Covid : la mort s’adapte, elle aussi [suite ; décret du 21/1/2021]

Image par Engin Akyurt (Pixabay)

Depuis le printemps 2020, la mort et son traitement juridique évoluent au fil de la pandémie, eux aussi.

Revenons sur les saisons précédentes de cette saga, avant que d’aborder le contenu, au JO de vendredi, d’un nouveau décret. 

 

Saison 1 (printemps 2020) : la camarde rit

 

La première vague de la pandémie avait été l’occasion d’adapter le droit funéraire, surtout pour éviter les contaminations.

L’essentiel a été présenté ici

 

Voir aussi pour ceux qui s’intéressaient à l’évolution de ces régimes dérogatoires semaine après semaine :

 

Saison 2 (octobre novembre) : le droit a la mort aux trousses

 

Bis repetita placent. La seconde (deuxième ?) vague de pandémie donne lieu elle aussi à adaptation :

  • au stade des « opérations suivant le décès »
  • au stade des opérations funéraires elles-mêmes

 

Ces mesures ont été adoptées par le décret du 29 octobre 2020. Voir :

 

Saison 3 (décembre 2020) : le 7e sceau au JO

 

Puis vint le décret n° 2020-1567 du 11 décembre 2020 portant diverses dispositions dans le domaine funéraire en raison des circonstances exceptionnelles liées à la propagation de l’épidémie de covid-19 (NOR : TERB2030781D), que voici :

Ce décret, du fait de la crise épidémique liée à la propagation du coronavirus, prévoit une dérogation temporaire à diverses dispositions de droit funéraire afin de fluidifier les démarches administratives dans la chaîne funéraire.
Ces dérogations avaient vocation à s’appliquer jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire (donc fin de ces dérogations au 14 mars 2021, sauf report législatif), avec les modalités suivantes :
  • le transport avant mise en bière du corps d’une personne décédée pouvait être réalisé sans déclaration préalable (avec déclaration écrite adressée au maire par tout moyen au plus tard un mois après le transport du corps du défunt).
  • le transport après mise en bière du corps d’une personne décédée pouvait être réalisé sans déclaration préalable (avec déclaration écrite adressée au maire par tout moyen au plus tard un mois après le transport du corps du défunt).
  • il pouvait être dérogé aux délais d’inhumation ou de crémation prévus aux articles R. 2213-33 et R. 2213-35 du code général des collectivités territoriales sans accord préalable du préfet dans la mesure strictement nécessaire au regard des circonstances. Le délai dérogatoire ne pouvait alors dépasser 21 jours calendaires après le décès ou, le cas échéant, un délai supérieur fixé par le préfet pour tout ou partie du département. L’opérateur funéraire adressait au préfet par tout moyen une déclaration écrite motivée précisant le délai dérogatoire mis en œuvre au plus tard 15 jours après l’inhumation ou la crémation.
    Le préfet peut édicter, pour tout ou partie du département, des prescriptions générales ou particulières relatives à la mise en œuvre des délais dérogatoires d’inhumation ou de crémation.
  • l’autorisation de fermeture du cercueil pouvait être transmise par l’officier d’état civil à l’opérateur funéraire par voie dématérialisée.
    En cas d’impossibilité d’obtenir l’autorisation de fermeture du cercueil au plus tard 24 heures après le décès lorsque la mise en bière immédiate était requise, l’opérateur funéraire pouvant alors procéder à la fermeture du cercueil en présence de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles ou de la personne qu’elle aura expressément désignée. S’il y a lieu, il est également dérogé au 2° de l’article R. 2213-45 du code général des collectivités territoriales. L’opérateur funéraire informe le maire de la fermeture du cercueil dans un délai de 48 heures après la fermeture.
  • les autorisations (des articles R. 2213-31 et R. 2213-34 du CGCT) pouvaient être adressées par voie dématérialisée
  • le transport de corps avant mise en bière pouvait être assuré par des véhicules, acquis ou loués par les opérateurs funéraires habilités, répondant aux conditions des articles D. 2223-110 à D. 2223-112 du code général des collectivités territoriales.
  • le transport de corps après mise en bière pouvait être assuré par des véhicules, acquis ou loués par les opérateurs funéraires habilités, répondant aux conditions des articles D. 2223-116 à D. 2223-118 du même code.
  • l’attestation de conformité du véhicule prévue aux articles D. 2223-113 et D. 2223-119 était adressée par l’opérateur funéraire au préfet compétent au plus tard un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire (ou un mois après la fin de ce régime ce qui nous conduit à deux mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire ? Les deux interprétations, en l’état du texte, pouvaient être soutenues…).
  • idem : il y avait report de la visite de conformité, prévue aux articles D. 2223-114 et D. 2223-120 du CGCT.

Saison 4 (fin décembre 2023 : pour le Conseil d’Etat, le mort peut attendre

Rebondissement : l’interdiction des soins de conservation et de la toilette mortuaire, imposée lors du 1er confinement, insuffisamment justifiée, a été annulée par le Conseil d’Etat…
L’article 1er du décret du 1er avril 2020 insérait en effet dans le décret du 23 mars 2020 un article 12-5 qui disposait que :  » Jusqu’au 30 avril 2020 : /  » -les soins de conservation définis à l’article L. 2223-19-1 du code général des collectivités territoriales sont interdits sur le corps des personnes décédées ; /  » -les défunts atteints ou probablement atteints du covid-19 au moment de leur décès font l’objet d’une mise en bière immédiate. La pratique de la toilette mortuaire est interdite pour ces défunts « .Or, la mise en bière immédiate est susceptible d’entraîner l’impossibilité pour les proches de personnes décédées de voir le défunt.

Nb : rappelons qu’il s’agissait notamment de prémunir de la contagion les personnes en charge de ladite toilette mortuaire… 

Le Conseil d’Etat ne censura pas, en décembre dernier, ce texte au motif que le Haut conseil de la santé publique avait un autre avis : le gouvernement n’était en effet pas tenu de suivre l’avis du 24 mars 2020 de ce haut conseil, lequel recommandait d’effectuer de telles pratiques en respectant la stricte observance de règles d’hygiène et de mesures de distance physique.

Mais il le censura car le Gouvernement n’a apporté, dans le cadre de la présente instance, aucun élément de nature à justifier de la nécessité d’imposer de façon générale et absolue, à la date où elles ont été édictées, les restrictions prévues par ces dispositions.

Par suite, ces dispositions, en raison de leur caractère général et absolu, portaient une atteinte manifestement disproportionnée au droit à une vie privée et familiale normale et devaient, dès lors, être annulées, trancha la Haute Assemblée (dans le cadre d’un contrôle classique de proportionnalité lorsque sont en cause l’exercice de pouvoirs de police, d’une part, et des libertés publiques d’autre part).

Source : CE, 22 décembre 2020, n° 439804, à publier aux tables du recueil Lebon

 

Saison 5 (janvier 2021) : la mise en bière immédiate s’émousse 

 

Puis vint au JO de vendredi dernier le décret n° 2021-51 du 21 janvier 2021 (NOR : SSAZ2102177D) :

 

La mise en bière immédiate des défunts suspects post-mortem d’avoir été atteints par le Covid-19 a ainsi disparu. Les établissements, eux, devront assurer la présentation du défunt dans des conditions sanitaires appropriées.

En cas de suspicion d’un cas de covid-19 au moment du décès, le médecin constatant le décès peut, aux fins d’adapter la prise en charge du défunt, réaliser un test antigénique permettant la détection du SARS-CoV-2.

Eu égard au risque sanitaire que les corps des défunts atteints ou probablement atteints de la covid-19 représentent, leur prise en charge s’effectue dans les conditions suivantes :

« 1° Seuls les professionnels de santé ou les thanatopracteurs peuvent leur prodiguer une toilette mortuaire, dans des conditions sanitaires appropriées, avant la mise en bière ;
« 2° La présentation du défunt à la famille et aux proches est rendue possible au sein du lieu où le décès est survenu, dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er ;
« 3° Le corps du défunt est mis en bière et le cercueil est définitivement fermé avant la sortie du lieu où le décès est survenu, en présence de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles ou de la personne qu’elle aura expressément désignée ;
« 4° Les soins de conservation définis à l’article L. 2223-19-1 du code général des collectivités territoriales sont interdits sur le corps des défunts dont le décès survient moins de dix jours après la date des premiers signes cliniques ou la date de test ou examen positif. » ;

 

Image par Engin Akyurt (Pixabay)