Le droit à l’erreur bientôt étendu aux collectivités locales ?

Les collectivités locales vont-elles bénéficier enfin du droit à l’erreur reconnu aux usagers et qui s’imposent à elles dans leurs relations avec les usagers. Le Sénat a  voté en ce sens une proposition de loi qui semble avoir quelques chances de passer le cap de l’Assemblée Nationale. 

Etendre le droit à l’erreur avait déjà été tenté au profit des collectivités locales, en vain :

Les collectivités locales ont donc depuis la loi ESSOC à appliquer ce régime, mais pas trop à en bénéficier, si ce n’est dans certains domaines (fiscaux et sociaux, par exemple dans certains cas) :

 

Le régime actuel de ce droit à l’erreur se fonde donc surtout sur les articles 2 à 19 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance (NOR: CPAX1730519L; voir ici pour accéder au texte de cette loi ;  ;  voir aussi ici la « stratégie nationale d’orientation de l’action publique » insérée dans la loi), prévoient notamment « le droit à l’erreur », qui a fait tant couler d’encre, et ont vocation à orienter « VERS UNE ADMINISTRATION DE CONSEIL ET DE SERVICE », aux termes :

  • du titre premier de la loi
  • et, surtout, du I de la stratégie nationale actée par l’article 1er de cette loi (voir ici).

 

Tout commence, à l’article 2, par l’ajout au sein du code des relations entre le public et l’administration, d’articles L. 123-1 et suivant portant sur le « Droit à régularisation en cas d’erreur ».

NB : l’insertion dans ce code est importante, car elle conduit à exclure les administrations entre elles de l’application de ce régime…   

S’affiche alors un beau principe mais qui à l’évidence conduira à de redoutables débats  :

« Art. L. 123-1. – Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l’objet, de la part de l’administration, d’une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d’une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l’administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué.
« La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude. »

Avec un régime pour définir la mauvaise foi et ses conséquences (voir nos articles à ce sujet).

Cela dit, le droit à l’erreur se trouve fortement restreint dans son champ d’application, lequel exclut :

  • les sanctions requises pour la mise en œuvre du droit de l’Union européenne ;
  • les sanctions prononcées en cas de méconnaissance des règles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement ;
  • les sanctions prévues par un contrat ;
  • les  sanctions prononcées par les autorités de régulation à l’égard des professionnels soumis à leur contrôle.

NB ce régime donne lieu à quelques adaptations pour la sécurité sociale (art. 3 de la loi). 

Ce même code des relations entre le public et l’administration (CRPA) dispose aussi que :

« Art. L. 124-1. – Sous réserve des obligations qui résultent d’une convention internationale et sans préjudice des obligations qui lui incombent, toute personne peut demander à faire l’objet d’un contrôle prévu par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. La demande précise les points sur lesquels le contrôle est sollicité.

… ce qui combiné ou non avec le rescrit, étendu en matières fiscale et sociale, conduit à une clarification des situations et un droit à l’erreur tant que les choses ne sont pas claires.

C’est là qu’intervient un nouveau projet de texte : une proposition de loi parlementaire qui a été adoptée définitivement par le Parlement :

 

Considérant que « le risque pour une collectivité locale de commettre des erreurs et même de voir sa responsabilité engagée s’est accru avec la multiplication des normes et la complexification des procédures administratives à respecter », les auteurs de cette proposition de loi (M. Hervé MAUREY, Mme Sylvie VERMEILLET et plusieurs de leurs collègues) entendent étendre le droit à l’erreur aux communes et établissements publics de coopération intercommunale.

Ce projet, porté par plusieurs groupes parlementaires (LR et UC ; les centristes pouvant faire le pont avec la majorité de l’A.N.) a des chances de passer, semble-t-il.

 

Voici ce texte

Proposition de loi visant à créer un droit à l’erreur des collectivités locales dans leurs relations avec les administrations et les organismes de sécurité sociale

Article 1er

Après le chapitre III du titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE III bis

« Droit à régularisation en cas d’erreur

« Art. L. 1113‑8. – I. – Une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales ayant méconnu une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l’objet d’une sanction pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d’une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire dans le délai indiqué.

« La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la collectivité ou le groupement en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de fraude ou de méconnaissance délibérée de la règle applicable à cette situation.

« La preuve du caractère délibéré du manquement ou de la fraude incombe à l’autorité qui prononce la sanction.
Amdt n° 1

« II. – Le I s’applique aux relations liant les collectivités territoriales et leurs groupements avec les administrations de l’État, ses établissements publics administratifs ainsi que les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif.

« III. – Le présent article n’est pas applicable :

« 1° Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires particulières applicables aux relations mentionnées au II ont pour objet ou pour effet d’assurer une protection équivalente à celle conférée par le I ;

« 2° Aux sanctions requises pour la mise en œuvre du droit de l’Union européenne ;

« 3° Aux sanctions prononcées en cas de méconnaissance des règles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement ;

« 4° Aux sanctions prévues par un contrat ;

« 5° Aux sanctions prononcées par les autorités de régulation à l’égard des professionnels soumis à leur contrôle. »

Article 2 (nouveau)

Le chapitre IV du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complété par une section 7 ainsi rédigée :

« Section 7

« Droit à régularisation en cas d’erreur dans le cadre d’une demande de subvention

« Art. L. 2334‑43. – Une collectivité ayant commis une erreur matérielle lors de la formalisation d’une demande de subvention prévue au présent chapitre ou ayant oublié d’y joindre une ou plusieurs pièces exigées ne peut se voir refuser l’octroi de la subvention sollicitée au seul motif de cette erreur ou de cet oubli. La collectivité demandeuse doit pouvoir être mise en mesure, dans un délai raisonnable, de corriger toute erreur matérielle ou de compléter sa demande avant la décision d’octroi ou de refus de la subvention. »