Restauration scolaire et repas végétariens : la crise sanitaire n’excuse pas la crise de régime alimentaire

Restauration scolaire : le juge vient de censurer le principe du menu unique végétarien quotidien, imposé par une commune pendant la crise sanitaire. Faute d’être, selon les canons légaux, le repas unique végétarien quotidien prévu pendant cette période était illégal, vient de trancher le TA de la capitale des Gaules. 


 

Lyon, capitale de la gastronomie, se fait rétorquer pour des questions d’équilibre alimentaire. Un comble.

Pour tenir compte du nouveau protocole sanitaire du 28 janvier 2021 concernant les cantines scolaires, la ville de Lyon a apporté plusieurs modifications à l’organisation des cantines gérées par la ville. Sur la période du 22 février au 2 avril 2021, elle a en particulier prévu la suppression de plats principaux à base de viande, afin de maintenir l’accueil de tous les enfants au service de restauration scolaire. Cette décision a été révélée par un courriel adressé aux parents d’élèves.

Un collectif de parents d’élèves, ainsi que la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles du Rhône (FDSEA) a saisi le tribunal d’une demande d’annulation de cette décision.

Le tribunal a tout d’abord rappelé les dispositions applicables, en particulier celles de l’arrêté du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire, dont il résulte qu’au cours d’un cycle de vingt repas successifs et afin de garantir les apports en fer et oligoélément des enfants, il convient de proposer au moins quatre repas avec des viandes non hachées de bœuf, veau, agneau ou des abats de boucherie :

« 6. Aux termes de l’article L. 230-5 code rural et de la pêche maritime : «Les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire et universitaire ainsi que des services de restauration des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires sont tenus de respecter des règles, déterminées par décret, relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu’ils proposent et de privilégier, lors du choix des produits entrant dans la composition de ces repas, les produits de saison. (…). ». Aux termes de l’article D. 230-25 du même code : « Afin d’atteindre l’objectif d’équilibre nutritionnel des repas servis par les services de restauration scolaire et par les services de restauration universitaire traditionnelle, sont requis, conformément à l’article L. 230-5 : / 1°Quatre ou cinq plats proposés à chaque déjeuner ou dîner, dont nécessairement un plat principal avec une garniture, et un produit laitier ; / 2° Le respect d’exigences minimales de variété des plats servis ; 3° La mise à disposition de portions de taille adaptée ; / 4° La définition de règles adaptées pour le service de l’eau, du pain, du sel et des sauces. / (…). ». Aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire : « (…) / La variété des repas est appréciée sur la base de la fréquence de présentation des plats servis au cours de 20 repas successifs selon les règles fixées à l’annexe I du présent arrêté. / (…). ». Aux termes de l’annexe I de cet arrêté : « (…) / Pour garantir les apports en fer et en oligoéléments, il convient de servir : / ― au moins 4 repas avec, en plat protidique, des viandes non hachées de bœuf, veau, agneau ou des abats de boucherie ; / (…). ».

Le TA de Lyon constate ensuite que le menu unique mis en place par la ville de Lyon à partir du 22 février 2021 et jusqu’au 2 avril 2021, soit vingt-deux repas successifs, ne comportait aucun plat protidique composé de viande.

NB : il est à rappeler que les repas végétariens sont légaux à la condition de n’être pas la seule offre (c’est souvent un moyen aisé de contourner les délicates polémiques liées aux repas à contraintes religieuses). Mieux : le repas végétarien hebdomadaire a été rendu expérimentalement obligatoire une fois par semaine par la loi Egalim (puis le droit a évolué depuis : voir nos nombreux articles à ce sujet, ici).

Relevant en outre que les dispositions législatives et règlementaires adoptées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire n’ont pas institué de dérogation aux obligations des services gestionnaires de cantines scolaires prescrites par l’arrêté du 30 septembre 2011, le tribunal écarte l’argumentation de la ville de Lyon tenant à l’incohérence de ses dispositions avec les connaissances nutritionnelles actuelles et à l’absence de carences nutritionnelles induites par cette modification temporaire. Il considère enfin que les difficultés organisationnelles invoquées par la ville de Lyon ne constituaient pas, non plus, des circonstances exceptionnelles permettant de déroger aux dispositions fixées par cet arrêté.

Le tribunal juge en conséquence la requête fondée et prononce l’annulation de la décision du maire de la ville de Lyon de ne pas proposer temporairement de plats à base de viande dans les restaurants scolaires à compter du 22 février 2021.

Source :

TA Lyon, 23 mars 2023, n° 2101388 – 2101390