Les murs porteurs permettent la restauration… même en deçà des 100m du littoral

Le régime permettant la « restauration d’un bâtiment dont il reste l’essentiel des murs porteurs » (de l’art. L. 111-23 du code de l’urbanisme) s’applique même dans la bande des 100 m du rivage (de l’art. L. 121-16 de ce même code). 


 

Il résulte de l’article L. 111-23 du code de l’urbanisme (ou, avant 2016, de l’article L. 111-3 de ce même code) que :

« La restauration d’un bâtiment dont il reste l’essentiel des murs porteurs peut être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d’urbanisme et sous réserve des dispositions de l’article L. 111-11, lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment.»

En 2021, le Conseil d’Etat avait déduit de ce régime :

  • que « le législateur a entendu permettre la restauration de bâtiments anciens caractéristiques des traditions architecturales et cultures locales laissés à l’abandon mais dont demeure l’essentiel des murs porteurs dès lors que le projet respecte les principales caractéristiques du bâtiment en cause et à condition que les documents d’urbanisme applicables ne fassent pas obstacle aux travaux envisagés »
  • et que, lorsqu’un « projet répond aux conditions définies au point précédent, il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de l’autoriser, y compris si le pétitionnaire ne s’est pas expressément prévalu du second alinéa de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme au soutien de sa demande de permis de construire, à moins que d’autres dispositions applicables y fassent légalement obstacle.»

Sources : CE, 4 août 2021, n° 433761, aux tables. Voir aussi antérieurement CE, 11 février 2015, Mme Ouahmane et autre, n° 367414, rec. p. 62.
Encore faut-il que ce ne soit pas tout de même, trop, une ruine. Pour un refus d’appliquer ce régime quant ne restent que deux façades et non l’essentiel des murs porteurs, Voir CAA Marseille, 21 novembre 2023, 22MA00002.

Oui mais dans le même temps, l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme dispose qu’en :

« […] dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs désignés au 1° de l’article L. 321-2 du code de l’environnement.»

Dès lors se posait une question :

  • l’article L. 111-23 du code de l’urbanisme l’emporte-t-il sur l’article L. 121-16 de ce même code,
  • OU bien sur la bande littorale des 100 m faut-il laisser tomber les ruines, même celles dont les murs porteurs sont encore à peu près debout ?

La CAA de Nantes vient de répondre que l’article L. 111-23 est d’application partout, même sur la bande littorale.

Elle vient en effet de juger que l’opération consistant à restaurer des bâtiments annexes à une ferme, identifiés par le plan local d’urbanisme de la commune comme « éléments bâtis à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier au titre de l’article L. 151-19 du code de l’urbanisme » et dont il subsiste l’essentiel des murs porteurs, dans les conditions prévues par l’article L. 111-23 du code de l’urbanisme, ne peut être regardée comme l’édification d’une construction dans la bande littorale des cent mètres au sens de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme.

Il s’agit, pour cette cour, d’une position confirmative (CAA de Nantes, 10 janvier 2023, n°21NT00096 ; la base Ariane précise à ce sujet que le pourvoi contre cet arrêt de janvier 2023 n’avait pas été admis : CE, 30 octobre 2023, n° 472040).

En l’espèce :

«7. D’une part, l’opération projetée vise à restaurer deux bâtiments accolés annexes à la ferme implantée sur le même terrain d’assiette et qui a fait l’objet d’une restauration en 1998. Ces bâtiments annexes, qui figurent sur un plan cadastral établi en 1819, ont abrité dans le passé une crèche pour animaux, qui est identifiée par le plan local d’urbanisme de la commune comme  » bâti intéressant  » parmi les  » éléments bâtis à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier au titre de l’article L. 151-19 du code de l’urbanisme (soumis à permis de démolir ou à déclaration préalable) « . Il est également constant que ces bâtiments disposent des caractéristiques typiques des fermes du Trégor. En outre, il ressort des pièces du dossier, notamment des plans joints à la demande de permis de construire et des photographies produites, que si la charpente et la toiture des bâtiments ont désormais disparu, les bâtiments conservent toutefois les éléments essentiels de leurs deux façades nord et sud ainsi que de leurs murs pignons est et ouest, dont seuls les sommets sont effondrés. Dans ces conditions, le bâtiment conserve l’essentiel de ses murs porteurs au sens des dispositions de l’article L. 111-23 du code de l’urbanisme. Par suite, l’opération projetée doit être regardée comme entrant dans les prévisions des dispositions de l’article L. 111-23 du code de l’urbanisme.
« 
8. D’autre part, la restauration des bâtiments existants implantés sur l’île Toëno, dans les conditions prévues par l’article L. 111-23 précité, ne peut être regardée comme l’édification d’une construction dans la bande littorale des cent mètres au sens de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme. Par suite, ces dispositions ne pouvaient fonder légalement le refus de permis de construire litigieux.
« 
9. Par suite, c’est par une inexacte application des dispositions citées au point 6 du présent arrêt que le maire de Trébeurden a refusé de délivrer le permis de construire sollicité.»

Source :

CAA Nantes, 9 avril 2024, 22NT01781