Un vrai-faux avocat 🥑 peut-il plaider pour lui-même 🤨… au titre d’un contentieux sur… son exercice illégal de la procession d’avocat ? 😂

Magnifique.

Rappelons à titre liminaire que :

    • déjà à la base, ce n’est que dans certains cas qu’un avocat peut plaider pour lui-même dans les hypothèses où le recours à un avocat est obligatoire (voir cependant CEDH, 11 février 2014,  MAŠIREVIĆ v. SERBIA, n° 30671/08)… il s’agit d’une question d’indépendance ( voir par analogie CJUE, 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et République de Pologne contre Agence exécutive pour la recherche, C-515/17 P et C-561/17 P)… Le droit américain use sur ce point d’une expression en général imputée à Abraham Lincoln et qui rappelle que l’indépendance de l’avocat vis-à-vis de son client permet d’éviter des bêtises grâce au recul qu’elle confère : « A man Who is his own lawyer has a fool for a client ». 
      Ajoutons que même quand cela est possible, le fait qu’un avocat plaide pour lui-même hors les cas où il faut en passer par un confrère conduit à diverses questions (postulation ou pas  ? l’avocat qui se défend lui-même plaide-t-il en robe ou non [a priori NON] ? est-ce que dans certains cas on peut avoir son action recevable mais sans pour autant que l’avocat concerné ne se trouve en situation de faute disciplinaire [gros risque] ?). Ce sujet est d’ailleurs complexe et je n’en suis pas un spécialiste, loin s’en faut.
    • un requérant n’a pas l’obligation, devant la CEDH, d’être représenté par un avocat au stade de la requête, mais ce ministère d’avocat s’impose si la requête est transmise pour contradictoire à l’Etat défendeur.

 

Conclusion que se passe-t-il si vous êtes poursuivi puis condamné pour exercice illégal de la profession d’avocat devant un Etat membre, en l’espèce la France ?

Vous prenez un avocat, non ? Certes vous prétendez être avocat, mais bon il faut prendre de toute manière un avocat et les conditions dans lesquelles un avocat peut se représenter lui-même devant la CEDH, certes peu rigides (décision MAŠIREVIĆ v. SERBIA précitée), existent tout de même… Et de toute manière l’indépendance de l’avocat conduit à ce qu’il vaille mieux se faire représenter.

Si, toujours, vous êtes cette personne condamnée pour exercice illégal de la profession d’avocat et que vous vous faites enjoindre par la CEDH de vous faire assister d’un avocat… alors que par définition la CEDH est votre ultime planche de salut, in fine, vous obtempérez… non ?

Bon imaginons que votre souplesse atteigne vite ses limites : mais que la CEDH réitère sa décision consistant à vous demander de prendre avocat… à la fin, même un requérant rigide finirait en toute logique par devoir plier… non ? Histoire de ne pas voir disparaître son ultime planche de salut ?

Eh bien … non.

Le requérant, M. H s’est vu par deux fois l’autorisation de se défendre lui-même par la CEDH.

Il insiste. Et que croyez vous qu’il arriva ? Ce fut son affaire que la Cour radia.

Nul doute qu’un avocat l’eût mieux conseillé.

Que disait Lincoln, déjà ? Ah oui : « A man Who is his own lawyer has a fool for a client ».

La CEDH confirme :

CEDH, 14 octobre 2021, LH c. France, n° 45340/17

 

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 45340/17
Loïc HENRI

contre la France
 

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 23 septembre 2021 en un comité composé de :

 Stéphanie Mourou-Vikström, présidente,
 Jovan Ilievski,
 Mattias Guyomar, juges,

et de Viktoriya Maradudina, greffière adjointe de section f.f.,

Vu la requête susmentionnée introduite le 22 juin 2017,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

FAITS ET PROCÉDURE

Le requérant, M. L H, est né en 1961.

Le grief que le requérant tirait de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention, concernant son audition libre (absence d’assistance d’un avocat), a été communiqué au gouvernement français (« le Gouvernement »).

Par un courrier du 12 mars 2021, le requérant demanda à la Cour d’assumer lui-même la défense de ses intérêts.

Par une lettre du 19 mars 2021, le requérant a été dûment informé que la présidente de la section avait décidé de ne pas faire droit à cette demande. Il a dès lors été invité à désigner un représentant conformément à l’article 36 § 4 a) du règlement de la Cour.

Le 30 mars 2021, le requérant réaffirma sa volonté de présenter lui-même sa cause devant la Cour.

Par une lettre du 8 avril 2021, la Cour, après lui avoir rappelé la décision de la présidente de la section de ne pas faire droit à sa demande d’assumer lui-même la défense de ses intérêts, demanda une nouvelle fois au requérant de désigner un représentant, sans délai et au plus tard le 16 avril 2021, conformément à l’article 36 § 4 a) de son règlement. Il lui fut précisé qu’à défaut la Cour serait amenée à en tirer les conséquences.

Le 18 mai 2021, à la fin de la période non-contentieuse, le règlement amiable n’ayant pas abouti, le Gouvernement fut invité à présenter ses observations écrites sur la recevabilité et le bien-fondé du grief précité pour le 14 septembre 2021. Dans une lettre adressée au requérant, la Cour rappela à ce dernier l’obligation de désigner un représentant à ce stade de la procédure et fixa un nouveau délai au 30 juin 2021.

Le 21 juillet 2021, le Gouvernement sollicita une prorogation du délai imparti pour transmettre ses observations.

Le 27 juillet 2021, la Cour fit droit à la demande du Gouvernement. Par une lettre recommandée avec accusé de réception datée du même jour, elle en informa le requérant, tout en le renvoyant une nouvelle fois aux termes de l’article 36 § 2 de son règlement concernant la représentation obligatoire, ainsi qu’à la décision précitée de la présidente de la section. De plus, elle attira son attention sur le fait que le délai imparti pour désigner un représentant était échu depuis le 30 juin 2021 et qu’il n’en avait pas sollicité la prolongation.

La Cour attira en outre son attention sur l’article 37 § 1 a) de la Convention, aux termes duquel elle peut rayer une requête du rôle lorsque, comme en l’espèce, les circonstances permettent de conclure que le requérant n’entend plus maintenir celle-ci. Le Gouvernement reçut copie de cette lettre.

Par une lettre du 16 août 2021, le requérant confirma maintenir sa requête, mais également sa volonté d’assumer lui-même la défense de ses intérêts devant la Cour. Une copie de cette lettre a également été adressée au Gouvernement pour information.

EN DROIT

À la lumière de ce qui précède, compte de son refus réitéré de se conformer aux exigences de l’article 36 § 2 du règlement de la Cour et à la décision de la présidente de la section, la Cour conclut que la partie requérante n’entend plus maintenir la requête (article 37 § 1 a) de la Convention). Par ailleurs, en l’absence de circonstances particulières touchant au respect des droits garantis par la Convention et ses Protocoles, la Cour considère qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête, au sens de l’article 37 § 1 in fine.

 

Il y a donc lieu de rayer l’affaire du rôle.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Décide de rayer la requête du rôle.

Fait en français puis communiqué par écrit le 14 octobre 2021.

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Viktoriya Maradudina Stéphanie Mourou-Vikström
 Greffière adjointe f.f. Présidente