Lancement au JO de l’expérimentation permettant dans certains territoires aux autorités compétentes pour délivrer les autorisations d’urbanisme, de délivrer aussi les autorisations d’exploitations commerciales 

A été publié au JO le décret n° 2023-977 du 23 octobre 2023 relatif aux modalités de mise en œuvre de l’expérimentation prévue à l’article 97 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 en matière de procédure de délivrance des autorisations d’exploitation commerciale (NOR : ECOI2309106D) :

Il s’agit d’un texte d’application de l’article 97 de la loi 3DS n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, en matière de procédure de délivrance des autorisations d’exploitation commerciale.

Rappelons le cadre posé par cet article de loi (I) avant que de détailler les mesures prévues par le nouveau décret (II).


I. Le régime de l’article 97 de la loi 3DS

En vertu de l’article 97 de la loi 3DS n° 2022-217 du 21 février 2022 , cette expérimentation :

  • est prévue pour durer 6 ans
  • s’applique :
    • dans les territoires ayant signé une convention d’opération de revitalisation de territoire (ORT ; art. L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation [CCH]) ET soumis à l’expérimentation
    • mais les communautés urbaines, les métropoles, la métropole d’Aix-Marseille-Provence, la métropole de Lyon et la métropole du Grand Paris ne sont pas tenues de conclure une ORT pour participer à l’expérimentation.
  • « est menée » (sic) dans tout EPCI désigné par arrêté préfectoral et qui répond aux conditions cumulatives suivantes (mais des procédures simplifiées sont prévues pour la partie PLU mais aussi pour le SCOT) :
    • 1° Son territoire est couvert par :
      • « a) Un schéma de cohérence territoriale comportant le document prévu à l’article L. 141-6 du code de l’urbanisme ;
      • b) Un plan local d’urbanisme intercommunal exécutoire ou, pour chaque commune membre de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, un plan local d’urbanisme exécutoire ;
    • 2° Les documents d’urbanisme mentionnés au 1° du présent II ont été modifiés pour déterminer les conditions d’implantation des équipements commerciaux en prenant en compte les critères suivants, fixés au I de l’article L. 752-6 du code de commerce :
      • a) La localisation des projets et leur intégration urbaine ;
      • b) La consommation économe de l’espace, notamment en termes de stationnement ;
      • c) L’effet sur l’animation de la vie urbaine ou rurale et dans les zones de montagne et du littoral ;
      • d) L’effet des implantations sur les flux de transport et l’accessibilité du territoire par les transports collectifs et par les modes de déplacement les plus économes en émissions de dioxyde de carbone ;
      • e) La qualité environnementale des projets, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l’article L. 229-25 du code de l’environnement, du recours le plus large aux énergies renouvelables et à l’emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l’imperméabilisation des sols et de la préservation de l’environnement ;
      • f) L’insertion paysagère et architecturale des projets, notamment par l’utilisation de matériaux caractéristiques des filières locales de production ;
      • g) Les nuisances de toute nature que les projets sont susceptibles de générer au détriment de l’environnement proche du territoire ;
      • h) La contribution des projets à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d’implantation, des communes limitrophes et de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d’implantation est membre ;
      • i) L’accessibilité, en termes notamment de proximité de l’offre par rapport aux lieux de vie ;
      • j) Les coûts indirects supportés par la collectivité, notamment en matière d’infrastructures et de transports. »

L’EPCI, pour être expérimentateur, doit délibérer en ce sens après avis simple des communes. Une délibération est aussi requise de la part du syndicat de SCOT (sans que la loi ne soit très claire sur le point de savoir si c’est un avis ou un avis conforme ; la décision, elle, en droit revenant in fine au préfet).

Ces délibérations doivent :

  • rappeler « les objectifs de la stratégie d’aménagement commercial du territoire, prévue dans le document d’aménagement artisanal, commercial et logistique et déclinée dans le plan local d’urbanisme ou les documents en tenant lieu »
  • et préciser « les dispositifs d’observation de la réalisation de ces objectifs et orientations en matière de commerce

L’arrêté préfectoral peut ensuite être pris après avis conforme de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), laquelle doit se faire remettre divers documents et auditionner le président du syndicat de SCOT et celui de l’EPCI candidat à l’expérimentation.

Logique mais lourd. Comme toujours.

Ensuite, cette faible légèreté se retrouve dans les procédures à respecter :

« lorsque le projet nécessite une autorisation d’exploitation commerciale mentionnée à l’article L. 752-1 du code de commerce, celle-ci est instruite et délivrée par l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme sans que soit saisie la commission départementale d’aménagement commercial et sans que les services déconcentrés de l’Etat instruisent la demande. Lorsque le projet nécessite une telle autorisation, l’autorisation d’urbanisme tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale.
Par dérogation au deuxième alinéa et aux 1° à 3° du I de l’article L. 752-6 du même code, l’autorité compétente prend en considération la conformité du projet aux documents d’urbanisme mentionnés au II du présent article et son effet sur les critères suivants :
1° Les flux de transports et l’accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émissions de dioxyde de carbone et les coûts indirects supportés par la collectivité, notamment en matière d’infrastructures et de transports ;
2° La préservation ou la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d’implantation, des communes limitrophes et de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d’implantation est membre ;
3° La variété de l’offre proposée par le projet et son effet sur la vacance commerciale ;
4° Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d’implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.
IV.-L’autorisation d’exploitation commerciale mentionnée au III ne peut être délivrée que sur avis conforme du président de l’établissement public de coopération intercommunale si la compétence en matière d’autorisation d’urbanisme ne lui a pas été déléguée. Cet avis prend en considération les critères prévus au même III.
V.-Pour la modification des documents prévue au II et la délivrance des autorisations d’urbanisme mentionnées au III, l’autorité compétente consulte l’autorité organisatrice de la mobilité, qui prend en considération :
1° L’effet sur les flux de transports et l’accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émissions de dioxyde de carbone ;
2° Les coûts indirects supportés par la collectivité, notamment en matière d’infrastructures et de transports ;
3° L’accessibilité, en termes notamment de proximité de l’offre par rapport aux lieux de vie.
VI.-L’autorisation d’exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendre une artificialisation des sols, au sens du neuvième alinéa de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme. Toutefois, elle peut être délivrée dans les conditions prévues au V de l’article L. 752-6 du code de commerce, sur avis conforme de la commission départementale d’aménagement commercial et, le cas échéant, avec l’accord du représentant de l’Etat dans le département, qui se prononcent dans la limite des critères prévus au même article L. 752-6.

 

L’EPCI expérimentateur publie chaque année :

  • un bilan des surfaces commerciales autorisées ou refusées
  • ainsi que l’évolution de la vacance commerciale constatée par commune et dans les centres-villes de chaque commune.

 

 

II. Le nouveau décret

 

C’est donc là, au Jo de ce matin, qu’intervient le décret n° 2023-977 du 23 octobre 2023 relatif aux modalités de mise en œuvre de l’expérimentation prévue à l’article 97 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 en matière de procédure de délivrance des autorisations d’exploitation commerciale (NOR : ECOI2309106D) :

Ce texte entre en vigueur le 1er janvier 2024 et il précise les modalités d’application de la loi, notamment :

  • la saisine pour avis des collectivités et de leurs groupements concernés :
    • il faut donc bien une première délibération de l’EPCI donnant délégation expressément à cet effet à son président (ou son suppléant ou son délégué peut-on supposer ; espérons que nul juge ne viendra dire que ce décret déroge aux règles de délégations usuelles, mais ce serait hardi vu la formulation de ce décret au regard des règles législatives en la matière)
    • puis la consultation des communes (avis simple, donc) et celui du syndicat de SCOT peuvent bien avoir lieu en parallèle, avec un avis implicitement favorable au bout de trois mois.
  • le contenu du dossier de candidature. Voici l’extrait du décret :
    • « Le dossier de la demande doit, pour être complet, comporter les éléments mentionnés ci-après :
      1° La délibération de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ;
      2° L’avis des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou, à défaut, la lettre par laquelle elles ont été saisies ;
      3° L’avis de l’établissement public mentionné aux 2° et 3° de l’article L. 143-16 du code de l’urbanisme ou, à défaut, la lettre par laquelle il a été saisi ;
      4° Le cas échéant, la convention d’opération de revitalisation du territoire définie à l’article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation ;
      5° Une synthèse de la stratégie d’aménagement commercial du territoire prévue par le document d’aménagement artisanal, commercial et logistique compris dans le schéma de cohérence territoriale et déclinée dans le plan local d’urbanisme intercommunal ou dans les plans locaux d’urbanisme ;
      6° La justification du respect des critères prévus du a au j du 2° du II de l’article 97 de la loi du 21 février 2022 susvisée par le schéma de cohérence territoriale opposable dans le périmètre du territoire concerné par l’expérimentation, ainsi que les extraits du schéma de cohérence territorial nécessaires à cette justification ;
      7° La justification du respect des critères prévus du a au j du 2° du II de l’article 97 de la loi susvisée par le plan local d’urbanisme intercommunal exécutoire ou par l’ensemble des plans locaux d’urbanisme exécutoires dans le périmètre du territoire concerné par l’expérimentation, ainsi que les extraits de ces plans nécessaires à cette justification.»
  • la consultation pour avis conforme de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) :
    • c’est le préfet à qui on aura déposé le dossier de candidature qui le transmets à la CNAC
    • à compter de la réception d’un dossier complet, la CNAC a 4 mois pour donner son avis. Elle a 15 jours pour accuser réception du dossier et indiquer s’il est complet ou non.
    • A ce stade commence une procédure (inutilement compliquée faisant intervenir le préfet, deux publications dans des journaux locaux… la transmission via le préfet de l’avis du service instructeur départemental…
    • puis voir l’article 5 sur la convocation des parties devant la CNAC :
      • « Les parties sont convoquées devant la Commission nationale d’aménagement commercial quinze jours au moins avant la réunion de celle-ci. De nouvelles pièces peuvent être apportées au dossier. Toutefois, la Commission ne tient pas compte des pièces produites moins de dix jours avant sa réunion et en informe, le cas échéant, les différentes parties intéressées.
        Le rapport du service instructeur de la Commission est adressé, par tout moyen, à l’ensemble de ses membres cinq jours au moins avant sa réunion.
        Sont convoqués pour audition le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre candidat à l’expérimentation et le président de l’établissement public compétent en matière de schéma de cohérence territoriale dans le périmètre du territoire concerné. Ils peuvent se faire représenter.
        La Commission entend toute personne qui lui en adresse la demande écrite au moins cinq jours avant sa réunion et qui justifie des motifs de sa demande d’audition. Le maire d’une commune située dans le périmètre du territoire couvert par la demande d’expérimentation est dispensé de cette justification.
        La Commission peut entendre toute autre personne qu’elle juge utile de consulter. Elle peut entendre séparément les personnes favorables et opposées au projet d’expérimentation.
        Le secrétariat de la Commission instruit et rapporte les dossiers. Le commissaire du Gouvernement présente et communique à la Commission son avis après l’audition des parties.»
    • et la phase dudit avis :
      • « Dans le délai d’un mois suivant sa réunion, la Commission notifie son avis au représentant de l’Etat dans le département, au président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre candidat, aux communes membres de cet établissement public et au président de l’établissement public mentionné aux 2° et 3° de l’article L. 143-16 du code de l’urbanisme.
        Dans les dix jours qui suivent cette notification, l’avis est publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du département concerné par l’expérimentation. Dans le même délai, le représentant de l’Etat dans le département fait publier, aux frais du demandeur, un extrait de cet avis dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans ce département.
        Les avis de la Commission sont, en outre, rendus publics par voie électronique.»
  • l’exclusion de l’expérimentation des projets engendrant une artificialisation,
  • la demande, l’instruction et la délivrance de l’autorisation d’urbanisme valant autorisation d’exploitation commerciale… Etant précisé que ce régime s’applique aux demandes d’autorisation d’urbanisme déposées à compter de la date d’entrée en vigueur de l’expérimentation sur le territoire concerné.
  • quelques dispositions transitoires