Les maires ont-ils compétence pour enjoindre à l’Etat de recruter plus de personnels pour leurs écoles ?

Réponse : non selon le juge des référés du TA de Montreuil qui a, dans ce cadre, suspendu les arrêtés des maires de 12 communes du département de la Seine-Saint-Denis mettant en demeure l’Etat, dans le cadre d’un plan d’urgence, de créer des postes d’enseignants et de personnels éducatifs. Ceci dit, d’autres solutions eussent été possibles…

Les maires de ces douze communes se fondaient sur les pouvoirs de police administrative générale qu’ils tiennent des dispositions de l’article L. 2212-2 du CGCT pour prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques dans leur commune en raison de l’atteinte à la dignité humaine que constitue, selon eux, le manque de moyens matériels et humains au sein des établissements scolaires de leurs communes. Le juge des référés du tribunal suspend ces arrêtés, au motif que les mesures adoptées ne paraissent pas relever des pouvoirs de police administrative générale du maire tels que prévus à l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.

Il est en effet à rappeler que les maires ne peuvent agir en dehors de leurs compétences, et notamment ils ne peuvent empiéter sur des pouvoirs de police spéciaux quand, selon le juge, le législateur a entendu les confier à une autre autorité de police (CE, 26 décembre 2012, n° 352117 ; pour les compteurs linky voir  CE, 11 juillet 2019, n° 426060 ; de distance d’épandage de pesticides que ce soit directement CE, 31 décembre 2020, n° 439253 ou indirectement via le pouvoir de police propre aux déchets ; voir ici  ; pour les OGM, cf. CE, 24 septembre 2012, n°342990 et pour les communications électroniques, voir CE, Ass., 26 octobre 2011, n°326492, n°329904 et n° 341767 – 341768). Voir aussi ici pour une vaine tentative via le PLU ou pour les coupures d’électricité, d’eau ou de gaz.

Mais là encore la nuance s’impose car parfois, certes rarement, le juge admet que le maire, au titre de ses pouvoirs de police générale, intervienne en cas de situation particulière même dans les domaines où l’Etat dispose d’un pouvoir de police spéciale (CE, S., 18 décembre 1959, Lutétia, n°36385 36428, publié au rec.) avec des combinaisons au final entre pouvoir de police générale du maire et pouvoirs de police spéciale qui restent bâtis par le juge régime par régime, mais cela est rarement accepté en matières environnementales (pour deux exemples, voir CE, 5 juin 2019, n° 417305 et CE, 27 juillet 2015, 367484). Pour un exemple récent, voir CAA Versailles, 4 juillet 2019, 16VE02718 ; pour des acceptations récentes mais très limitées, voir CE, 5 juin 2019, n° 417305 et CE, ord., 17 avril 2020, n°440057).

de tels recours ont un peu plus de chances de prospérer quand ils sont portés par des parents d’élèves (demande d’indemnisation pour des remplacements non faits au delà du tolérable, schématiquement ; rares cas de victoires dans d’autres cas…). L’astuce consiste alors à ce que les parents d’élèves agissent avec le soutien sous diverses formes (attention car d’importantes prudences juridiques sont alors à respecter…) de la commune. La commune agissant directement… c’est le casse pipe assuré sauf circonstances particulières. Sauf à ce que l’objectif ait été communicationnel, ce que je n’ose supposer. 

 

Voir ces ordonnances, de la juge des référés du TA de Montreuil, toutes en date du 26 avril 2024, via les liens ci-dessous, lesquels renvoient vers le site dudit TA :