In memoriam d’Agnès B.

Il y a 150 ans, exactement, nous naissait la décision Blanco (Tribunal des conflits, 8 février 1873, n° 00012, au rec.).

Il y 54787 jours, donc, pour réparer les dommages subis par la jeune Agnès Blanco, était reconnue la compétence du juge administratif pour connaître de la responsabilité à raison des dommages causés par des services publics.

 

Source : TC, 8 février 1873, n° 00012. Crédits image : Conseil d’Etat

Une date importante en droit de la responsabilité.

Une étape plus cruciale encore dans la fondation du critère de compétence, sinon du droit administratif, à tout le moins du champ de compétence du juge administratif. Un événement.

Toute cette année (ouvrage ; colloques dont un en l’arène même du Conseil d’Etat…) sera celle de la célébration de cet avènement.

Mais, mes biens chers frères, mes bien chères soeurs, commémorons plutôt sa mort, ou à tout le moins son grand âge fort troublé.

Le critère du service public était déjà fortement débattu (la fameuse controverse Chapus / Amselek de 1968, par exemple) il y a 60 ans.
Il ne sert plus guère à fonder réellement la frontière de compétence du juge administratif. On le retrouve en critère du contrat administratif, mais à côté d’autres (comme la clause exorbitante, bien vivante, comme le CE et le TC l’ont encore récemment montré).
Il sert en droit du domaine public, mais il ne suffit pas (il a un critère complémentaire et un critère alternatif…).
Et ainsi de suite (que l’on pense à la communication des documents administratifs par exemple).  

Les critères des prérogatives de puissance publique ou équivalents n’ont, quant à eux, jamais suffi à fonder, seuls, ni la compétence du juge administratif, ni celle du droit administratif, même s’ils se révèlent souvent très déterminants.

Le critère organique, que l’on a trop hardiment cru mort en 1873 (au moins au lendemain de la décision Peyrot de 1963 et des évolutions du droit européen avec notamment la notion de SIEG), a toutefois survécu. Il continue de n’être qu’un critère, à combiner avec d’autres (en droit des contrats ou de la domanialité, par exemple) voire parfois peut même s’effacer (en matière d’ouvrage public, de communication de documents, voire de contrats, voir ici, là, par ici, et de ce côté-ci, et plus largement par là).

Alors célébrons, célébrons, en ce 8 février 2023.
Mais ne nous trompons pas de Panthéon.

Le monde du droit administratif souvent croit magnifier les formes équilibrées et pures d’un temple grec.

Alors que nous vivons dans l’enceinte bigarrée, rococo, d’une de ces églises du XVIIIe siècle que Rome adore tant, où les styles se combinent et les péristyles s’accumulent sans que l’on sache toujours s’ils soutiennent, ou non, l’édifice.