Sous la présidence de M. Jean LAUNAY, le Comité national de l’eau (CNE) s’est réuni le 5 janvier 2023, en présence de Mme Bérangère COUILLARD, Secrétaire d’État chargée de l’écologie.
Voici les trois documents qui en ressortent et qui importent à la veille, demain 26 janvier 2023, d’annonces gouvernementales à ce sujet :
Détaillons ces diverses propositions.
Voici des extraits de la synthèse de ces travaux et propositions par le Président Launay :
« […]
Déterminer les territoires où les difficultés risquent de survenir est primordial. Or, la qualité du travail de nos opérateurs et le croisement de leurs données le permettent. Les avantages immédiats à en tirer sont divers et impactent directement les usages : adapter les semis, moduler les volumes autorisés, ou encore renforcer la surveillance de l’état des lieux, dont la température de l’eau par exemple.
La connaissance exhaustive des prélèvements, l’attention apportée aux non-déclarations des forages, et l’instauration de la télérelève des volumes pour tous les usages devront déboucher sur des mesures réglementaires indispensables.
Le plan Eau intégrera les conclusions des Assises de l’eau, sans trahir les orientations du Varenne, dans le double objectif du partage assumé de la ressource en eau et de l’indispensable sobriété des usages.
La gravité de l’épisode caniculaire 2022 a conduit le ministère à demander aux préfets des départements de dresser la liste des collectivités ayant rencontré des ruptures d’approvisionnement et de vérifier la mise en œuvre de mesures de renforcement de leur adduction d’eau potable. La liste des collectivités jugées fragiles, confrontées à des risques avérés de coupure d’eau, a également été demandée.
Localiser ces collectivités est indispensable, afin d’analyser les raisons structurelles ou momentanées, ayant amené à ces ruptures d’alimentation. En outre, l’eau qui « roule », le citernage ou la desserte d’eau en bouteille doivent être considérés comme des ruptures.
Cette vérification des indispensables mesures de renforcement de cette adduction en eau potable renverra de facto à l’enjeu de la structuration de la compétence eau potable à l’échelle intercommunale ou syndicale, notamment pour les communes rurales isolées.
Au-delà du chantier eau de la planification écologique, ces investigations doivent impérativement permettre de ne pas reporter une fois de plus l’échéance législative de 2026 pour le transfert définitif de la compétence eau à l’intercommunalité.
La cartographie du risque des difficultés en matière d’alimentation en eau potable portera sur la gestion qualitative, mais aussi sur la gestion quantitative, avec l’analyse des historiques des sécheresses. Elle sera opportunément superposée aux couches de nature des sols, pour anticiper les ruptures d’approvisionnement en eau potable, et déterminer si ces dernières sont accidentelles ou révélatrices d’une pénurie de la ressource.
L’élaboration et/ou la mise à jour des schémas en eau potable devront s’appuyer sur les départements, particulièrement sur les zones rurales. L’objectif n’est pas de transférer les compétences, mais de renouer un lien politique avec l’administration locale qui a historiquement accompagné de nombreuses communes dans leurs premiers accès à l’eau, et de favoriser les interconnexions avec des syndicats de production.
En application de l’article L. 2224-7-1 du Code général des collectivités territoriales, ces schémas seront établis pour fin 2024, incluant le descriptif et le diagnostic des ouvrages et des équipements.
Ces schémas :
• analyseront l’évolution de la population et des ressources en eau disponibles ;
• prioriseront les travaux d’amélioration du réseau, selon le taux de perte en eau ;
• poursuivront la lutte contre les fuites ;
• planifieront les interconnexions nécessaires ;
• procéderont à l’estimation des financements à mobiliser.
Lors du lancement du processus le 29 septembre 2022, le ministre Christophe BECHU a avancé l’idée de lier la confiance et l’ambition. Renouer avec tous les échelons politiques d’administration locale est primordial, avec : les départements, les régions porteuses de la compétence développement économique, les communes dans le cadre de leurs intercommunalités ou des structures syndicales gérant l’eau dans toutes ses dimensions, et les établissements publics territoriaux de bassin et les EPAGE adossés à la notion de bassin versant ou de sous-bassin versant dont l’action sera soutenue par les agences de l’eau.
Les collectivités locales, quel que soit le niveau de maîtrise d’ouvrage, s’inscrivent dans cette logique de bassin versant ou de sous-bassin versant, qui ne se superpose pas nécessairement au périmètre des intercommunalités. Nous sommes ici au cœur des sujets de gouvernance. Nous sommes au milieu du gué.
Dans les compétences confiées en matière d’eau aux collectivités, l’appropriation des enjeux, la question de la répartition de la ressource entre les usagers, la prise en compte des milieux et l’association des parties prenantes sont insuffisamment intégrées. Tous les bassins versants devraient ainsi être dotés d’une vision stratégique de l’eau, ce qui plaide pour une généralisation des SAGE. Une réforme doit les rendre plus stratégiques, plus prospectifs, et davantage reliés aux autres politiques sectorielles. Les SAGE deviendront ainsi plus efficaces, avec un fonctionnement plus agile pour répondre aux besoins des territoires.
La première urgence s’inscrira, pour le gouvernement, dans une logique de résorption des points noirs, par l’animation et l’accompagnement des collectivités qui disposent de moins bons rendements. L’État pourrait assurer, par une mobilisation spécifique, l’accompagnement de la prise des compétences eau et assainissement, en application du transfert des compétences issu de la loi NOTRE, à condition que l’échéance ne soit plus reportée.
En matière de compétences, l’organisation de la gestion de l’eau n’est pas toujours lisible, entre les compétences GEMAPI et la sécabilité des compétences, ce qui nuit à la mise en œuvre des solidarités « amont-aval » et « urbain-rural », et à une politique intégrée et transversale de l’eau. Pour répondre à cette fragilité, l’idée a germé de demander aux collectivités de bassin de mettre en place des contrats de gouvernance hydrographique ou des schémas de coopération qui formaliseront la répartition des compétences et attesteront d’une lecture des articulations entre : eau, aménagement du territoire, urbanisme, énergie, agriculture et tourisme.
Dès lors que l’eau conditionne les activités, le dialogue entre les acteurs doit être amélioré. Les documents de planification doivent traduire ce dialogue. Les collectivités compétentes en matière d’eau devront participer à l’élaboration à la révision des PLUi et des SCoT, ainsi qu’aux instances liées au foncier. Je plaide donc pour une implication plus forte des élus à l’enjeu majeur que constitue l’eau.
Les agences de l’eau, établissements publics de l’État, représentent le bras armé de la politique de l’eau et de la biodiversité. Nous leur devons la refonte de leurs redevances, dont celles pour le prélèvement de la ressource en eau, en revoyant l’encadrement des redevances. Nous leur devons également de garantir le principe « pollueur-payeur », ainsi que le principe, maintenant établi, « l’eau et la biodiversité payent l’eau et la biodiversité », en mettant en œuvre les recommandations du rapport « Jerretie-Richard », présenté dans le cadre du CNE l’an dernier. L’objectif est de diversifier les recettes des agences de l’eau, en adéquation avec l’élargissement de leurs missions, et donc d’apporter les financements complémentaires pour la biodiversité (établis sur les atteintes à la biodiversité).
Diversifier et ajuster les recettes des agences de l’eau à leurs besoins est donc nécessaire, en supprimant le plafond d’encaissement (« plafond mordant »). Ce plafond représente en effet le dernier avatar du comportement jacobin dont l’État reste capable. Ce « pied sur le frein » dans l’utilisation de l’argent de l’eau n’est pas nouveau. Le financement de la politique de l’eau ne doit plus être grevé par le financement d’autres politiques. Le plafond de dépense qui contraint inutilement le système devra aussi être supprimé.
Ces agences doivent avoir les moyens d’agir. Elles doivent notamment maintenir les aides vers le petit cycle du 11e programme, et ne pas les exclure du 12e.
Qu’il s’agisse des collectivités en rupture d’approvisionnement en AEP, des schémas d’AEP, de l’accompagnement à la bonne échelle, de la prise de compétence des services AEP et assainissement, de la lutte contre les fuites, de l’entretien de la rénovation des réseaux, des interconnexions nécessaires et de la modernisation des stations d’épuration, tous ces points relèvent du petit cycle. Les aides petit cycle du 11e programme sont à maintenir et les 12es programmes ne pourront pas les exclure, au risque de générer incompréhension et frustration.
Les agences doivent aussi renforcer la conditionnalité de leurs aides, par la mise en place de prix planchers de l’eau, et l’obligation de connaissance du patrimoine, avec le rétablissement des aides pour l’assainissement non collectif sur les zones sensibles, comme les aires d’alimentation de captage. Dans les 12es programmes, cette démarche se mettra en place en assurant et en garantissant une animation territoriale solide et pérenne, pour partager la connaissance des états des lieux, mobiliser les acteurs et permettre le montage des dossiers.
Les agences doivent aussi ajouter dans les conditions d’octroi : des aides et des financements des critères de durabilité, de viabilité et d’équité, ainsi que des efforts pour baisser les prélèvements et les consommations (afin de préserver les ressources). Tous ces points doivent être intégrés dans les 12es programmes.
Concernant le grand cycle, le recours aux solutions fondées sur la nature devrait être développé à plus grande échelle, pour restaurer les sols vivants, la fonctionnalité des milieux et végétaliser les bassins versants. Les aides devront également permettre l’accompagnement de l’agroécologie par les paiements pour services environnementaux, et les mesures agroenvironnementales et climatiques.
La qualité et la quantité sont désormais jugées indissociables. Le réchauffement climatique impacte qualitativement les masses d’eau et aggrave les conditions d’une bonne gestion quantitative. Une illustration concrète de ce lien est la mise en œuvre des solutions fondées sur la nature qui ont des bénéfices sur la quantité d’eau (ralentissement des crues et atténuation des sécheresses) et sur la qualité de l’eau. La restauration du bon fonctionnement des milieux aquatiques (zones humides, cours d’eau) fait partie des solutions, ce qui généralement concourt à l’atténuation du changement climatique et à la bonne biodiversité.
Les parties prenantes des bassins pourraient être amenées à fixer des objectifs temporels et quantitatifs de fonctionnalités naturelles des milieux et de végétalisation, et de couverts arborés pour toutes les dépendances linéaires d’infrastructure.
La synergie des projets avec les enjeux climatiques et de biodiversité pourra être recherchée par la renaturation en ville, des projets de végétalisation des bassins versants, le soutien au déploiement des infrastructures agroécologiques, ainsi que l’entretien et la rénovation des réseaux d’alimentation en eau potable.
S’agissant de la gestion qualitative, plusieurs objectifs ont été fixés :
• poursuivre la limitation des rejets et réduire à la source les émissions de polluants ;
• renforcer la protection des captages par la mobilisation plus forte des collectivités, comme le prévoit la transposition de la directive eau potable ;
• doter le plan Ecophyto de suivis sur les actions, les engagements des acteurs, les résultats obtenus par la mobilisation des acteurs du monde agricole dans la logique de filière, de la recherche variétale au consommateur final, en passant par la transformation ;
• solliciter cet engagement des filières sur la réduction du recours aux produits phytopharmaceutiques et en assurer le suivi ;
• l’accélération de la réduction des pollutions diffuses sur les captages d’alimentation en eau potable. L’objectif « zéro phyto » sur ces zones n’a pas fait consensus pour l’instant.
Le sujet des micropolluants a aussi été largement débattu. La diversité des expressions employées semble révélatrice des attentes sur le sujet : les réduire, mieux les maîtriser en amont, et mieux cibler ceux qui doivent être surveillés.
Le lancement du troisième plan micropolluants a aussi été évoqué, le focalisant sur la question « comment réduire ? ». L’idée de mettre en œuvre une redevance spécifique a été proposée, en appliquant le principe « pollueur-payeur » par exemple, avec une redevance dédiée ou un dispositif de responsabilité élargi du producteur.
D’autres sujets concernent le suivi de l’état chimique des eaux de surface, les mesures en sortie des stations d’épuration, ou encore l’appui à la recherche et développement sur la connaissance des substances, en particulier médicamenteuses. L’évolution de nos résultats en termes de REUT en dépendra. Moins les eaux usées seront contaminées, plus il sera facile de les traiter et de les réutiliser. Considérer les rejets les plus impactant, et déterminer d’où ils viennent est nécessaire, mais réduire toutes les émissions de substances dangereuses en amont de leur rejet sera difficile, car leurs sources, majoritairement individuelles, sont particulièrement diffuses.
Les problèmes étant connus, la mise en œuvre rapide d’actions concrètes doit prévaloir. Dès lors, la réduction des rejets directs d’eau usée par temps de pluie constitue une mesure incontournable.
Le renforcement des performances des stations d’épuration pourrait être une option complémentaire pour diminuer les rejets de micropolluants dans les milieux naturels. Or, traiter les micropolluants dans les stations d’épuration n’est pas gratuit, et le financement de tels traitements reste à construire et devra aussi s’appuyer sur le principe « pollueur payeur ».
S’agissant du sujet de la gestion quantitative, le maître mot sera « sobriété », en incitant tous les acteurs à faire des économies d’eau et à changer de pratique en intégrant la sobriété de l’usage le plus en amont possible. Agir de façon responsable sera nécessaire, pour une gestion partagée par la réévaluation des règles de répartition des volumes prélevables, en tenant compte de la hiérarchisation des usages, pour mieux partager la ressource dans le temps et dans les territoires.
En ce qui concerne les stratégies d’aménagement des territoires, les travaux du Varenne agricole avaient déjà mis en lumière la nécessité de déployer le panier de solutions à définir localement. Multifonctionnalité et gestion collective ont été réaffirmées. Nous devons aller plus loin dans la massification de la réutilisation des eaux non conventionnelles (eaux grises, eaux de pluie, eaux usées traitées), et dans la remobilisation des ressources existantes, notamment des plans d’eau existants. La mobilisation de la ressource en eau passera aussi par les PTGE.
Pour la lutte contre les fuites, les renouvellements des canalisations devront se poursuivre, en cherchant la meilleure efficacité.
Le prix de l’eau devra augmenter pour financer les investissements indispensables, mais avec le souci de l’acceptabilité sociale. Cette politique sociale de l’eau doit être déployée davantage, pour inciter aux économies, avec la possibilité de mettre en place la tarification progressive, compte tenu de la différence des préleveurs.
Le sujet de la connaissance devra être analysé à trois niveaux. Son large partage permettra de progresser collectivement :
• en amont : former au projet de l’eau. À date, comprendre et partager l’état des lieux, gage de la mobilisation des acteurs (avec le regroupement et l’exploitation des données éparses qui viennent de tout le territoire, sur les milieux et sur les prélèvements). La cartographie des réseaux d’AEP n’est pas complète et n’existe pas. Publier la cartographie des zones humides, déployer les systèmes dynamiques pour croiser les données eau avec les données socioéconomiques et environnementales propres à chaque territoire (démographie, occupation des sols) ;
• en aval demain : agir par rapport aux enjeux et chercher la synergie des projets avec les autres enjeux (la nature en ville, la lutte contre les îlots de chaleur). En ce sens, il est proposé d’ajouter des critères eau dans les outils de programmation et de labellisation, dans les politiques cœur de ville ou écoquartier ;
• articuler les documents-cadres pour que l’eau ne soit plus l’oubliée de l’aménagement. Entre les SDAGE et les SRADDET, entre les SAGE et les SCoT, les documents doivent mieux se parler pour assurer un développement des territoires qui tient compte des ressources disponibles et de leur qualité, sans oublier les milieux naturels.
Je tiens particulièrement aux mots « transversalité » et « interministérialité ». J’ajoute la poursuite de la réflexion sur la sobriété, […] »
Sur la question de la Protection des captages et lutte contre les pollutions diffuses, voici la synthèse des travaux du groupe de travail telle que formulée par M. Philippe NOYAU (Chambres Agriculture) :
« Les problématiques se résoudront sur les territoires. Nous proposons donc une animation par territoire, en mobilisant principalement les moyens sur les territoires sensibles, et notamment sur les AAC. Pour être pragmatique, cette démarche doit se faire avec les filières. Or, les filières se traduisent par de la recherche, de la production jusqu’à la consommation. Si nous n’arrivons pas à mobiliser ces filières, nous ne réussirons pas.
Les filières seront locales, avec l’accompagnement des exploitations qui se convertiront en agriculture biologique, et en lien avec les PAT, qui nécessite un engagement des consommateurs. Insister sur les filières est donc nécessaire. Nous avons également besoin des grandes filières et de la transformation.
Les PSE (paiements pour services environnementaux) sont une solution. De nombreux PSE ont été mis en place par les agences de l’eau et les Comités de bassin. Nous avons besoin des retours d’expérience pour savoir comment divulguer ces PSE et les financer. Des financements privés sont également possibles, pour financer des PSE sur des actions locales.
Un plan Ecophyto, avec une priorisation sur les zones sensibles, est également envisageable.
Nous souhaitons adopter un raisonnement global sur l’entreprise : eau/air/sol, et ne pas résoudre une problématique en en créant une autre.
Nous préférons avoir une action locale, avec des actions réelles et concrètes pour accompagner un maximum d’agriculteurs dans le changement.
La réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires doit être intégrée dans le processus, mais ne constitue pas une fin en soi.»
Sur le grand cycle :
« 2. Grand cycle de l’eau, par Frédéric MOLOSSI, Georges DANTIN et Thierry BURLOT
Frédéric MOLOSSI, président de l’Association nationale des élus de bassin
Nous nous sommes notamment concentrés sur des éléments de moyen terme, autour de la question de la gouvernance.
L’eau est un bien commun, et nous devons le gérer de la manière la plus partagée possible avec l’ensemble des acteurs des territoires, en nous appuyant notamment sur une forte expertise locale, ainsi qu’une grande animation territoriale. Ces éléments semblent constitutifs d’une gouvernance équilibrée, efficace et davantage visible.
Nous ne partons pas de rien. Des outils existent et doivent être renforcés, sur le plan politique et juridique. Nous pensons notamment à un certain nombre d’outils de planification partagée. La notion de planification et de partage de cette planification avec l’ensemble des acteurs à l’échelle territoriale et du bassin semble un élément important. Ces outils permettraient de dégager une maîtrise d’ouvrage et d’ingénierie adaptée aux besoins des territoires, en répondant à l’ensemble des compétences des différents niveaux administratifs.
Thierry BURLOT, président du Comité de bassin Loire-Bretagne
La politique de l’eau a du mal à parler aux autres politiques publiques. Personne ne se parle et les documents de planification sont élaborés sans réelle concertation avec les autres acteurs. Or, le mode de développement économique et l’urbanisation contribuent à la qualité de l’eau, des rivières, des nappes phréatiques et des fleuves. La politique d’urbanisation et de développement économique doit donc davantage parler à la politique de l’eau. De son côté, la politique de l’eau doit aussi s’ouvrir aux autres politiques. Nous devons aborder ces sujets collectivement.
Par ailleurs, une politique de l’eau efficace nécessite une communication avec la politique agricole commune, notamment dans les territoires ruraux. Nous devons nous parler pour pouvoir collectivement porter des projets. La profession agricole et les agriculteurs ont particulièrement souffert de la sécheresse cet été. Si nous voulons travailler sur le grand cycle, donc sur les espaces ruraux, nous devons communiquer et être capables de porter des projets, dans un climat de confiance.
Le petit cycle de l’eau fonctionne relativement bien. En revanche, des questions se posent sur le grand cycle de l’eau et son financement. Nous allons devoir faire le bilan de la GEMAPI et du fonds Barnier. Le financement du grand cycle se fera en amont, pour des avantages qui devront se mesurer en aval. Un réel sujet de solidarité existe entre l’amont et l’aval et entre la ville et la campagne pour porter cette politique du grand cycle.
Georges DANTIN, Sports nautiques FFCK
Les solutions d’adaptation fondées sur la nature ont été des pistes plébiscitées au sein du groupe de travail, sur les problématiques de végétalisation des bassins versants, de plantation linéaire, de rétention d’eau, d’imperméabilisation, et également sur le croisement entre la politique de l’eau et l’urbanisme. L’apport important des participants non membres du CNE dans ces groupes de travail doit être souligné.
Il est nécessaire, dans les états des lieux, de veiller à intégrer l’ensemble des enjeux et des usagers. Les personnes qui ne sont ni préleveurs ni consommateurs, mais abordent l’eau pour le plaisir doivent aussi être intégrées dans tous les enjeux amont, notamment à travers des études « hydrologie, milieu, usage et climat » qui représentent une grille d’analyse intéressante. En outre, les CLE (commissions locales de l’eau) constituent l’unique lieu d’expression pour ce type d’usagers au sein de la politique de gestion de l’eau.»
Pour le groupe de travail Sobriété, économies, partage (présentation par Mesdames Danielle MAMETZ et Agathe EUZEN) :
« Danielle MAMETZ, représentante des distributeurs d’eau en régie
Pour commencer nos travaux, nous avons posé le paradigme suivant : la nécessité d’adapter les usages en fonction de la disponibilité et de la qualité de l’eau pour assurer la pérennité du partage des ressources à long terme.
Pour cela, nous nous inscrivons dans un projet de territoire soutenable, équitable et viable pour tous. Pour atteindre des objectifs de sobriété, les solutions sont multiples. Elles sont à construire ensemble de façon transversale, avec tous les acteurs, en fonction des contextes locaux et des enjeux de soutenabilité à toutes les échelles de temps et d’espace dans les territoires.
La notion de territorialisation des solutions semble essentielle pour atteindre nos objectifs de sobriété. Cela implique évidemment de sortir des silos et d’harmoniser les politiques publiques pour un meilleur partage de cette ressource commune, et pour sa préservation, dans sa qualité sur le long terme et dans sa quantité dans les territoires métropolitains et ultramarins.
Agathe EUZEN, personnalité qualifiée
Le groupe de travail propose notamment de s’appuyer sur les socio-écosystèmes, les milieux et la biodiversité, et de réhabiliter les stockages naturels. Cette idée doit être prescrite et systématisée dans les PTGE et dans tous les documents de planification et d’aménagement.
Il est également nécessaire d’intensifier les économies d’eau, au-delà de la substitution, en sensibilisant pour faire évoluer les pratiques, et en généralisant les dispositifs hydroéconomes appropriés à chacun des usages. Favoriser le développement de l’usage des eaux non conventionnelles semble aussi important, afin d’économiser et de préserver les ressources. Cela implique de prendre en compte les besoins des milieux et des différents usages sur le territoire, en amont comme en aval, en surface et en souterrain, en s’appuyant sur les analyses coûts-bénéfices et les risques. L’eau doit être considérée comme un « commun » à partager.
Danielle MAMETZ, représentante des distributeurs d’eau en régie
Pour conclure, il semble nécessaire de poursuivre les échanges dans ce groupe de travail « sobriété », pour envisager ensemble les réponses les plus adaptées et accompagner leur mise en œuvre en s’appuyant sur les connaissances scientifiques ou sur l’ensemble des données dont nous disposons. Ces données et ces connaissances doivent être rendues accessibles et appropriables par tous, avec des données multiples et territorialisées. Améliorer l’interconnaissance facilitera aussi l’appropriation par tous des objectifs de sobriété et d’économie d’eau.»
Le 4e groupe de travail portait sur le prix et la qualité des services publics eau et assainissement (par M. Hervé PAUL et Mme Isabelle GAILLARD) :
« Hervé PAUL, vice-président métropole Nice Côte d’Azur
Les débats du CCPQSPEA ont été riches et les propositions multiples pour faire face aux défis liés à l’adaptation au changement climatique et au renouvellement des ouvrages des services publics d’eau et d’assainissement, mais aussi à la gestion des eaux pluviales et à l’adaptation aux nouvelles normes (notamment la nouvelle directive eau potable et la future directive sur les eaux résiduaires urbaines).
Deux grands objectifs peuvent être mis en avant, avec d’une part le renforcement des capacités de maîtrise d’ouvrage des collectivités. A cet effet, l’État doit se mobiliser plus fortement pour accompagner les derniers transferts de compétences prévus par la loi NOTRE d’ici 2026, et arrêter « d’ouvrir la boîte de Pandore » d’un nouveau report. De la stabilité est requise pour organiser les services publics d’eau et d’assainissement de façon durable.
Les collectivités les plus en difficulté patrimoniale doivent être accompagnées, à travers des appuis d’ingénierie, d’outils et de financement. Or, cela ne doit pas se faire au détriment financier des autres collectivités qui ont déjà lancé des plans d’actions et qui sont en train d’atteindre des objectifs importants.
Le deuxième grand objectif est celui du renforcement des moyens financiers des services publics d’eau et d’assainissement, pour atteindre les résultats des objectifs fixés par les Assises de l’eau et satisfaire les nouvelles obligations.
Deux grands leviers ont été identifiés : la tarification et les outils financiers, en particulier l’amélioration de l’attractivité des « aqua prêts ».
Par ailleurs, dans le cadre de la préparation du 12e programme des Agences de l’eau et de la réforme de la redevance, le niveau des aides petit cycle de l’eau doit être maintenu, voire renforcé. Par ailleurs, à défaut de le supprimer, le plafond « mordant » doit être augmenté avec de nouvelles ressources assises sur les attentes de la biodiversité et sur la mise sur le marché de produits contenant des micropolluants.
Enfin, l’État pourrait adresser un signal fort sur le caractère essentiel de l’assainissement des eaux usées, en ramenant le taux de TVA sur les redevances d’assainissement à 5,5 %, comme pour l’eau potable. Ces mesures peuvent être mises en place rapidement.
Au moment des Assises de l’eau, le montant de la capacité d’autofinancement des SPEA s’affichait à 3,2 milliards d’euros. Les derniers calculs montrent que cette capacité d’autofinancement ressort désormais à environ 1 milliard d’euros, et ce montant pourrait chuter à 700 millions d’euros d’ici à six mois. Une mobilisation est donc nécessaire.
Le prix de l’eau augmentera pour faire face aux enjeux dans les investissements, en matière d’eau et d’assainissement, mais également face à la hausse des coûts d’exploitation.
En effet, les services d’eau et d’assainissement ne sont pas protégés par le bouclier tarifaire et subissent donc l’augmentation du coût de l’énergie, ainsi que la progression des coûts des produits de traitement et de la masse salariale.
Le prix de l’eau augmentera et nous devons nous assurer que cela ne fragilise pas davantage les publics en difficulté. L’État doit poursuivre l’accompagnement des collectivités pour mettre en œuvre de véritables politiques sociales de l’eau, et disposer des informations nécessaires auprès des services sociaux, dans le respect du RGPD. En outre, les services sociaux doivent être remobilisés sur ces enjeux d’impayés des factures d’eau.
D’autre part, un travail plus général doit être mené sur l’acceptabilité de ces augmentations, ce qui passe par une bonne information des usagers, mais aussi par des réponses tarifaires aux demandes d’équité de traitement. La question d’une tarification saisonnière ou d’une tarification spécifique aux résidences secondaires doit être étudiée.
L’idée est de laisser les territoires choisir la bonne tarification et de ne pas vouloir imposer une tarification unique, compte tenu de la diversité des services d’eau et d’assainissement. Des outils doivent être fournis et un accompagnement des services publics d’eau et d’assainissement doit être proposé pour permettre une politique plus sociale de la tarification de l’eau.»
Voici la présentation des travaux relatifs aux outre-mers par Mme Sylvie GUSTAVE DIT DUFLO
« Sylvie GUSTAVE DIT DUFLO, Présidente du CEB de Guadeloupe
J’ai piloté le groupe outre-mer et plusieurs réunions ont eu lieu. Nous y avons associé l’ensemble des présidents des Comités de l’eau et de la biodiversité ultramarins, ainsi que des Offices de l’eau.
Deux propositions fortes sont ressorties de nos échanges :
• renforcer les capacités d’ingénierie dans les territoires, en service de l’Etat ou en collectivité, tant sur le petit cycle que sur le grand cycle. Lorsque chaque projet d’investissement est monté, un pourcentage financier doit pouvoir être dédié à l’ingénierie ;
• élargir le plan Eau DOM au grand cycle de l’eau et à la GEMAPI. Nous souhaitions organiser une conférence régionale des acteurs de l’eau sur le grand cycle de l’eau et sur la GEMAPI, afin de mobiliser et de responsabiliser les collectivités. Nous souhaitons aussi mettre en place localement un Comité des financeurs (pour trouver des pistes de solutions) et des contrats de progrès (pour sanctuariser les financements du grand cycle). Les collectivités doivent être mobilisées sur la taxe GEMAPI.
Ces deux propositions phares ont été présentées au CESE et seront probablement reprises dans le plan Eau DOM. Ces pistes de travail émergent fortement des territoires ultramarins. »
Enfin pour ce qui est du CASH (Comité d’anticipation et de suivi hydrologique), le Président Launay a rappelé :
« Les deux points forts du CASH […] :
1 – l’approvisionnement en eau potable
Sécuriser les collectivités les plus touchées par la sécheresse en 2022.
Anticiper les ruptures d’approvisionnement qu’elles soient accidentelles ou qu’elles résultent de pénuries de la ressource
Créer un système d’information interministériel de gestion de crise ouvert bien sûr aux services de l’Etat mais aux services d’Eau Potable.
2- Promouvoir encore plus l’anticipation
Comme pour le CASH au plan national, les comités de ressource en eau se réuniront dès le mois de mars 2023 pour établir un bilan de la recharge hivernale et pas seulement au moment où on va entrer en phase de vigilance. Ces réunions plus précoces des comités ressources en eau locaux ainsi que la prise d’arrêtés de limitation à partir des prévisions et non plus seulement des constats, constitueront les réponses.
De même, l’utilisation des outils et données de prévisions de Météo France, du BRGM, d’AquiFR ; des observations d’EDF, de VNF et du réseau ONDE, sera généralisée dans toutes les régions et départements, y compris ceux jusqu’alors peu impactées par les épisodes de sécheresse.
Le déploiement des PTGE (Projets de Territoire pour la Gestion de l’Eau) permettra de réduire le risque sécheresse et les épisodes de crise grâce au renforcement de la surveillance de l’état des milieux et au partage d’indicateurs de restitution et d’indicateurs de volume consommé ramené à l’unité de production qui permettront de mieux appréhender l’efficacité de l’usage de l’eau puis d’explorer et de choisir, dans chaque territoire, le meilleur scénario qui soit pour un retour à l’équilibre quantitatif dans la durée.
Enfin, l’information des usagers et l’amélioration de la communication seront poussés avec le souci d’assurer une véritable lisibilité des mesures de restriction et leur acceptation sociétale.»
SOIT IN FINE LES 6 AXES DE REFORME QUE VOICI :
A CE SUJET VOIR AUSSI la vidéo d’entretien avec le Président J. Launay, notamment sur les propositions du CNE
Voici, en 54 mn 14, un tour d’horizon de ces propositions avec le Président J. Launay
Sommaire
1 • Propositions du CNE
2 • Sécheresse et conflits d’usage
3 • Pilotage des politiques de l’eau
4 • Intercommunalisation
5 • Mur d’investissement à venir
6 • Organisation des compétences
7 • Financement
8 • Pollutions diffuses / qualité
9 • Stockage de l’eau agricole ; irrigation
10 • Continuité écologique
11 • Eaux grises
12 • Conclusion
A comparer avec les propositions de la FNCCR que voici :
- FNCCR-Propositions-planif-ecologique-Eau-12-2022
- https://www.fnccr.asso.fr/article/des-ambitions-trop-limitees-en-matiere-de-reconquete-de-la-qualite/
Ces documents sont à lire en entier en raison de leur grande richesse.
A suivre.
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