L’agent en télétravail peut-il bénéficier de tickets de restaurant ?

Par un arrêt M. A c/ ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle en date du 7 juillet 2022 (req. n° 457140), le Conseil d’État a jugé que les agents qui exercent leurs fonctions en télétravail peuvent bénéficier de titres-restaurant, de la même manière que s’ils exerçaient leurs fonctions sur leur lieu d’affectation.

Les faits étaient les suivants : M. A…, inspecteur divisionnaire des finances publiques affecté à compter du 1er janvier 2015 à la direction départementale des finances publiques de l’Aveyron située à Rodez, a signé une convention individuelle de télétravail à domicile à effet du 20 novembre 2017 prévoyant qu’il exercerait ses fonctions trois jours par semaine à son domicile, situé à Cagnac-les-Mines (Tarn), et deux jours par semaine sur le site de son service. Estimant être éligible au régime des titres-restaurant, il en a sollicité l’attribution auprès de son administration qui, le 12 juin 2018, lui a indiqué qu’il ne pouvait prétendre aux titres-restaurant dès lors que son poste d’affectation administrative à Rodez, situé à proximité d’un restaurant administratif, n’y ouvrait pas droit.

Par un jugement du 27 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 12 juin 2018. Par un arrêt du 30 septembre 2021, la cour administrative d’appel de Bordeaux a transmis au Conseil d’Etat le pourvoi du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics contre ce jugement.

Pour statuer, le Conseil d’État s’est fondé principalement sur deux textes :

  • d’une part, l’article 6 du décret du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature aux termes duquel : « Les agents exerçant leurs fonctions en télétravail bénéficient des mêmes droits et obligations que les agents exerçant sur leur lieu d’affectation. / L’employeur prend en charge les coûts découlant directement de l’exercice des fonctions en télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci […]» ;
  • d’autre part, l’article 19 de l’ordonnance du 27 septembre 1967 relative à l’aménagement des conditions de travail en ce qui concerne le régime des conventions collectives, le travail des jeunes et les titres-restaurants, selon lequel : « Les collectivités publiques et leurs établissements peuvent attribuer le titre-restaurant : / – dans le cas où ils n’ont pas mis en place de dispositif propre de restauration collective, aux agents qu’ils ne peuvent pas faire bénéficier, par contrat passé avec un ou plusieurs gestionnaires de restaurants publics ou privés, d’un dispositif de restauration compatible avec la localisation de leur poste de travail ;/ – dans le cas où ils ont mis en place un dispositif propre de restauration collective, aux agents qu’ils ne peuvent faire bénéficier, compte tenu de la localisation de leur poste de travail, ni de ce dispositif, ni d’un dispositif de restauration mis en place par contrat passé avec un ou plusieurs gestionnaires de restaurants publics ou privés».

Il en a déduit que qu’ « en l’état des dispositions du décret du 11 février 2016 […], lorsqu’une administration décide d’attribuer le titre-restaurant à ses agents dans les conditions prévues [à l’article 19 de l’ordonnance du 27 septembre 1967], les agents exerçant leurs fonctions en télétravail bénéficient du même droit à l’attribution de ce titre que s’ils exerçaient leurs fonctions sur leur lieu d’affectation. »

Par conséquent, en l’absence d’un dispositif de restauration collective, l’agent en télétravail a droit à des tickets de restaurant comme s’il se trouvait en présentiel, à l’inverse, s’il existe un dispositif de restauration collective, il n’y a pas droit.

D’où la conclusion qu’en tire le Conseil d’État en l’espèce : « Il n’est pas contesté qu’il [M. A…] pouvait bénéficier sur son lieu d’affectation, pendant la période en cause, de l’accès à un dispositif de restauration collective, excluant l’attribution de titres-restaurant. Par suite, M. A… n’avait pas davantage droit aux titres-restaurant, au cours de cette période, pour les jours de travail effectués à son domicile. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000046028980?init=true&page=1&query=457140&searchField=ALL&tab_selection=all