Le refus motivé du titulaire justifie-t-il le rejet de la demande de paiement direct du sous-traitant ?

Oui répond le juge dans cet arrêt !

Le litige en l’espèce concerne une demande de paiement direct en sous-traitance dans le cadre d’un marché public de travaux attribué par le Syndicat intercommunal SIEL à un groupement d’entreprises solidaires. Le SIEL a accepté la société NGE en tant que sous-traitant, mais a refusé de procéder à son paiement direct. Face à cela, la société NGE a saisi le juge administratif pour obtenir le paiement des prestations réalisées.

Initialement, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la société. Cependant, la CAA de Lyon, sur appel de la société, a condamné le SIEL à verser une somme de 42 963,91 euros tout en rejetant le reste de ses conclusions. Le SIEL se pourvoi en cassation contre cet arrêt. la société NGE forme par ailleurs un pourvoi incident.

Le refus motivé du titulaire du marché de payer directement la société NGE affecte-t-il le droit au paiement direct des sous-traitants ?

Dans sa décision du 17 octobre 2023, le Conseil d’État a rappelé les dispositions de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance et notamment l’article 6 de cette dernière :

« Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l’ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l’exécution ».

Le Conseil d’État rappelle également les dispositions de l’article 116 de l’ancien code des marchés publics alors en vigueur et désormais codifiées aux articles R. 2193-11 et R. 2193-16 du Code de la commande publique :

« Le titulaire dispose d’un délai de quinze jours à compter de la signature de l’accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d’une part, au sous-traitant et, d’autre part, au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée par lui dans le marché. »

Il résulte de cette combinaison que pour obtenir le paiement direct par le maître d’ouvrage de tout ou partie des prestations qu’il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant doit adresser sa demande de paiement direct à l’entrepreneur principal, titulaire du marché. Le titulaire du marché doit ensuite donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de 15 jours à compter de sa réception. Ce n’est qu’à l’issue de cette procédure que le maître d’ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant.

Le Conseil d’État réaffirme sa position selon laquelle, la méconnaissance par le sous-traitant de cette procédure, fait ainsi obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir auprès du maître d’ouvrage, d’un droit à ce paiement. (CE, 19 avril 2017, n°396174).

En outre, le Conseil d’État précise dans cette présente décision que la même règle s’applique lorsque le titulaire du marché communique son refus motivé d’accepter la demande de paiement direct du sous-traitant dans le délai de 15 jours suivant sa réception :

« Le titulaire du marché ayant ainsi notifié son refus motivé d’accepter la demande de paiement direct formée par la société NGE Infranet dans le délai de quinze jours qui lui était imparti, le SIEL Territoire d’énergie était, par suite, fondé, pour ce seul motif, qu’il avait d’ailleurs opposé à la société NGE Infranet dès son courrier du 24 mai 2018 rejetant sa demande de paiement direct, à refuser de procéder à ce paiement…».

Ainsi, le refus motivé du titulaire du marché d’accepter la demande de paiement direct du sous-traitant, notifié dans un délai de 15 jours à compter de sa réception, fait également obstacle à ce que le sous-traitant puisse se prévaloir, auprès du maître d’ouvrage, d’un droit à ce paiement.

 Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 17/10/2023, 469071

 *avec la collaboration de Lou Prehu, juriste