Transformation de la fonction publique : vers un détachement d’office des fonctionnaires.

Traditionnellement et en l’état actuel du droit, le détachement d’un fonctionnaire n’est possible qu’à la demande de celui-ci, donc avec son accord (art. 45 de la loi du 11 janvier 1984 pour la FPE ; art. 64 de la loi du 26 janvier 1984 pour la FPT ; art. 51 de la loi du 9 janvier 1986).

Or l’article 26 du projet de loi de transformation de la fonction publique prévoit qu’à l’avenir l’administration pourrait d’office prononcer le détachement d’un fonctionnaire. Toutefois, il ne s’agirait là que d’une exception qui ne trouverait à s’appliquer qu’en cas d’externalisation d’un service public industriel et commercial (SPIC). C’est pourquoi ce ne sont pas les articles précités que le Gouvernement envisage de modifier, mais le seul article 14 ter de la loi du 13 juillet 1983 qui porte sur les dispositions communes aux trois versants de la fonction publique (lequel prévoit déjà, en cas de reprise d’une activité de service public administrative d’une personne morale de droit public par une autre personne morale de droit public, la reprise des contractuels de droit public).

Actuellement, lorsqu’une personne morale de droit publique externalise la gestion de l’un de ses services par un marché public ou une délégation de service public à une prestataire privé ou un organisme public gérant un SPIC, elle ne peut obliger les fonctionnaires qui exercent leurs fonctions dans ce service à être détachés (ni même mis à disposition) auprès du prestataire ou de l’organisme, contrairement aux contractuels. Pour ces derniers en effet, l’article L. 1224-3-1 du code du travail prévoit que lorsque l’activité d’une personne morale de droit public employant des agents non titulaires de droit public est reprise par une personne morale de droit privé ou par un organisme de droit public gérant un service public industriel et commercial, cette personne morale ou cet organisme propose à ces agents un contrat de travail de droit privé.

C’est à, mutatis mutandis, un alignement des fonctionnaires sur le régime des contractuels que l’article 26 du projet de loi de transformation de la fonction publique entend procéder à travers le mécanisme du détachement d’office.

En effet, aux termes de l’article 14 tertel qu’il serait modifié : « Lorsque l’activité d’une personne morale de droit public employant des fonctionnaires est reprise par une personne morale de droit privé ou par une personne morale de droit public gérant un service public industriel et commercial, les fonctionnaires exerçant cette activité peuvent être détachés d’office, pendant la durée du contrat liant la personne morale de droit public à l’organisme d’accueil, sur un contrat de travail conclu à durée indéterminée auprès de l’organisme d’accueil. »

Ce contrat de travail comprendrait une rémunération au moins égale à la rémunération antérieurement versée par l’administration, l’établissement public ou la collectivité d’origine.

Le texte prévoit en outre des garantis pour le fonctionnaire:

  • d’une part, les services accomplis en détachement dans l’organisme d’accueil seraient assimilés à des services effectifs dans le corps ou le cadre d’emplois ;
  • d’autre part, le fonctionnaire pourrait demander à ce qu’il soit mis fin à son détachement, sous réserve d’un préavis de trois mois, pour pourvoir un emploi au sein d’une administration relevant du statut général des fonctionnaires ;
  • enfin, si le fonctionnaire détaché est bénéficiaire d’un contrat de travail à durée indéterminé et qu’il est licencié par l’organisme d’accueil, il est réintégré de plein droit dans son administration, son établissement public ou sa collectivité d’origine.

Au terme du marché ou de la délégation de service public, trois situations sont envisagées :

  • si le contrat liant la personne morale de droit public à l’organisme d’accueil est renouvelé, le détachement du fonctionnaire est alors renouvelé d’office ;
  • si le contrat n’est pas renouvelé en raison de la conclusion d’un nouveau contrat entre la personne morale de droit public et une autre personne morale de droit privé ou une autre personne morale de droit public gérant un SPIC, le fonctionnaire est alors détaché d’office auprès du nouvel organisme d’accueil. Cet organisme est tenu de reprendre les clauses substantielles du contrat à durée indéterminée dont bénéficie le fonctionnaire, notamment celles relatives à la rémunération.
  • enfin, si le contrat liant la personne morale de droit public à l’organisme d’accueil prend fin parce que la personne publique reprend en régie le service, le fonctionnaire opte soit pour sa radiation des cadres et le versement d’une indemnité prévue par décret s’il souhaite poursuivre son contrat de travail au sein de l’organisme d’accueil, soit pour sa réintégration de plein droit dans son corps ou son cadre d’emplois d’origine.

Enfin, l’article 26 du projet de loi prévoit qu’à tout moment pendant la durée de son détachement, le fonctionnaire peut solliciter sa radiation des cadres et le bénéfice d’une indemnité prévue par le décret qui fixera les modalités d’application de cet article.

Voir aussi :

Projet de loi de transformation de la fonction publique : « Favoriser la mobilité et accompagner les transitions professionnelles des agents publics » (Titre IV)