Affaire de la mosquée de Strasbourg : 1/la collectivité finançeuse doit (comme toujours) respecter ses propres règles 2/ faut-il ensuite (dans le cadre du droit alsacien et mosellan) justifier d’un intérêt public local

Par un jugement du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg, suivant les conclusions du rapporteur public, a annulé la délibération du 22 mars 2021 par laquelle le conseil municipal de Strasbourg a accordé une subvention de 2,5 millions d’euros à l’association cultuelle « Confédération islamique du Milli Görüs Grande Mosquée Eyyub Sultan », pour la construction d’un lieu de culte à Strasbourg.

Attention : les règles en ces domaines ne sont pas les mêmes entre la France de l’intérieur, d’une part, et l’Alsace – Moselle, d’autre part. Il est à rappeler que l’entretien des bâtiments et la prise en charge des frais du culte relèvent des établissements cultuels institués par la loi du 18 germinal an X. Un partie de la loi de 1905 s’applique ainsi qu’une loi du 25 décembre 1942 qui autorise le subventionnement public des travaux réalisés sur les édifices cultuels propriétés des associations cultuelles, qu’ils soient classés ou non monuments historiques. etc. Mais historiquement, l’Islam n’est pas reconnu par le régime de la loi de l’an X encore en vigueur en Alsace et en Moselle. Cela dit, « le droit local ne comporte pas de limitation des subventions publiques aux seuls ” cultes reconnus ’ », selon Jean-Marie Woehrling président de l’Institut du droit Local alsacien-mosellan in Semaine Juridique Edition Générale n° 16, 19 Avril 2021, 422. 

Le tribunal a notamment considéré que la ville de Strasbourg n’avait pas respecté les critères de subventionnement des lieux de culte qu’elle s’était elle-même fixés par deux délibérations de 1999 et 2000, à savoir en particulier que la demande de subvention devait intervenir avant le début des travaux et être étayée d’un plan de financement consolidé.

NB : l’obligation de respecter ses propres règles s’impose toujours en droit administratif, sur tout le territoire national. D’où parfois l’obligation de modifier un texte cadre, un texte réglementaire… puis d’attendre qu’il entre en vigueur si on est prudent… puis de prendre une décision d’application sur la base de cette modification (voire parfois une telle décision d’application en même temps que la modification réglementaire mais avec une entrée en vigueur différée). 

Par ailleurs, le tribunal a estimé que la ville de Strasbourg ne démontrait pas que le versement de la subvention répondait à un intérêt public local. Alors que la préfète a recensé les mosquées et lieux de culte musulmans déjà existants dans l’agglomération strasbourgeoise, la ville de Strasbourg ne pouvait se borner à constater l’existence d’une demande de financement de l’association sans procéder à une analyse des besoins ni s’assurer que les capacités existantes étaient insuffisantes ou que les locaux existants ne constituaient pas des lieux de culte adaptés et dignes.

NB : sur cet intérêt public local voir déjà une analyse, certes brève, en ce sens dans l’article précité de M. Woehrling. 

Voici cette décision :

TA Strasbourg, 10 novembre 2022, n° 2102347, 2102497