La DAJ publie une nouvelle fiche technique sur l’accès des offres de pays tiers aux marchés publics !

Source : https://www.costesphilippe.fr/pavoisement-devise-republique-ecole-college-lycee/pavoisement/comment-positionner-les-drapeaux.html

L’entrée en vigueur du règlement (UE) 2022/1031 du 23 juin 2022 marque une avancée dans les efforts déployés par les autorités françaises au niveau européen pour assurer une concurrence internationale équitable dans le domaine de la commande publique. Ce règlement vise à favoriser la réciprocité dans l’ouverture des marchés publics en réponse aux restrictions imposées par certains pays tiers à l’Union européenne.

Avant cette réglementation, les acheteurs disposaient d’outils, tels que l’article L. 2153-2 du code de la commande publique et la directive 2014/25/UE, pour sécuriser l’écartement d’offres de pays tiers. Cependant, le règlement (UE) 2022/1031 introduit des mécanismes supplémentaires pour renforcer la position des autorités européennes face aux restrictions imposées par les pays tiers.

Le règlement établit, à travers son considérant 10, la possibilité pour les acheteurs et autorités concédantes d’imposer des mesures de restriction d’accès à la commande publique pour les opérateurs économiques de pays tiers n’ayant pas signé d’accord avec l’UE. Ces mesures sont déclenchées en cas de restrictions sérieuses et récurrentes à l’accès des entreprises européennes aux marchés publics d’un pays tiers. On constate alors un triple intérêt de ce règlement :

  • doter l’UE d’un outil susceptible d’amener les pays tiers non-signataires d’un tel accord et qui pratiquent des restrictions à l’accès des opérateurs économiques européens à leurs propres contrats de la commande publique à cesser ces discriminations à l’encontre des entreprises et des prestations de l’Union européenne et à conclure avec elle de tels accords (« level playing field ») ;
  • clarifier les règles de détermination de la nationalité́ des opérateurs économiques et de l’origine des travaux, fournitures et services en matières de commande publique ;
  • et permettre la mise en œuvre, en toute sécurité́ juridique, de l’article L. 2153- 1 du code de la commande publique, y compris à l’égard des opérateurs, fournitures, services et travaux issus des pays tiers non-signataires d’un accord relatif à l’accès aux marchés publics conclu avec l’UE.

La nouvelle fiche de la Direction des Affaires Juridiques (DAJ) vise à expliquer et accompagner la mise en œuvre de ces dispositifs, fournissant des conseils aux pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices pour assurer l’efficacité des mesures tout au long de l’exécution des contrats de la commande publique.

Dans un premier temps la fiche identifie trois catégories de pays tiers :

  1. États membres de l’Espace économique européen non-membres de l’UE
  2. Pays tiers signataires d’accords avec l’UE sur l’ouverture des marchés publics
  3. Pays tiers non-signataires d’un tel accord ou ne bénéficiant pas de son extension

Puis elle distingue les trois dispositifs permettant d’écarter les offres des pays tiers en matière de commande publique :

  • Le dispositif « pays tiers » de l’article L. 2153-2 du CCP, applicable aux marchés de fournitures des entités adjudicatrices hors marchés de défense et de sécurité :

L’article L. 2153-2 du CCP dispose que :

« Lorsque une offre présentée dans le cadre de la passation d’un marché de fournitures par une entité́ adjudicatrice contient des produits originaires de pays tiers avec lesquels l’Union européenne n’a pas conclu, dans un cadre multilatéral ou bilatéral, un accord assurant un accès comparable et effectif des entreprises de l’Union européenne aux marchés de ces pays, ou auxquels le bénéfice d’un tel accord n’a pas été étendu par une décision du Conseil de l’Union européenne, cette offre peut être rejetée lorsque les produits originaires des pays tiers représentent la part majoritaire de la valeur totale des produits composant cette offre, dans des conditions prévues par voie réglementaire.

« Lorsque deux ou plusieurs offres sont équivalentes au regard des critères d’attribution, une préférence peut être accordée à l’une d’entre elles dans des conditions prévues par voie règlementaire ».

La fiche DAJ précise que la mise en œuvre de ce dispositif est limitée aux marchés de fournitures des entités adjudicatrices, excluant les marchés de défense ou de sécurité. Il s’applique uniquement aux offres avec une part majoritaire de fournitures d’origine de pays tiers, sans considération de la nationalité de l’entreprise soumissionnaire.

Cette fiche donne aussi des des précautions pour garantir l’efficacité du dispositif, notamment l’inclusion d’informations sur l’origine dans les documents de consultation, la précision des méthodes de détermination de l’origine, et l’introduction de clauses d’exécution pour le maintien du seuil de 50% pendant l’exécution du marché public.

La détermination de l’origine d’un produit s’opère en application des dispositions du code des douanes de l’Union européenne.

  • Dispositif « pays tiers » de l’article L. 2153-1 du CCP en matière de marchés publics communs aux pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices :

Pour rappel, l’article L. 2153-1 du CCP indique que :

« L’acheteur garantit aux opérateurs économiques ainsi qu’aux travaux, fournitures et services issus des États parties à l’Accord sur les marchés publics conclu dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce ou à un autre accord international équivalent auquel l’Union européenne est partie, dans la limite de ces accords, un traitement équivalent à celui garanti aux opérateurs économiques, aux travaux, aux fournitures et aux services issus de l’Union européenne.
Dans les autres cas, les acheteurs peuvent introduire dans les documents de la consultation des critères ou des restrictions fondés sur l’origine de tout ou partie des travaux, fournitures ou services composant les offres proposées ou la nationalité des opérateurs autorisés à soumettre une offre. Les modalités d’application du présent alinéa sont précisées par voie réglementaire.
Pour l’application du présent livre, les États parties à l’Espace économique européen qui ne sont pas membres de l’Union européenne sont assimilés à des États membres de l’Union européenne ».

Ce dispositif, distinct de l’article L. 2153-2, présente des différences significatives. Il n’est pas limité aux marchés de fournitures, s’applique à tous les acheteurs, nécessite une mention expresse dans les documents de consultation, et autorise la prise en compte de la nationalité des entreprises pour rejeter une offre.

  • Dispositif « pays-tiers » des marchés publics et contrats de concession de défense ou de sécurité ( L. 2353-1du CCP et L. 3124-6 du CCP) :

Pour ces contrats, toujours exclus du champ des accords internationaux, les articles L. 2353-1 et L. 3124-6 du code de la commande publique offrent une flexibilité décisionnelle à l’acheteur ou à l’autorité concédante. En principe, les marchés publics et les contrats de concession de défense ou de sécurité sont passés avec des opérateurs économiques d’États membres de l’UE ou de l’EEE.

Ces dispositifs offrent des outils essentiels pour garantir l’équité, clarifier les règles et assurer la sécurité juridique dans la commande publique.

Pour une mise en œuvre optimale de ces dispositifs, les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices sont invités à suivre les conseils de la fiche DAJ.

 

* article rédigé avec la collaboration de Lou Préhu, juriste