pour contester le rejet d’une partie de ses prétentions indemnitaires.

Statuant sur ces deux appels, la cour administrative d’appel de Nancy a en effet annulé ce jugement.

Pour apprécier si la gestion du SC Bastia était défaillante, la CAA s’est uniquement fondée sur des informations dont disposait la commission d’appel de la DNCG, lorsqu’elle s’est prononcée, le 26 juillet 2016 et non sur d’autres éléments révélés postérieurement sur la situation financière catastrophique de ce club.

Si la situation du SC Bastia était délicate, au regard de son budget, de son endettement et du niveau de ses capitaux propres, certains éléments suggéraient une amélioration. Ses difficultés ne l’avaient pas empêché de finir en dixième place du championnat de Ligue 1, pour la saison 2015/2016.

La cour a en conséquence jugé que la relégation financière en Ligue 2 ne constituait pas « manifestement la mesure la mieux à même de remédier, dans le but de garantir la continuité et l’équité des compétitions, à la situation financière dégradée de ce club sans porter une atteinte excessive au bon déroulement des compétitions ». Elle conclut que la DNCG n’a pas commis de faute. Dans ces conditions, la responsabilité de la FFF et, en tout état de cause, de la LFP, n’était pas engagée.

Le Stade de Reims ne peut donc prétendre à aucune indemnisation, tranche la CAA. Celui-ci, donc, devra restituer à la FFF les sommes versées en exécution du jugement du TA de Châlons-en-Champagne.

Source :

CAA Nancy, 10 octobre 2023, n° 21NC00768 et 21NC00809

 

Conclusion : le juge administratif, en tous cas la CAA de Nancy, en ce domaine, laisse aux fédérations sportives 1/ une assez large marge d’appréciation pour ce qui est des décisions de relégation au moins pour d’autres motifs que purement sportifs 2/ et cette décision sera appréciée  à l’aune des informations dont disposait la fédération sportive en question au jour de sa décision, et non (bien évidemment) en fonction des événements apparus ultérieurement. 

 

sport foot football argent