Hors compteur individuel, en eau potable, la limite séparative peut être fixée à 1 m du domaine public, côté branchement privé

Pour la CAA de Lyon :

  • I.l’usager d’un SPIC peut bien évidement attaquer un RS dont il trouve les clauses abusive, et ce en REP devant le juge administratif, en sus de la faculté qui est la sienne de soulever ce caractère prétendument abusif devant le juge judiciaire. Mais l’angle d’approche du juge administratif sera un brin différent. 
  • II. n’est pas une clause abusive la disposition du RS qui prévoit, en alimentation en eau potable, que faute de compteur individuel, « le point de fourniture se situe au terme du premier mètre linéaire de la canalisation du branchement située en domaine privé, la distance étant calculée à partir de la limite du domaine public.»
  • III. l’article 6, 1. de la CEDH n’impose pas la lecture des jugements en audience publique

 

I. Confirmation : l’usager d’un SPIC peut bien évidement attaquer un RS dont il trouve les clauses abusive, et ce en REP devant le juge administratif, en sus de la faculté qui est la sienne de soulever ce caractère prétendument abusif devant le juge judiciaire. Mais l’angle d’approche du juge administratif sera un brin différent. 

 

L’une des conséquences de la nature industrielle et commerciale des services d’eau a été l’immixtion du droit de la consommation (droit des clauses abusives dans les contrats notamment ; CE 11 juillet 2001, Société des eaux du nord, n° 221458, Rec. p. 348, conclusions Bergeal ; voir aussi par exemple CE, 8 décembre 2003, Syndicat des copropriétaires de la résidence Calypso Goellette, n° 247570) dans une grande partie des litiges avec les usagers.

Une affaire concernant le Pays Voironnais vient de l’illustrer de manière intéressante.

M. A… B… avait attaqué des clauses du règlement de service des eaux de la communauté d’agglomération dudit pays voironnais, estimant que ces stipulations étaient des clauses abusives au sens, notamment, des articles L. 132-1, L. 212-1 et R. 212-1 du du code de la consommation.

Ce requérant aurait pu dans le cadre d’un litige individuel contester devant le juge judiciaire l’application lui étant faite de ces clauses, quitte à ce que ledit juge judiciaire saisisse le juge administratif : mais il a préféré engager un recours devant le juge administratif tendant à l’annulation desdites clauses du règlement de service (RS), ce qui a été admis par le juge administratif, et ce fort logiquement. Mais avec, dès lors, un petit changement d’angle dans le contrôle juridictionnel ainsi exercé. La CAA rappelle ainsi que la voie de droit exercé au judiciaire  :

« 8. […] ne fait pas obstacle à ce que l’usager saisisse le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir contre les clauses qui, comme les clauses litigieuses, ont une portée réglementaire, la conformité aux articles L. 132-1, L. 212-1 et R. 212-1 du code de la consommation conditionnant, non plus l’opposabilité contractuelle de ces clauses, mais leur légalité. M. B… ayant choisi d’exercer un recours pour excès de pouvoir dont la tardiveté ne ressort pas pièces du dossier, il y a lieu d’examiner ses conclusions sur ce fondement.»

 

II. N’est pas, pour la CAA de Lyon, une clause abusive la disposition du RS qui prévoit, en alimentation en eau potable, que faute de compteur individuel, « le point de fourniture se situe au terme du premier mètre linéaire de la canalisation du branchement située en domaine privé, la distance étant calculée à partir de la limite du domaine public.»

 

Reste à examiner le fond, et c’est là que l’affaire ne manque pas d’intérêt.

Le service des Eaux en cause était réputé, selon le RS, être « propriétaire des installations de distribution d’eau jusqu’au point de fourniture », lequel est « constitué par le compteur individuel pour les constructions individuelles, général ou de contrôle dans le cas de constructions collectives verticales ou horizontales.» Classique.

Puis le RS prévoit qu’en « l’absence de compteur individuel, ou dans le cas de constructions collectives verticales ou horizontales non équipées de compteurs généraux ou de contrôle, le point de fourniture se situe au terme du premier mètre linéaire de la canalisation du branchement située en domaine privé, la distance étant calculée à partir de la limite du domaine public. » Là encore, rien de très surprenant.

NB : voici une illustration faite par mon frère Yann Landot il y a des années pour illustrer les principaux cas de figure en la matière (en cas d’affermage) :

Le contenu du reste du règlement de service est ainsi résumé par l’arrêt de la CAA de Lyon :

« Aux termes de l’article 18 de ce même règlement :  » Au-delà du point de fourniture, l’installation appartient au propriétaire qui en assure la garde et l’entretien à ses frais « , et aux termes de l’article 21 du même règlement :  » Le service de l’Eau du pays voironnais est responsable des dommages pouvant résulter du fonctionnement des éléments des branchements dont il est propriétaire dans les cas suivants : – lorsque le dommage a été produit par la partie du branchement située dans le domaine public ; – lorsque le service de l’Eau du pays voironnais a été informé d’une fuite ou d’une autre anomalie de fonctionnement concernant la partie du branchement située dans les propriétés privées et qu’il n’est pas intervenu dans un délai raisonnable (…) « .»

M. B…, abonné ne disposant pas d’un compteur, soutient que ne pouvaient être mis à sa charge les frais de réparation de la fuite d’eau constatée au-delà du premier mètre linéaire de branchement situé sur son fonds, les clauses du RS sur ce point qui lui ont été appliquées limitant abusivement, selon lui, la responsabilité du service en cas d’absence de compteur.

Le juge note que les dispositions du RS quant à la frontière entre réseau public et branchement individuel, au moins pour ce qui est de la responsabilité de chacun, en l’absence de compteur individuel  :

« n’aménagent un régime de responsabilité limitée au premier mètre linéaire sur fonds privé que subsidiairement au principe de responsabilité jusqu’au compteur. Ce régime subsidiaire auquel tout abonné peut d’ailleurs se soustraire en demandant l’installation d’un compteur, loin de réduire la responsabilité du service, l’encadre en lui donnant un critère objectif tandis que l’absence de critère aurait pour effet de l’étendre arbitrairement. Il suit de là que lesdites clauses ne méconnaissent pas les articles L. 132-1, L. 212-1 et R. 212-1 du code de la consommation et que les conclusions à fin d’annulation de la requête doivent être rejetées. »

 

III. Pour la CAA de Lyon, l’article 6, 1. de la CEDH n’impose pas la lecture des jugements en audience publique

 

Enfin, cet arrêt pose que ne viole pas l’article 6, 1, de la CEDH le fait que le jugement en 1e instance n’aie pas donné lieu à une audience publique au stade de la lecture de la décision ainsi rendue :

« 3. Le jugement attaqué, en ce qu’il prévoit une mise à disposition du public au greffe de la juridiction, complétée par des mesures de publicité par affichage au sein de la juridiction dans un espace où le public peut accéder librement, conformément aux dispositions précitées de l’article R. 741-1 du code de justice administrative, répond aux exigences de publicité mentionnées à l’article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, lequel n’exige pas une lecture en audience publique. »

 

Voici cette décision 

Source :

CAA de Lyon, 20 octobre 2022, n° 21LY02840