Qu’est-ce qu’une formation adaptée pour les élus locaux ?

Formation assurée à Luisant pour l'Association des Maires (je crois), par mon associé N. Polubocsko il y a... fort longtemps.

Voici le tableau, impressionniste et impressionnant, des tâtonnements du juge sur ce qu’est, ou non, une formation adaptée pour les élus locaux … 


 

Nul ne doute de l’importance de mieux former les élus locaux. Et, souvent, de les former tout simplement. Mais le droit sur ce point reste complexe avec :

  • une diversité des régimes applicables, avec une fusion des deux principaux régimes autour du nouveau DIFE (droit individuel à la formation des élus locaux)
  • un big bang opéré par l’ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021, avec ensuite des textes immédiats d’application en février et mai 2021, suivi par la circulaire du 7 juillet 2021 relative à la phase transitoire pour les organismes de formation , puis une réforme aux JO du 27 juillet 2021, complétée par une normalisation de la situation des CAUE en ce domaine à  compter de 2023.

 

Voir à ces sujets :

 

On notera que peuvent être acteurs de ce régime comme sous-traitant des organismes de formation agréés des avocats, mais pas les associés de sociétés d’avocats dotés de plusieurs sociétés (sauf à ce que ladite société demande elle aussi son agrément) :

 

Une nomenclature officielle a été imposée pour ces formations. Pas uniquement pour l’exercice de ce sport national consistant à tout catégoriser, contingenter, juridiciser, mais aussi pour la raison ô combien plus légitime de permettre par une plate-forme en ligne à tous les élus de choisir leurs formations, de comparer les offres.
Voir sur ce point :

 

Voici quelques jurisprudences relatives aux formations qui sont considérées comme étant, ou n’étant pas, adaptées à la formation des élus. 

Il faut distinguer en droit le cadre des formations dans le cadre issu de la loi de 1992, modifié de nombreuses fois, puis celles du DIFE (droit individuel à la formation des élus), d’autre part, avec ensuite un cadre réformé et relativement unifié, désormais, pour ces formations.

Reste que pour ce qui est du lien avec la formation des élus, le cadre reste comparable.

Or, l’agrément ministériel, requis pour ces formations (après instruction par le CNFEL) peut sur ce point donner lieu à des contentieux surprenants.

Citons par exemple un surprenant jugement du TA de Lyon

« Considérant que les formations proposées par la société Jurispublic concernent principalement les aspects juridiques de la gestion des collectivités locales ; que, dès lors, le ministre de l’Intérieur était fondé à estimer qu’un tel programme présentait un caractère étroit et très spécialisé et qu’il n’était pas en adéquation avec les besoins de formation des élus locaux »
(TA Lyon, 30 avril 2002, Société Jurispublic, req. n° 9902476).

Le droit des collectivités locales n’est donc pas au programme des élus locaux. On voit ensuite les résultats. Ou… comment un jugement digne de figurer dans un bêtisier conduit, sur le terrain, à la multiplication des bêtises elles-mêmes.

D’autres décisions de Justice seront moins surprenantes :

  • « la SARL Formatic a sollicité l’agrément prévu par les dispositions de l’article L. 1221-1 du code général des collectivités territoriales en vue de dispenser une formation à l’utilisation de logiciels  ; que cette formation de caractère général ne vise pas à répondre aux besoins spécifiques des élus locaux  ; que, dès lors, c’est à tort que, pour annuler le refus d’agrément en litige, le Tribunal administratif de Strasbourg s’est fondé sur le motif tiré de ce que le MINISTRE DE L’INTERIEUR avait commis une erreur manifeste d’appréciation  ; »
    CAA Nancy, 18 nov. 2004, n° 04NC00440.
  • « la formation d’une journée dont M. X a bénéficié le 24 janvier 2009 et dont il s’est acquitté du règlement, consacrée à la création de la communauté urbaine du Grand Toulouse a été dispensée par Me B., avocat, bénéficiaire d’un agrément ministériel du 3 juillet 2008 ; que cette formation était adaptée au besoin des élus ; que son coût de 290 €, qui comprenait la formation en elle-même, le coût du repas et de la location de la salle, ne peut être regardé comme excessif ; qu’il est constant que la prise en charge de ces frais de formation n’aurait pas eu pour effet de dépasser l’enveloppe de 10.000 € des dépenses de formation autorisée par le budget ni à fortiori le plafond de 19.000 € prévu par les dispositions de l’article L. 2123-14 du code général des collectivités territoriales ; que la circonstance selon laquelle un autre organisme de formation également bénéficiaire de l’agrément ministériel délivrerait des formations sur le même thème à un coût inférieur, ne saurait avoir pour effet de priver les élus du droit de choisir une autre formation dès lors qu’elle répond aux conditions susmentionnées ; »
    CAA Bordeaux, 9 nov. 2010, n° 10B00364.
  • « Considérant, en premier lieu, qu’il ressort de l’instruction, tout d’abord que l’organisme formateur en cause dénommé « formation et citoyenneté » bénéficie depuis le 7 avril 2010 de l’agrément du ministère de l’intérieur prévu par l’article R. 2123-12 du code général des collectivités territoriales précité ; que la circonstance que l’autre organisme, dénommé FDC (« formateur des collectivités »), associé au premier dans la dispense de formation, n’ait pas cet agrément est, en tout état de cause, sans incidence sur l’éligibilité de la formation à la prise en charge ; qu’ensuite, il ne saurait être sérieusement contesté, contrairement à ce que soutient la commune appelante qui ne peut valablement se plaindre d’un quelconque renversement de la charge de la preuve, et nonobstant la candidature de M. Lavisse aux élections cantonales, que les premiers juges ont procédé à une analyse du contenu de la formation en litige relevant de manière générale le caractère adapté de celle-ci aux fonctions de conseiller municipal, dès lors qu’elle se donnait pour objectif essentiel de « donner la priorité aux services publics, défendre la laïcité et promouvoir l’écologie : faisons la preuve par l’exemple » ; qu’à l’exception du dernier thème consacré aux priorités programmatiques pour les élections cantonales, les quatre autres thèmes dont « faire vivre la laïcité en collectivités locales », « pouvoir et compétences des collectivités territoriales à l’aune d’une réforme gouvernementale », « comment mettre en place une régie publique de l’eau », « critères de conditionnalité écologique et sociale dans les politiques et les aides publiques » présentaient une incontestable utilité pour le fonctionnement du conseil municipal ; qu’enfin le maire ne soutient, ni même n’allègue que ladite formation entraînerait une dépense excessive ou excédant le montant de l’enveloppe budgétaire allouée à ce titre ; que, dans ces conditions, le maire, qui ne tient pas des dispositions précitées le pouvoir de limiter le droit à la formation des élus pour d’autres motifs, a entaché sa décision d’une erreur de droit ; »
    CAA Marseille, 29 déc. 2014, n° 13MA00626.
  • etc.

 

On le voit : s’impose au delà de la nomenclature susmentionnée, pour le DIFE, une analyse au cas par cas, très subjective, en ce domaine… en pratique, on constate que les formations en matière de communication municipale, par exemple, sont acceptées en début de mandat et refusées en fin de mandat, pour cause de risque (réel) d’usage non pas municipal, mais électoral. S’impose donc une grande vigilance dans les programmes, y compris les détails de ceux-ci, au stade de l’agrément comme des décisions individuelles. 

NB : attention le DIFE peut aussi désormais servir financer des formations contribuant, pour l’élu, « à sa réinsertion professionnelle à l’issue du mandat ». 

 

Formation assurée à Luisant pour l’Association des Maires (je crois), par mon associé N. Polubocsko il y a… fort longtemps.