Censure du Conseil d’Etat en matière nuisances sonores des éoliennes : beaucoup de bruit pour rien ? [VIDEO et article]

Après avoir écouté une longue interview, à la radio, non sans intérêt d’ailleurs, sur la décision du Conseil d’Etat relative aux nuisances sonores des éoliennes… force me fut de coucher sur le papier (II), puis en vidéo (I), avant que de m’épancher ailleurs (III), quelques coups de gueules mâtinés de points de droit, deux ou trois remarques ironiques, parsemées de notations juridiques. 

I. Brève vidéo

 

Voici une brève (2 mn 44) vidéo à ce sujet :

https://youtu.be/NyH3prN9L04

 

 

II. Article

 

Comprenons-nous bien :

  • les éoliennes sont-elles sources de nuisances sonores ? Cela interroge-t-il en matière de distances à respecter entre ces installations et les habitations ? Oui. Deux fois oui.
  • le droit français est-il suffisant sur ce point ?. Réponse : je n’en sais rien. Car le débat est surtout non pas sur le nombre de décibels, mais sur l’effet des infrasons pour lequel le consensus scientifique n’est pas clair (rappelons au passage qu’en cas de débat scientifique non tranché on passe, ou devrait passer, du principe de prévention à celui de précaution).

 

Alors pourquoi en parler puis dans le présent blog ?

Parce qu’à la radio on présente la décision comme une victoire des requérants SUR LE FOND. 

Or, ce n’est pas le cas. 

Ce qui est annulé par le Conseil d’Etat, par une décision sans grand intérêt pour le juriste, c’est :

« L’article 14 de l’arrêté  » autorisation  » du 10 décembre 2021, en tant qu’il insère un II à l’article 28 de l’arrêté  » autorisation  » du 26 août 2011, l’article 15 de l’arrêté  » déclaration  » du 10 décembre 2021, en tant qu’il insère un II au point 8.4 de l’annexe I de l’arrêté  » déclaration  » du 26 août 2011, l’arrêté  » autorisation  » du 10 décembre 2021 en tant qu’il applique les règles de distance fixées par son article 3 au renouvellement des installations existantes, dans les conditions prévues par sa nouvelle annexe III, les décisions du 10 décembre 2021, du 31 mars 2022 et du 11 juillet 2023 relatives à l’approbation du protocole de mesure de l’impact acoustique d’un parc éolien terrestre, et les différentes versions du protocole ainsi approuvées. »

… mais ce, non pas sur le fond, non pas en raison du fait que ce « protocole de mesure de l’impact acoustique d’un parc éolien terrestre » serait insuffisamment protecteur. Non pas en raison de ce que les distances alors prévues s’avèreraient trop faibles au regard de l’appréciation qu’en ferait le juge…

NON cela a juste été censuré faute de consultation du public ! Citons le Conseil d’Etat :

  • « 14. Le protocole de mesure acoustique des parcs éoliens terrestres, dans ses versions d’octobre 2021, mars 2022 et juillet 2023, détermine les règles selon lesquelles les exploitants de parcs éoliens doivent faire vérifier la conformité acoustique des éoliennes aux valeurs réglementaires fixées par les arrêtés du 26 août 2011 et, en particulier, la manière dont doivent être mesurées les émergences sonores des éoliennes. Il a, par ses effets, une incidence directe et significative sur l’environnement. L’approbation de ces protocoles par les décisions du ministre de la transition écologique des 10 décembre 2021, 31 mars 2022 et 11 juillet 2023 devait dès lors être précédée, à peine d’illégalité, d’une consultation préalable du public, conformément aux dispositions de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, à l’instar de celle qui a été organisée sur les arrêtés du 10 décembre 2021, entre le 20 octobre et le 9 novembre 2021. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que les décisions approuvant le protocole de mesure de l’impact acoustique des éoliennes terrestres et protocoles attaqués ont été pris au terme d’une procédure irrégulière, dès lors que les protocoles n’ont pas fait l’objet d’une consultation du public préalablement à l’approbation par décisions du ministre. Cette irrégularité est de nature à avoir exercé une influence sur le sens des protocoles attaqués et a privé le public de la garantie de voir son avis pris en considération à l’égard d’un acte ayant une incidence directe et significative sur l’environnement.»

 

Dès lors :

  • la portée juridique de cet arrêt se résume uniquement au fait qu’une telle décision, à savoir le  protocole de mesure acoustique des parcs éoliens terrestres… doit se faire après consultation du public. A peine de nullité. Franchement, en droit, ce n’est pas un scoop et les raisons pour lesquelles il n’y a pas été procédé sont un mystère administratif.
  • la portée pratique de cette décision :
    • à court terme revient juste :
      • à ce que l’on applique de nouveau le droit antérieur sur ce point (certes)
      • à ce que ce point pourrait être soulevé par voie d’exception d’illégalité pour des contentieux en cours mais avec des effets qui seront souvent limités, pour résumer une question complexe
    • à moyen terme que la procédure devra reprendre avec, peut-être, d’autres mesures de son (dont les infrasons ?) à venir. Mais sans aucune garantiepuisqu’encore une fois la censure de la Haute Assemblée n’est opérée que pour un vice de procédure. Rien de plus.

 

Voici donc cette décision qui donc produit du vent sur les ondes mais ne changera guère la manière que le monde a de tourner :

CE, 8 mars 2024, Association Fédération Environnement Durable, association Belle Normandie Environnement, association « Vent de colère ! Fédération nationale, et autres, n° 465036

III. Voir aussi