Services publics aux Antilles : garantir l’accès aux droits (rapport DDD)

La Défenseure des droits (DDD) a diffusé un rapport sur les services publics aux antilles avec la série de recommandations que voici  :

  • Habiter et vivre dans des conditions décentes
    • Mettre en œuvre rapidement les engagements pris sur la remise en état des réseaux d’eau et d’assainissement en Guadeloupe pour garantir un accès à l’eau pour tous les habitants, et améliorer, à court terme, l’équité des tours d’eau ;
    • Compte-tenu des défaillances du service de distribution de l’eau et de sa facturation, prononcer un abandon de créances pour les factures aux particuliers émises avant le 1er janvier 2021, afin de restaurer la confiance de la population dans le service de distribution de l’eau ;
    • Accélérer le processus de renouvellement des compteurs d’eau et procéder au recouvrement des factures des usagers guadeloupéens sur la base d’une relève des compteurs et de l’effectivité du service de distribution de l’eau potable ; 
    • Transmettre aux usagers guadeloupéens le règlement de service du nouveau syndicat pour leur permettre d’y adhérer et améliorer l’information du public sur l’avancement des opérations conduites par le syndicat ; 
    • Unifier le prix de l’eau sur le territoire martiniquais pour assurer l’égalité d’accès des usagers à l’eau potable ;
    • Renforcer les moyens permettant d’analyser sur place la qualité de l’eau prélevée dans le réseau ;
    • Inviter les collectivités territoriales à prendre en charge l’achat d’eau en bouteilles lorsque celle distribuée par les réseaux est impropre à la consommation ; 
    • Demander aux préfets de rappeler aux communes de Guadeloupe et de Martinique l’obligation qui leur incombe d’assurer un niveau de salubrité publique et de qualité de service aux usagers, quel que soit le mode choisi de collecte des ordures ménagères ;
    • Revoir les dispositions législatives et règlementaires définissant l’état de catastrophe naturelle en vue de permettre leur application à la suite de l’échouage de sargasses sur le littoral ;
    • Encourager l’État à engager des discussions avec les compagnies d’assurance pour inclure le risque « sargasses » dans les contrats d’assurance ;
    • Poursuivre les actions d’accompagnement des usagers pour l’accès aux services fiscaux et renforcer l’accompagnement au numérique pour la réalisation des démarches en ligne, tout en conservant un accès physique au guichet ;
    • Accompagner les collectivités territoriales dans l’exercice des différentes prérogatives qui leur sont conférées pour acquérir des biens privés (biens vacants et sans maître, préemption, expropriation), ou pour réorganiser le découpage parcellaire (remembrement), dans les zones à fort potentiel touristique ou social ;
    • Poursuivre l’amélioration de la cartographie du territoire pour actualiser les bases cadastrales et les données d’adressage ;
    • Inviter la Direction générale des finances publiques à renforcer l’appui technique aux services fiscaux de Guadeloupe et de Martinique.
  • Grandir, apprendre et se former
    • Organiser le rattrapage des jours d’école perdus pour garantir le même temps scolaire à tous les enfants ;
    • Mettre en place un système de bus à haut niveau de service pour le transport scolaire ;
    • Créer davantage d’internats pour pallier les défaillances des réseaux de transports en commun et la double insularité de certains territoires antillais ;
    • Encourager les communes à mettre en place un service de restauration scolaire au sein de tous les établissements scolaires primaires dont elles ont la charge ;
    • Garantir l’accès de tous les enfants à la cantine scolaire à un tarif abordable et, ce, quelle que soit la situation administrative de leurs parents au regard du droit au séjour ;
    • Accroître les moyens dédiés à la lutte contre le décrochage scolaire ;
    • Renforcer le lien école-familles, en impliquant davantage les parents dans la vie des écoles et des établissements et en les associant au suivi de la scolarité de leurs enfants, afin de reconnaitre et de valoriser leurs compétences ;
    • Créer davantage d’internats pour renforcer l’accompagnement et le suivi des élèves et mieux prévenir le décrochage scolaire ;
    • Renforcer la formation des enseignants exerçant en Guadeloupe et en Martinique à la question linguistique, aux cultures régionales et à l’histoire des Antilles ;
    • Encourager la prise en compte du plurilinguisme, et notamment du créole, dans les apprentissages aux Antilles ;
    • Permettre l’accès effectif de tous les enfants aux modes d’accueil collectif de la petite enfance, en développant des offres d’accueil flexibles permettant des temps de présence modulables ;
    • Créer prioritairement aux Antilles des Maisons des 1 000 premiers jours pour améliorer la prise en charge et l’accompagnement des jeunes enfants et de leurs parents ;
    • Mieux former les acteurs de l’Éducation nationale aux enjeux de l’école inclusive, à l’accueil des élèves en situation de handicap et à l’utilisation des outils nécessaires à l’évaluation des besoins de l’enfant ;
    • Inscrire, au budget de chaque académie, une enveloppe prévisionnelle pour prendre en compte les notifications d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) intervenant au cours de l’année scolaire.
  • Se déplacer et travailler
    • Améliorer la couverture territoriale en transports publics, en agissant à la fois sur les infrastructures routières, les équipements et l’entretien, et garantir la continuité du service en termes d’amplitude et de régularité des dessertes ;
    • Dresser le bilan des dépenses engagées dans les différents départements et régions d’outremer au titre de la continuité territoriale, afin d’objectiver d’éventuelles différences de traitement ;
    • Permettre à LADOM de faciliter, via des subventions, des mobilités qui ne sont aujourd’hui pas couvertes par ses programmes (mobilités dans la zone Caraïbes et mobilité entre les îles de l’archipel de la Guadeloupe) et étendre son action à l’accompagnement des personnes originaires des territoires ultra-marins souhaitant y revenir travailler ;
    • Encourager le recours à des médiateurs de rue, en partenariat avec les agences de Pôles emploi et les missions locales, pour mieux faire connaître aux publics éloignés de l’emploi, et notamment aux jeunes, les possibilités qui leur sont ouvertes en matière de formation et d’accès au marché du travail ;
    • Développer l’offre locale de formation et créer des internats d’apprentis pour rapprocher les centres de formation des lieux de stage et pallier les difficultés de transports et d’hébergement auxquelles les jeunes sont confrontés ;
    • Construire un partenariat entre Pôle emploi, des associations comme « Alé Viré » et « Alé Véni » et les services régionaux, pour faciliter et accompagner le retour des personnes originaires des territoires ultra-marins souhaitant y revenir à l’issue de leur formation ;
    • Renforcer l’aide au voyage dans l’hexagone en vue d’une formation pour les jeunes qui s’engageraient à revenir travailler sur un emploi identifié dans les outremers ;
    • Encourager l’organisation de concours aux emplois publics avec affectation locale dans les territoires ultra-marins.
  • Se soigner
    • Rééquilibrer l’offre de soins sur les territoires guadeloupéen et martiniquais par le développement du lien Ville-Hôpital et des partenariats entre établissements de santé pour améliorer l’accès aux spécialités médicales en tension ;
    • Engager des réflexions sur l’appui des professions paramédicales, et notamment des infirmiers en pratique avancée (IPA), pour améliorer le maillage territorial en santé, l’accès aux soins et le suivi des patients ;
    • Revoir les plans de desserte des transports publics pour garantir l’accès physique des établissements de santé ;
    • Engager une évaluation du surcoût de l’exercice médical aux Antilles dans la perspective d’une refonte du coefficient géographique pour la tarification des actes ;
    • Faciliter l’affiliation à la sécurité sociale des médecins étrangers pour garantir l’effectivité du dispositif PADHUE (Praticiens diplômés hors UE) en prévoyant un circuit dédié au sein de la CGSS ;
    • Renforcer la démocratie en santé en associant davantage les usagers et leurs représentants dans la gouvernance et dans le fonctionnement quotidien des établissements de santé ;
    • Renforcer la formation des personnels de santé au respect des droits des usagers ;
    • Poursuivre le dialogue avec les personnels de santé opposés à la vaccination en proposant un accompagnement vers la réorientation professionnelle ;
    • Améliorer la communication en santé publique pour mieux l’adapter aux enjeux locaux ;
    • Renforcer les moyens des structures de permanences d’accès aux soins de santé (PASS) pour les personnes les plus précaires et celles qui n’ont pas d’ouverture de droits sociaux du fait de l’irrégularité de leur situation administrative au regard du droit au séjour ;
    • Inviter le Conseil de l’ordre des médecins à conduire de nouvelles campagnes de sensibilisation à la prévention des refus de soins discriminatoires auprès des médecins ;
    • Renforcer la présence de médiateurs au sein des établissements de santé pour améliorer l’accompagnement des personnes les plus vulnérables et l’information plurilingue du public ;
    • Améliorer la coordination des acteurs de santé et des travailleurs sociaux pour la prise en charge des personnes en situation d’errance ; 
    • Renforcer la communication sur le dépistage de la présence de chlordécone dans le sang en associant les médecins prescripteurs et en adaptant l’information délivrée au public par l’usage du plurilinguisme ;
    • Renforcer l’information du public sur la procédure d’indemnisation des victimes de pesticides ; y Engager des actions pour aller vers les populations identifiées comme prioritaires et les accompagner dans leurs démarches de reconnaissance et d’indemnisation.
  • Faire valoir ses droits
    • Poursuivre le déploiement des espaces France services sur les territoires antillais en garantissant la présence effective des organismes partenaires et développer des solutions itinérantes pour aller vers les populations les plus éloignées des lieux d’accès aux droits ;
    • Réaliser une cartographie des acteurs qui accueillent le public pour les sensibiliser à la lutte contre l’illettrisme et leur permettre d’identifier de telles situations pour garantir un accompagnement optimal des personnes concernées dans la réalisation de leurs démarches administratives ;
    • Renforcer la formation initiale et continue des travailleurs sociaux et des agents d’accueil des services publics à l’usage numérique, à la détection des publics en difficulté, aux spécificités linguistiques de la population antillaise et à leur accompagnement ;
    • Demander la désignation d’un opérateur chargé de fournir le service universel des communications électroniques dans les territoires d’Outre-mer, en raison des tarifs pratiqués et de la quasi-absence de concurrence dans ces territoires, n’offrant pas aux utilisateurs une gamme de prix suffisante, conformément aux articles L. 35-2 et L. 35-3 du code des postes et des communications électroniques ;
    • Inviter l’opérateur le plus implanté aux Antilles à étendre aux territoires ultra-marins la tarification sociale qu’il propose aux usagers métropolitains ;
    • Renforcer les moyens des juridictions antillaises pour multiplier les audiences foraines, renforcer la présence du service public de la justice au sein des espaces France services et développer les « Justibus » afin de rendre justice au plus près des justiciables ;
    • Renforcer le réseau des conciliateurs de justice dans ces territoires ;
    • Adapter la tarification de l’aide juridictionnelle au surcoût de l’exercice des avocats aux Antilles ;
    • Rappeler au sein de chaque commissariat et gendarmerie, l’obligation légale de recevoir toutes les plaintes sans exiger la présentation de documents spécifiques ou de justificatifs préalablement à l’enregistrement de la plainte ;
    • Inviter le conseil départemental de Guadeloupe, l’agence régionale de santé ainsi que les services préfectoraux à réaliser conjointement un bilan de la protection de l’enfance sur le territoire afin de s’assurer de la mise en œuvre effective des instances et mesures prévues par la loi, en lien avec les autorités judiciaires, et de garantir le droit des enfants et des jeunes à la sécurité, à la santé physique et mentale et à l’éducation ;
    • Accroître le nombre de places d’accueil dans les dispositifs d’hébergement pour femmes victimes de violences ;
    • Engager un plan d’action exceptionnel pour résorber le stock de dossiers en souffrance au sein de la préfecture de Martinique ;
    • Rappeler aux préfectures la présomption d’authenticité des documents d’état civil.
  • Vieillir
    • Prévoir que la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) fournisse des effectifs en renfort à la CGSS de Martinique et mettre en place des dispositifs exceptionnels, sur le modèle de ceux adoptés l’an passé par la CGSS de Guadeloupe, pour résorber le stock de demandes de pension de retraites en attente de traitement ;
    • Encourager la pratique de la liquidation provisoire pour les assurés en situation de grande vulnérabilité économique dans l’attente de la liquidation définitive de leur pension ;
    • Engager une réflexion sur la mise en commun des données personnelles des usagers entre les différentes branches des caisses, dans le respect du règlement général sur la protection des données, pour mettre en œuvre au sein des caisses le principe « Dites-le nous une fois » ;
    • Aller vers les usagers en prévoyant une présence renforcée des CGSS au sein des espaces France services en Guadeloupe et en Martinique pour améliorer l’accès des usagers aux caisses ;
    • Lutter contre le non-recours aux droits en développant des partenariats avec les CCAS des communes, les CAF, les agences Pôle emploi et les associations de terrain pour multiplier les relais et renforcer l’information sur les droits sociaux ;
    • Renforcer l’accompagnement humain dans la conduite des procédures dématérialisées pour l’exercice des droits sociaux ;
    • Améliorer la formation des agents en charge de l’accueil au sein des structures d’accès aux droits à la lutte contre les discriminations à raison de l’âge ;
    • Mettre en œuvre un plan en faveur de l’attractivité des métiers du grand âge visant à faire face aux tensions constatées quant aux difficultés de recrutements dans le secteur médico-social ;
    • Mieux adapter les politiques en direction des personnes âgées en perte d’autonomie aux attentes des populations antillaises en renforçant l’offre domiciliaire et en soutenant davantage les aidants familiaux.

 

VOICI CE RAPPORT, préparé sous la direction de George Pau-Langevin, adjointe chargée de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité, et de Daniel Agacinski, délégué général à la médiation, et avec l’appui de Christelle Cardonnet, cheffe du pôle régional Antilles-Guyane, et de Mariam Chadli, conseillère au secrétariat général, à la suite de plus de 50 entretiens conduits sur place  :

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