Est-il constitutionnel que communautés riches et pauvres n’aient pas le même traitement en matière de DGF ?

Est-il constitutionnel que la dotation d’intercommunalité soit pour partie péréquatrice ? Autrement dit, est-il constitutionnel que communautés riches et pauvres n’aient pas le même traitement en matière de DGF ?

Réponse OUI.

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Le premier alinéa du III de l’article L. 5211-28 du CGCT, dans sa rédaction issue de l’article 250 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 et de l’article 250 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, prévoyait un mécanisme péréquateur, ou plus précisément excluant d’un complément de dotation d’intercommunalité ceux des EPCI à FP qui ont un fort potentiel fiscal (ce qui à enveloppe identique de DGF égale, revient à faire une péréquation horizontale via l’attribution de ladite dotation d’intercommunalité).

Un communauté de communes connue pour avoir un joli territoire, du vin… mais aussi une centrale nucléaire, s’en est indignée. Vu son potentiel fiscal, on peut le concevoir.

Mais le Conseil d’Etat, ayant à examiner la QPC déposée par cette communauté, a estimé que nulle méconnaissance du principe d’égalité n’était à déplorer, riches et pauvres étant du point de vue de ses mécanismes financiers placés dans des situations différentes qu’il n’était donc pas choquant, en droit, de traiter différemment sous réserve du classique principe de proportionnalité applicable en ce domaine.

6. Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :  » La loi (…) doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse « . Aux termes de l’article 13 de cette Déclaration :  » Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés « . Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Le principe d’égalité devant les charges publiques ne fait pas obstacle à ce que des situations différentes fassent l’objet d’un traitement différent, « sous réserve que le législateur se fonde sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose.»

D’où le rejet de la demande de transmission de cette QPC, et ce en des termes tranchés, ainsi formulés par le Conseil d’Etat :

« 7. En premier lieu, en prévoyant le versement d’un complément de dotation d’intercommunalité dans les conditions prévues au III de l’article L. 5211-28, le législateur a entendu, d’une part, que les établissements publics de coopération intercommunale dont la dotation d’intercommunalité par habitant était inférieure à cinq euros l’année précédente puissent bénéficier des effets de la réforme instaurée par la loi de finances pour 2019, tout en veillant à exclure du bénéfice de ce complément les établissements présentant des niveaux élevés de ressources fiscales, et d’autre part, que soit préservé l’objectif de péréquation assigné à la dotation d’intercommunalité. Dès lors, en conditionnant le versement de ce complément à un indicateur de ressource fiscale apprécié comparativement à la moyenne des établissements de la même catégorie, et en distinguant ainsi entre catégories d’établissements publics de coopération intercommunale, lesquelles sont placées dans des situations différentes, le législateur a retenu un critère objectif et rationnel en rapport direct avec l’objet de la loi.

« 8. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la communauté de communes XXX, le montant des attributions individuelles de dotation d’intercommunalité n’est pas sans rapport avec les niveaux de potentiel fiscal et de coefficient d’intégration fiscale, qui s’appliquent, aux côtés d’un indicateur tiré du revenu par habitant, pour le calcul du montant des attributions de tous les établissements publics de coopération intercommunale éligibles à la dotation d’intercommunalité et qui permettent de tenir compte du niveau d’intégration intercommunale et du niveau des ressources fiscales de l’établissement.

« 9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les dispositions contestées porteraient atteinte au principe d’égalité devant la loi et au principe d’égalité devant les charges publiques ne saurait être regardé comme présentant un caractère sérieux.»

 

Source : Conseil d’État, 22 juillet 2022, n° 464270