Même dans les agglomérations d’assainissement dépassant le seuil de 120 Kg/j., il est possible de prévoir de rester en ANC pour des raisons environnementales, sanitaires ou financières

Source : maquette du SDEA d'Alsace Moselle (photographie coll. personnelle)

Il est bien possible, légalement, de trouver des situations où un assainissement collectif (AC) :

  • ne se justifie pas au sens de l’article R. 2224-7 du CGCT (mise en assainissement non collectif — ANC — des parties du territoire où l’AC SOIT ne présente pas d’intérêt pour l’environnement et la salubrité publique, SOIT serait d’un coût excessif).
  • même quand le passage à l’AC semble imposé par l’article R. 2224-10 de ce même code (« il résulte de l’article R. 2224-10 du CGCT que lorsque tout ou partie du territoire d’une commune est compris dans une agglomération d’assainissement, au sens de l’article R. 2224-6 du même code, dont les populations et les activités économiques produisent des eaux usées dont la charge brute de pollution organique est supérieure à 120 kg par jour, la commune est tenue d’équiper cette partie du territoire d’un système de collecte des eaux usées.»)

NB : ce problème est à distinguer des cas où on est en zone d’AC mais où individuellement une construction devra en passer par un ANC au titre de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme. 

 

 

En 2014, le Conseil d’Etat avait clairement rappelé que l’autorité communale ou intercommunale compétence va fixer la frontière entre zonages d’assainissement collectif (AC) et non collectif (SPANC) en tenant compte :

  • de la concentration de la population et des activités économiques productrices d’eaux usées sur leur territoire,
  • de la charge brute de pollution organique présente dans les eaux usées,
  • ainsi que des coûts respectifs des systèmes d’assainissement collectif et non collectif et de leurs effets sur l’environnement et la salubrité publique.

Cela résulte des articles L. 2224-10, R. 2224-6 à R. 2224-10 et R. 2224-19 du code général des collectivités territoriales (CGCT)

Mais dans cette même décision de 2014, ledit Conseil d’Etat précisait qu’en revanche :

« il résulte de l’article R. 2224-10 du CGCT que lorsque tout ou partie du territoire d’une commune est compris dans une agglomération d’assainissement, au sens de l’article R. 2224-6 du même code, dont les populations et les activités économiques produisent des eaux usées dont la charge brute de pollution organique est supérieure à 120 kg par jour, la commune est tenue d’équiper cette partie du territoire d’un système de collecte des eaux usées.»
Source : Conseil d’État, 17 octobre 2014, 364720

En même temps, ce n’est pas parce qu’un bien se trouve en zone AC qu’il sera raccordé à l’AC. On peut rester en SPANC.

NB : point qui souvent soulève des difficultés au stade des actes notariés. Voir par exemple ici et .

Le fait de rester, ainsi, en ANC en zone qui est, ou qui semblerait devoir être, en zone AC… peut tenir :

  • au projet, lequel « peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations » (article R. 111-2 du Code de l’urbanisme par exemple : voir ici cet article ; cf. également l’usage qui peut être fait — ou non — de ce même article pour l’eau en cas d’insuffisance de la ressource, notre vidéo ici ; voir aussi pour ce qui est de s’opposer au raccordement du réseau d’assainissement en cas de construction ou transformation irrégulière : CE, 23 novembre 2022, Commune d’Esbly, req., n° 459043. Pour lire l’arrêt, cliquer ici. Pour voir l’article de mon associé N. Polubocsko à ce sujet, voir là. Puis voir une application intéressante avec CAA de Marseille, 6 avril 2023, n° 20MA00172)
  • ou à l’application de l’article R. 2224-7 du CGCT, lequel permet aux communes et EPCI de placer en zones d’assainissement non collectif les parties de leur territoire dans lesquelles l’installation d’un système de collecte des eaux usées ne se justifie pas, soit parce qu’elle ne présente pas d’intérêt pour l’environnement et la salubrité publique, soit parce que son coût serait excessif.

 

Dans cette dernière hypothèse, il pouvait sembler que demeurait une sorte de paradoxe :

  • d’un côté quand dans l’agglomération d’assainissement, au sens de l’article R. 2224-6 du même code, les populations et les activités économiques produisent des eaux usées dont la charge brute de pollution organique est supérieure à 120 kg par jour… le CGCT (R. 2224-10) et le juge (arrêt 364720, précité) IMPOSENT l’AC ( car en pareil cas « la commune est tenue d’équiper cette partie du territoire d’un système de collecte des eaux usées
  • d’un autre côté, comme nous venons de le voir, l‘article R. 2224-7 du CGCT, lequel permet aux communes et EPCI de placer en zones d’assainissement non collectif les parties de leur territoire dans lesquelles l’installation d’un système de collecte des eaux usées ne se justifie pas, soit parce qu’elle ne présente pas d’intérêt pour l’environnement et la salubrité publique, soit parce que son coût serait excessif.

Quand le seuil de 120 Kg/j est atteint, peut-on encore appliquer les souplesses (relatives) de l’article R. 2224-7 du CGCT ou bien, en pareil cas, ces dernières cèdent-elles le pas ?

Le Conseil d’Etat vient de trancher ce débat de manière claire et, ce, dans le sens de la souplesse : il est légalement possible de trouver des situations où un AC ne se justifie pas au sens de l’article R. 2224-7 du CGCT même quand est atteint le seuil de 120 Kg/jour de l’article R. 2224-10 de ce même code.

… et c’est heureux car en sus d’être une solution commode et, même, indispensable pour les services, il s’avère que, sinon, l’enchaînement des textes eût été illogique (le principe même de la rédaction de l’article R. 2224-7, précité, vise à ce que celui-ci s’applique dans les zones où l’AC est par défaut obligatoire, et non lorsque son usage est facultatif car sinon cet article serait inutile).

Il est d’ailleurs à rappeler que ces contraintes techniques site par site sont à prendre en compte aussi pour ce qui est du « délai raisonnable » de mise en oeuvre de l’AC :

« après avoir délimité une zone d’assainissement collectif, les communes, ou les EPCI compétents, sont tenus, tant qu’ils n’ont pas modifié cette délimitation, d’exécuter dans un délai raisonnable les travaux d’extension du réseau d’assainissement collectif afin de le raccorder aux habitations qui sont situées dans cette zone et dont les propriétaires en ont fait la demande. Ce délai doit s’apprécier au regard des contraintes techniques liées à la situation topographique des habitations à raccorder, du coût des travaux à effectuer et du nombre et de l’ancienneté des demandes de raccordement.»
Conseil d’État,
24 novembre 2017, 396046

NB : voir aussi, en eau potable, puisque depuis la LEMA (loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006), un tel schéma existe aussi en AEP (alimentation en eau potable), avec une position jurisprudentielle nuancée y compris en l’absence d’un tel schéma. Voir CE, 26 janvier 2021, n° 431494,à publier en intégral au recueil Lebon

 

Source :

Conseil d’État,13 juillet 2023, n° 454945, aux tables du recueil Lebon

 

VOIR AUSSI CETTE VIDÉO :

Voici tout d’abord une vidéo de 5 mn 34 :

https://youtu.be/jBkYV9pT2HM

 

 

Source : maquette du SDEA d’Alsace Moselle (photographie coll. personnelle)