Une clause supprimant le droit à indemnisation en cas de résiliation pour motif d’intérêt général s’impose à tous les membres d’un groupement mais n’empêche pas la personne publique de conclure des protocoles transactionnels avec certains d’entre eux seulement !

C’est du moins ce que laisse sous-entendre un arrêt du 28 septembre 2020, rendu par la cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 28/09/2020, 18BX01906, Inédit au recueil Lebon).

En l’espèce, un syndicat mixte a confié un marché public de maîtrise d’œuvre à un groupement conjoint composé d’un architecte, mandataire du groupement, et de plusieurs autres sociétés, dont la société E, en charge de la mission OPC. En cours d’exécution, le syndicat a prononcé la résiliation de ce marché pour un motif d’intérêt général.

La société E, a alors saisi le tribunal administratif de Poitiers d’une contestation de la validité de la résiliation et a sollicité la condamnation du syndicat mixte à lui verser la somme de 12 431,30 euros HT à raison des conséquences fautives de celle-ci et la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral. Le tribunal a rejeté sa demande et la société relève appel de ce jugement.

La requérante soutenait notamment que la clause du contrat selon laquelle l’indemnité de résiliation était supprimée, résultait d’une erreur matérielle (1), n’avait pas été appliquée aux autres membres du groupement (2) et était léonine donc illégale (3).

Sur ce dernier point (3), la cour rappelle la jurisprudence du Conseil d’Etat selon laquelle, si en principe, la résiliation pour motif d’intérêt général est compensée par l’indemnisation du préjudice en résultant pour le cocontractant (CE Ass. 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, Rec. p. 246), les parties ont néanmoins la faculté d’écarter, en le stipulant dans le contrat, tout droit à indemnisation du cocontractant (CE, 19 décembre 2012, Société AB Trans, req. n°350341).

Sur le premier point (1), et malgré une rédaction peu heureuse de la clause (« Il vaut mieux déroger à cet article et dire qu’il n’y aura pas d’indemnité. « ), les juges d’appel retiennent qu’il résulte clairement des stipulations du marché que les parties ont entendu exclure toute indemnité de résiliation par le pouvoir adjudicateur et cela même si cette clause n’était pas visée à l’article listant les dérogations apportées au CCAG-PI. La cour retient qu’une telle clause, conclue avec un groupement, même conjoint, s’impose à tous ses membres.

En revanche, et il s’agit cette fois du deuxième point soulevé par la requérante (2), qui aurait pu, selon nous, soulever des difficultés, notamment au regard d’une probable rupture d’égalité de traitement entre co-contractants, la solution rendue par les juges d’appel laisse entendre que cette stipulation ne ferait pas obstacle à ce que la personne publique conclut des protocoles transactionnels (sous-entendu indemnitaires) avec certains des membres du groupement seulement.

En effet, la cour retient que

« la seule circonstance que le SIVEER aurait conclu des accords transactionnels avec les autres membres du groupement » n’implique pas que « le syndicat ait entendu renoncer à l’application de ladite clause »

quand bien même cela ne serait le cas qu’au détriment d’un seul des membres du groupement, donc…

* article rédigé avec Julie Lahiteau, avocate