En ces temps de grève… voici quelques rappels sur le droit du service minimum d’accueil

Nouvelle diffusion de notre article de 2019 (juste à mettre à jour sur des détails, dont, ici l’arrêté du 29 juillet 2022 relatif aux professionnels autorisés à exercer dans les modes d’accueil du jeune enfant (NOR : APHA2222757A)

 

 

Le SMA (service minimum d’accueil) donne lieu à des postures politiques et à des débats éthiques. Tout ceci masque la réalité d’un régime juridique complexe qui n’est pas exempt de risques. Avec la préférence, pour nombre de praticiens, d’un risque administratif – encouru par la collectivité récalcitrante – à un risque pénal, pris à titre personnel par les élus et les agents territoriaux…

 

La loi n° 2008-790 du 20 août 2008 institue un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire. Il s’agit d’assurer l’accueil des élèves scolarisés dans les classes maternelles et élémentaires en cas de grève des enseignants.

Voir aujourd’hui les articles L. 133-4 et suivants du Code de l’éducation : 

Le texte organise le droit d’accueil dont il fait bénéficier les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire et prévoit une prise en charge partielle par l’État des incidences que peut avoir l’organisation du service d’accueil en termes de responsabilité. Sa mise en oeuvre pratique et sa gestion contentieuse sont également prévues.

 

Le droit d’accueil est à la charge :

– de l’État si le nombre prévisionnel (48h avant) de grévistes d’une école est inférieur à 25 %, (bref quand cela ne pèse pas sur l’Etat en réalité… c’est presque comique)

– de la commune (pour les écoles publiques) au-delà de ce seuil (les écoles privées sous contrat devant prendre ce service à leur charge).

 

La faculté de confier l’organisation de leur service d’accueil à une autre commune ou à une intercommunalité est laissée aux communes (art L.133-10 du Code de l’éducation). Il est également envisageable qu’une commune s’associe avec une ou plusieurs autres communes afin d’organiser ensemble le service.

Les communes sont censées informer les familles des modalités d’organisation du service d’accueil en leur laissant le choix du mode d’information, en coordination avec l’information incombant en théorie aux directeurs d’écoles.

 

Les communes sont autorisées à organiser le service dans les locaux des écoles publiques, même si ces derniers continuent d’être en partie utilisés pour les cours (art. L.133-6 du Code de l’éducation). Le directeur d’école ne peut s’y opposer.

Mais nombre de communes organisent ce service dans quelques CLSH (ceux qui ne sont pas dans les écoles) avec préinscription et paniers-repas, pour limiter le nombre d’enfants à gérer.

 

Il est prudent, pour les communes, de demander communication du fichier des élèves de l’école (que la commune est supposée avoir…), ne serait-ce que pour la prise en compte des allergies et la liste des personnes habilitées à recevoir les enfants.

 

 

Le maire doit établir une liste (« vivier d’intervenants ») désignant les personnes susceptibles d’assurer le service d’accueil, sans que soient précisés ni le taux d’encadrement, ni le niveau de qualification. À charge simplement pour le maire de s’assurer que tout volontaire possède « les qualités nécessaires pour accueillir et encadrer des enfants » (art. L.133-7 du Code de l’éducation). Ce point est très délicat car la commune n’a pas de moyen de contrôler le sérieux de ces intervenants (juste une consultation indirecte du fichier des délinquants sexuels, et encore, ce qui n’est pas rassurant quand on connaît les déficiences dudit fichier… il est même arrivé que des victimes y soient fichées par erreur).

La loi n° 2008-790 du 20 août 2008 précitée et la circulaire n° 2008-111 du 26 août 2008 pour la mise en oeuvre de ladite loi sont floues sur ce régime, si ce n’est que la liste sera transmise (avant chaque grève) à l’inspection académique (IA) qui vérifiera que les personnes inscrites ne figurent pas dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (en cas de refus d’une personne, l’IA le signale sans motiver sa décision).

La commune peut en conséquence faire appel à des agents municipaux, dans le respect de leurs statuts, mais également à des assistantes maternelles, des animateurs d’associations gestionnaires de centres de loisirs, des membres d’associations familiales, des enseignants retraités (rares volontariats…), des étudiants, des parents d’élèves… Si elle en trouve.

La non tenue dudit vivier d’intervenant fait partie des contentieux classiques en ce domaine comme nous le verrons ci-après.

L’identification des personnes y figurant relève de la seule compétence du maire qui peut faire appel à des agents municipaux, des assistantes maternelles, des animateurs, des enseignants retraités, des étudiants, des parents d’élèves. Le maire n’a aucune obligation en termes de qualification des personnels d’encadrement ni du taux d’encadrement.

Certains ont eu l’humour d’indiquer dans cette liste les noms des membres de l’administration préfectorale ou académique, mais il va de soi qu’il est prudent de s’assurer du consentement écrit et préalable des intéressés…

En pratique, une demande de Bafa ou autre qualification et une demande d’extrait de casier judiciaire sont des mesures prudentes pour la collectivité…

 

Aucun taux d’encadrement n’est prévu par la loi. Par prudence, en cas d’accident pénal (par référence à la loi Fauchon du 10 juillet 2000), il est prudent de se référer à d’autres taux d’encadrement (ceux du parascolaire par exemple ou ceux fixés pour le remboursement, à raison d’une personne pour 15 enfants).

 

Le maire a-t-il le droit d’employer du personnel non diplômé pour assurer le service minimum d’accueil ? OUI. La loi n° 2008-790 du 20 août 2008, en instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, a créé une obligation d’accueil des élèves, y compris lorsque l’enseignement est interrompu du fait d’une grève ou de l’absence imprévisible d’un enseignant. Cette obligation est assurée par les communes pour les élèves des écoles dans lesquelles le nombre de personnes grévistes est égal ou supérieur à 25 % du nombre de personnel enseignant. C’est le maire qui établit une liste des agents susceptibles d’assurer ce service d’accueil en veillant à ce qu’ils possèdent les qualités nécessaires pour accueillir et encadrer les enfants. Pour cette mission, le maire dispose d’une grande liberté d’appréciation. En effet, il ressort de la circulaire n° 2008-111 du 26 août 2008 que les dispositions du Code de l’action sociale et des familles, pour les modes d’accueil des mineurs n’excédant pas 14 jours par an, n’imposent aucune obligation en termes de qualification des personnels. Par conséquent, le maire peut recourir à du personnel non spécifiquement diplômé tels des agents municipaux, des assistantes maternelles ou encore des membres d’associations familiales. Cependant, si les personnes ne sont pas qualifiées et qu’un accident arrivait, le maire et/ou le responsable des services risquent de voir engager leur responsabilité pénale.

Sources : Article 133-7 du Code de l’éducation ; QE n° 05764, JO Sénat 11 décembre 2008, p. 2495.

 

Le décret n° 2008-901 du 4 septembre 2008 fixe le niveau de la compensation financière consentie par l’État à la plus importante des deux sommes suivantes :

– une somme de 110 euros par jour et par groupe de 15 enfants effectivement accueillis, le nombre de groupes étant déterminé en divisant le nombre d’enfants accueillis par quinze et en arrondissant à l’entier supérieur ;

– ou le produit, par jour de mise en oeuvre du service, de neuf fois le salaire minimum de croissance horaire par le nombre d’enseignants ayant effectivement participé au mouvement de grève.

 

Certains qui ont pu s’organiser pour assurer ce service mais en le rendant complexe d’accès (gestion du SMA dans des quartiers isolés et peu fréquentés avec des paniers-repas…) ont même réussi, sur le fondement de ce second critère, à dégager un excédent…

 

En tout état de cause, la compensation ne peut être inférieure à un montant égal à 200 euros par commune ou EPCI ayant assuré le service d’accueil.

 

La contribution doit être versée par l’État 35 jours maximum après la notification par le maire de la date d’organisation d’un service d’accueil et du nombre d’élèves concernés.

 

Le service est assuré par la commune sous la responsabilité de l’État. En cas d’accident, c’est donc à l’État qu’il incombe d’assurer l’indemnisation des victimes, sauf si le dommage subi par l’élève est dû au mauvais entretien des locaux ou des matériels dont l’entretien et le renouvellement sont à la charge des communes.

Mais en cas d’accident, c’est surtout la responsabilité pénale que chacun craint, surtout dans le cadre de désorganisation qui marque la mise en place pratique du SMA un peu partout. Et l’État brandit à chaque fois le fait que sur ce point l’alinéa 2 de l’article L.133-7-1 du Code de l’éducation met à la charge de l’État la protection juridique octroyée au maire dans le cadre des poursuites pénales dont il fait l’objet « à l’occasion de faits ne présentant pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions, qui ont causé un dommage à un enfant dans le cadre de l’organisation ou du fonctionnement du service d’accueil ». Une protection juridique qui en réalité, par simple application du droit commun, est étendue aussi aux agents et aux collaborateurs occasionnels du service.

Mais la belle affaire que celle-là… Le problème en cas de poursuites pénales n’est en effet pas tant celui de cette protection juridique (pour le paiement des frais d’avocats pour l’essentiel) que celui de la responsabilité pénale des personnes physiques en charge d’organiser et d’exécuter ce service.

Une responsabilité pénale qui continue de frapper les personnes physiques, ce qui est normal en droit français mais ennuyeux quand on voit le bazar que constitue ce service, toujours organisé à la hâte et, souvent, confié à des nonprofessionnels.

 

La grille des risques à prévenir doit être appréhendée à l’aune de la loi Fauchon du 10 juillet 2000 (alinéa 4 de l’article L.121-3 du Code pénal). Il en résulte une obligation de prendre particulièrement soin aux cas de risques d’être la cause directe d’un préjudice et aux éventuelles normes de sécurité (pour le surplus, très schématiquement, le risque est moindre si l’on a fait montre d’une prudence raisonnable).

 

Si la loi met en place des mécanismes de garanties juridictionnelles en cas de mise en cause de la responsabilité des communes suite à un dommage subi dans le cadre du service d’accueil, elle n’avait en revanche pas anticipé la levée de boucliers qu’elle susciterait, et demeure muette s’agissant des conséquences, en termes de responsabilité, de l’absence de mise en place du service d’accueil par une commune.

Au-delà des débats largement relayés par les supports d’information relatifs aux refus de certains élus de mettre en place le service, ou aux problèmes de mise en oeuvre rencontrés par d’autres, les grèves d’octobre 2008 ont été l’occasion des premières escarmouches contentieuses relatives aux conséquences de l’absence de mise en place du service d’accueil par une commune.

Dès les grèves d’octobre 2008, le droit d’accueil de la loi du 20 août 2008 a subi l’épreuve du feu contentieux. Les tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise et de Melun ont été saisis par des préfets en « référé mesures utiles ». Le but était de contraindre les communes récalcitrantes à mettre en oeuvre ce service d’accueil. Les tribunaux ont débouté les préfets, réjouissant les opposants à ce droit d’accueil.

En effet, en référé, les préfets devaient justifier de l’urgence de leur saisine, de l’opportunité des mesures utiles qu’ils demandaient et de l’illégalité de la décision des communes. Or, un des tribunaux a considéré qu’aucune mesure utile (pour trouver des agents notamment) ne pouvait être prononcée en une journée, le tribunal ayant été saisi la veille de la grève. L’autre tribunal a estimé que la demande ne présentait plus de caractère urgent, la grève ayant d’ores et déjà eu lieu au jour de l’ordonnance.

Mais ces victoires contentieuses des opposants à ce nouveau droit doivent être appréhendées avec prudence. En effet :

– à l’avenir, face à des communes qui annoncent à l’avance leur refus, le préfet peut cette fois-ci s’y prendre à temps…, ce qui changerait tout (voir l’arrêt Plessis-Pâté ci-après) ;

– il faut aussi penser aux parents d’élèves qui seraient juridiquement fondés à entamer, après coup, des contentieux indemnitaires en remboursement de leurs frais de garde (à notre connaissance, ils n’ont pas encore attaqué sur ce chef, mais s’ils le faisaient en justifiant de dépenses dans celles des communes – telle Paris – qui refusent de l’organiser par principe, elles pourraient attaquer sans coup férir).

Sources : TA Cergy-Pontoise, 7 octobre 2008, Préfet de Seine-Saint-Denis, req. n° 0810617 et 0810599 ; TA Melun, 9 octobre 2008, Préfet du Val-de-Marne, req. n° 0807427/6 ; En outre, deux juges administratifs ont considéré que la requête en « référé mesures utiles » à l’encontre du refus explicite comme tacite du maire d’une commune d’organiser le service d’accueil n’était pas recevable dans la mesure où ordonner une mesure ayant pour objet de faire organiser le service ferait obstacle à la décision municipale ; ce qu’interdit cette forme de référé.

Sources : TA Versailles, 19 novembre 2008, Préfecture des Yvelines, req. n° 0810942-13 ; TA Lyon, 18 novembre 2008, Préfet de la Loire, req. n° 0708170

 

En revanche, les décisions portant refus d’organiser le service sont éligibles à la suspension et peuvent donner lieu à des injonctions d’organiser le service, le cas échéant sous astreinte (sous réserve que le juge statue avant la grève et que la commune ait donc encore le temps d’organiser le service)… Exemple de la ville de Paris en février 2009 et de la ville de Reims en janvier 2009.

Sources : TA Nîmes, 19 novembre 2008, Préfet du Gard, req. n° 0803477 ; TA Limoges, 19 novembre 2008, Préfet de la Corrèze, req. n° 0801505 ; TA Montpellier, 26 novembre 2008, Préfet de l’Hérault, req. n° 0804796 ; TA Toulon, 19 novembre 2008, Préfet du Var, req. n° 0806216 ; TA Versailles, 17 novembre 2008, Préfet de l’Essonne, req. n° 0810689 ;

 

L’argument de l’impossibilité d’organiser ce service ne permet pas de prendre une délibération de principe refusant de mettre en place le SMA.

Le service minimum d’accueil instauré par la loi du 20 août 2008 et codifié aux articles L.133-4 et suivants du Code de l’éducation oblige les communes à organiser l’accueil des enfants des écoles élémentaires de leur territoire lorsque le nombre des personnes qui ont déclaré leur intention de participer à la grève est égal ou supérieur à 25 % du nombre de personnes qui exercent des fonctions d’enseignement dans cette école. Pour ce faire, le maire doit transmettre à l’autorité académique une liste de personnes susceptibles d’assurer ce service. Il ne peut s’y soustraire, même si l’effectif d’animateurs n’est pas suffisant ou que le seuil des 25 % de grévistes de l’article L.133-7 du Code de l’éducation n’est pas atteint. Le Conseil d’État a en effet considéré que l’argument tiré de l’impossibilité d’organiser ce service avancé par la commune est sans effet sur la légalité, ou plutôt l’illégalité de la délibération refusant la mise en place de ce service.

Sources : CE, 7 octobre 2009, Commune du Plessis-Pâté, req. n° 325829

 

Le référé-suspension des décisions communales de refus de mettre en place a aussi été utiliser avec efficacité par les Préfectures si la commune s’y prend très en avance dans son refus. En refusant, par principe, de participer à l’organisation d’un service d’accueil pour les élèves des écoles publiques, la commune fait délibérément obstacle à l’application de la loi du 20 août 2008 codifiée aux articles L.133-1 et suivants du Code de l’éducation. En effet, cet article dispose qu’un service d’accueil des élèves doit être instauré (ce n’est pas une simple faculté) en cas de grève dans un certain nombre de communes et enjoint aux maires d’établir une liste de personnes susceptibles d’assurer ce service. À ce titre, le préfet, selon la cour administrative d’appel de Lyon, est donc en droit d’obtenir la suspension d’un tel refus.

Sources : CAA Lyon (3e chambre), 4 mars 2009, Préfet de l’Allier c/ Commune d’Yzeure, req. n° 09LY00067

 

La voie du contournement par le droit international, par les opposants au SMA, n’était pas non plus une bonne voie. La cour administrative d’appel de Douai a confirmé l’annulation de la délibération d’un conseil municipal refusant d’organiser un service minimum d’accueil au motif que la loi ayant instauré ce droit d’accueil n’était pas contraire à la convention de New York relative aux droits de l’enfant. Cette convention (ce n’est pas le cas de toutes les conventions internationales) est invocable par tout justiciable s’agissant de l’article 3-1 alinéa 1 relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant. La cour a considéré qu’il est bien difficile d’admettre que l’intérêt supérieur de l’enfant ne soit pas correctement pris en compte alors que le service minimum a justement pour objet de permettre de maintenir autant que possible l’accueil des enfants en cas de grève significative d’enseignants.

Sources : CAA Douai, 11 mars 2010, Commune de Venizel, req. n° 09DA00485 ; Loi n° 2008-790 du 20 août 2008 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire ; Convention de New York du 26 janvier 1990.