Suspension d’un agent public : rappel des conditions de son prononcé et précision sur son articulation avec un congé de maladie

Par un arrêt M. B. c/ Cour des comptes en date du 22 juin 2023 (req. n° 467598), le Conseil d’État rappelle les règles générales régissant le prononcé d’une mesure de suspension d’un agent public, et, plus particulièrement, précise son articulation avec le régime du congé de maladie.

En l’espèce, M. B…, conseiller référendaire à la Cour des comptes, a fait l’objet d’une suspension, par un décret du Président de la République du 4 mai 2021 pris sur le fondement de l’article L. 124-10 du code des juridictions financières, pour des faits d’exhibition sexuelle qu’il aurait commis dans son bureau de la Cour des comptes. Il a été rétabli dans ses fonctions à l’issue de la période de suspension de quatre mois, en septembre 2021. Puis, à la suite de sa condamnation par le tribunal correctionnel de Paris pour les mêmes faits, par un jugement du 6 juillet 2022, le Président de la République a, par un décret du 18 juillet 2022, de nouveau suspendu l’intéressé sur le fondement des mêmes dispositions. M. B… a ensuite été placé en congé de maladie du 25 août au 11 décembre 2022. Par un décret du 19 décembre 2022, le Président de la République l’a, une nouvelle fois, suspendu de ses fonctions, en application des mêmes dispositions.

Par deux requêtes, M. B… a demandé au Conseil d’État l’annulation pour excès de pouvoir des deux décrets des 18 juillet et 19 décembre 2022, ainsi que de la décision du premier président de la Cour des comptes refusant de donner au décret du 18 juillet 2022 un effet différé.

En premier lieu, le Conseil d’État applique à la suspension d’un magistrat de la Cour des comptes prévue par l’article L. 124-10 du code des juridictions financières (CJF) les règles générales applicables, à savoir :

– que la mesure de suspension susceptible d’être prise à l’égard d’un magistrat de la Cour des comptes revêt le caractère non d’une sanction disciplinaire, mais d’une mesure conservatoire prise dans l’intérêt du service ;

– qu’elle n’est pas au nombre des décisions qui doivent obligatoirement être motivées et avant l’intervention desquelles le magistrat concerné doit être mis à même de consulter son dossier ;

– qu’une telle mesure peut être prononcée lorsque les faits imputés au magistrat présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l’intéressé au sein de la Cour des comptes présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours ;

– qu’une telle décision n’est dès lors pas au nombre de celles pour lesquelles une procédure contradictoire, propre à assurer le respect des droits de la défense, doit être préalablement mise en œuvre.

En second lieu, le Conseil d’État rappelle comment se combine la suspension avec le régime du congé de maladie :

– dans le cas où une mesure de suspension intervient alors qu’un magistrat de la Cour des comptes se trouve en congé de maladie, cette suspension n’entre en vigueur qu’à compter de la date à laquelle ce congé prend fin ;

– symétriquement, le placement en congé de maladie d’un magistrat postérieurement à la suspension prononcée sur le fondement de l’article L. 124-10 du CJF met nécessairement fin à cette mesure de suspension.

En outre, il précise que lorsqu’il est mis fin à la suspension au motif que l’agent est placé en congé de maladie, la décision qui le suspend à nouveau de ses fonctions à l’expiration dudit congé, n’est pas la prolongation d’une mesure de suspension antérieure, mais une nouvelle mesure de suspension.

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2023-06-22/467598