Infrastructures de télécommunication : présomption (simple) de propriété pour Orange (installations d’avant 1996) ; pas de droit d’accession du propriétaire du sol

La question de la propriété des infrastructures de télécommunications non privatives établies avant le 1er juillet 1996 a donné lieu à quelques rebondissements. Cette saga devrait se stabiliser avec la décision, à publier au rec., du Conseil d’Etat qui pose qu’en ce domaine :

  • existe une présomption de propriété de la société Orange, même en l’absence de titre
  • que la collectivité publique peut renverser la présomption en apportant la preuve de sa propriété

Après le 1er juillet 1996, s’impose une analyse au cas par cas au vu de l’ensemble des éléments produits.

Et, quelle que soit l’ancienneté de l’installation, il n’existe pas un droit d’accession du propriétaire du sol sur ces installations.

Ces litiges relèveront du juge administratif pour se prononcer, sauf difficulté sérieuse justifiant le recours à une question préjudicielle pour interroger le juge judiciaire le cas échéant.

D’où le long résumé aux futures tables, que voici :

1) a) Des dispositions initialement créées par le décret n° 52-1133 du 8 octobre 1952 et reprises, dans leur dernier état, par l’article L. 33-1 du code des postes et communications électroniques (CPCE) dans sa rédaction applicable entre l’entrée en vigueur de la loi n° 90-1170 du 29 décembre 1990 et le 30 juin 1996, ainsi que l’article 22 de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996, ont conféré à l’Etat, puis à l’exploitant public France Télécom à compter du 1er janvier 1991, pour la période antérieure au 1er juillet 1996, un monopole pour établir les réseaux de télécommunications, ce qui implique la réalisation des infrastructures nécessaires à ces réseaux, lesquelles incluent, au-delà des câbles, toutes les installations nécessaires à la transmission ou à l’acheminement des signaux de télécommunications, notamment les infrastructures de génie civil nécessaires à leur fonctionnement, comme les gaines et les chambres de tirage. En vertu, d’une part, de dispositions à la substance inchangée depuis leur édiction par la loi du 30 juillet 1885 relative à l’établissement, à l’entretien et au fonctionnement des lignes télégraphiques et téléphoniques, ultérieurement codifiées aux articles L. 47, L. 47-1 et L. 49 du CPCE, et, d’autre part, des articles 1-1 et 22 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, ces installations doivent, en principe, être regardées comme la propriété, successivement, de l’Etat, puis de l’exploitant public France Télécom, puis de l’entreprise nationale France Télécom – aujourd’hui la société Orange -, alors même qu’aucun titre de propriété ne pourrait être produit et sauf à ce que soit rapportée la preuve qu’elles appartiendraient à une autre personne. b) Si une commune est, comme toute personne publique, propriétaire du sous-sol des parcelles comprises dans son domaine public comme privé, cette propriété ne s’étend pas aux lignes de télécommunications et aux infrastructures qui leur sont nécessaires, situées sur ces parcelles ou dans leur tréfonds, lesquelles, lorsqu’elles ont été établies avant le 1er juillet 1996, sont présumées appartenir à la société Orange, alors même que cette société ne disposerait pas d’un titre de propriété. Il appartient à la collectivité publique qui revendique la propriété de telles infrastructures de faire échec à cette présomption, par exemple en établissant qu’elle en a assuré la maîtrise d’ouvrage et le financement ou qu’elles lui ont été remises lorsque l’aménagement a été délégué à un concessionnaire. 2) Pour les infrastructures établies à compter du 1er juillet 1996, l’identité du propriétaire doit être déterminée au vu de l’ensemble des éléments produits par chacune des parties. 3) a) Que les infrastructures aient été établies avant ou après le 1er juillet 1996, elles ne sont pas susceptibles d’être l’objet du droit d’accession relativement aux choses immobilières prévu par les dispositions des articles 552 à 564 du code civil. b) Il appartient au juge administratif saisi d’un litige relevant de sa compétence de se prononcer sur la question de la propriété, sous réserve de la question préjudicielle dont il lui appartiendrait de saisir la juridiction judiciaire en cas de difficulté sérieuse.

[…]

(1) Rappr. Cass., 1re civ., 9 décembre 2015, n° 14-24.880, Bull. civ. I. (2) Rappr., jugeant que les lignes télégraphiques et téléphoniques installées sous la voie publique n’appartiennent pas au domaine public routier, CE, 3 mai 1967, Ministre des postes et télécommunications c/ Entreprise Charlois, n° 65316, p. 188.»

 

Source :

CE, 18 mars 2024, Société Orange, n° 470162, au recueil Lebon