Urbanisme et environnement : y’a presque plus de trous dans la clause filet !

 

Le juge administratif, qui autrefois avait sanctionné l’existence de trous dans ce régime, vient de confirmer que le régime actuel de clause filet, aux confluences du droit de l’environnement et des règles de l’urbanisme, était désormais bien ficelé. Il a surtout apporté d’importantes précisions sur cette articulation entre urbanisme et environnement :

  • ce régime s’applique de manière plus large (notamment en matière d’ICPE) que ce qui était parfois pratiqué. Sur ce point, les formulations de rejet du Conseil d’Etat seront à brandir par certains requérants… 
  • « le délai d’instruction de [la] demande ou […]  déclaration [est] suspendu jusqu’à la date de réception par l’autorité compétente en matière d’urbanisme du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête ou, le cas échéant, de la synthèse des observations du public »
  • lorsqu’une déclaration préalable au titre du code de l’urbanisme est soumise à évaluation environnementale à la suite d’une décision de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, saisie par l’autorité compétente pour statuer sur cette déclaration dans le cadre de la mise en oeuvre de la  » clause-filet « , la décision de non-opposition à cette déclaration ne peut être qu’explicite… ce qui est le seul point, opéré par le Conseil d’Etat, de censure du décret de 2022. 

Le filet est donc rapiécé. Ses trous ne sont plus béants. Mais son usage s’avère si malaisé que sa compatibilité avec les droits européen et internationaux reste incertaine… 

 

Plan de l’article :

  • I. Le lent tricotage de la clause filet 
    • I.A. La laborieuse constitution du régime de la « clause filet »
      • I.A.1. L’obligation d’une « évaluation environnementale [des] projets susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine »
      • I.A.2. Le décret du 25 mars 2022
      • I.A.3. La décision du Conseil d’Etat en date du 20 janvier 2023
    • I.B. Délicate articulation avec l’urbanisme
      • I.B.1. Doctrine administrative 
      • I.B.2. Textes 
  • II. Une délicate articulation avec les demandes de pièces en urbanisme, point sur lequel le Conseil d’Etat vient de rendre une décision notable
      • II.A. Apports de la nouvelle décision en matière de droit de l’environnement
      • II.A.1. Confirmation de principe 
      • II.A.2. Confirmation de certains points où la pratique s’éloignait de l’interprétation rappelée par la Haute Assemblée 
    • II.B. Importantes confirmations en matière d’urbanisme 
      • II.B.1. La procédure s’en trouve précisée. Notamment, « le délai d’instruction de [la] demande ou […]  déclaration [est] suspendu jusqu’à la date de réception par l’autorité compétente en matière d’urbanisme du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête ou, le cas échéant, de la synthèse des observations du public ».
      • II.B.2. De plus, lorsqu’une déclaration préalable au titre du code de l’urbanisme est soumise à évaluation environnementale à la suite d’une décision de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, saisie par l’autorité compétente pour statuer sur cette déclaration dans le cadre de la mise en oeuvre de la  » clause-filet « , la décision de non-opposition à cette déclaration ne peut être qu’explicite…
  • ANNEXE 1 : voici cette nouvelle décision du Conseil d’Etat
  • ANNEXE 2 : vidéo à ce sujet 

 

Allez, partons ensemble à la pêche aux informations :

 

I. Le lent tricotage de la clause filet 

La laborieuse constitution du régime de la « clause filet (I.A.) a fini, étape par étape, par résorber les trous dans le dispositif, non sans difficultés persistantes à combiner celui-ci avec l’entrelacs du droit de l’urbanisme (I.B.). 

 

 

I.A. La laborieuse constitution du régime de la « clause filet »

I.A.1. L’obligation d’une « évaluation environnementale [des] projets susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine »

 

En avril 2021, nous signalions que le Conseil d’Etat avait, en raison de l’évolution du droit européen notamment, posé que « tout projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine devra désormais être soumis à une évaluation environnementale

… ce qui condamnait le régime d’alors de nomenclature ne permettant pas de soumettre à évaluation environnementale tous les projets qui le nécessiteraient.

Citons, sur ce point, et — donc — déjà en ce sens, une décision de la CJUE de 2011 (voir notamment le point 50 ci-dessous) :

« 48 Par son grief relatif à la réglementation de la Région flamande, la Commission invoque une absence de transposition correcte et complète de l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 85/337, lu en combinaison avec les annexes II et III de celle-ci, en tant que l’arrêté flamand prévoit, en ce qui concerne les catégories de projets visées à l’annexe II de ce dernier, que l’autorité compétente doit décider au cas par cas si une évaluation des incidences sur l’environnement doit être effectuée, mais uniquement pour les projets dépassant certains seuils. À cet égard, elle constate que, dans ladite réglementation, ces seuils ont été fixés compte tenu non pas de l’ensemble des critères mentionnés à l’annexe III de cette directive, mais eu égard au seul critère relatif à la dimension du projet.
«
49 Or, les États membres doivent donner à la directive 85/337 une exécution qui corresponde pleinement aux exigences qu’elle pose compte tenu de son objectif essentiel, qui est, ainsi que cela résulte de son article 2, paragraphe 1, que, avant l’octroi d’une autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences (arrêts du 19 septembre 2000, Linster, C‑287/98, Rec. p. I‑6917, point 52, et du 23 novembre 2006, Commission/Italie, C‑486/04, Rec. p. I‑11025, point 36).
« 50 En effet, un projet de dimension même réduite peut avoir des incidences notables sur l’environnement et il ressort d’une jurisprudence constante que les dispositions de la législation de l’État membre qui prévoient l’évaluation de l’impact environnemental de certains types de projets doivent aussi respecter les exigences énoncées à l’article 3 de la directive 85/337 et prendre en compte l’effet du projet sur l’homme, la faune et la flore, le sol, l’eau, l’air ou le patrimoine culturel (voir arrêts du 13 juin 2002, Commission/Espagne, C‑474/99, Rec. p. I‑5293, point 32, et du 15 octobre 2009, Commission/Pays-Bas, C‑255/08, point 30).
« 51 Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 85/337 prévoit que, pour les projets énumérés à l’annexe II de cette dernière, les États membres déterminent, sur la base soit d’un examen au cas par cas, soit des seuils ou des critères fixés par l’État membre concerné, si ces projets doivent être soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement conformément aux articles 5 à 10 de cette directive. Selon le second alinéa du même paragraphe 2, les États membres peuvent aussi décider d’appliquer les deux procédures prévues au premier alinéa de celui-ci.
« 52 Il résulte également d’une jurisprudence constante que, lorsque les États membres ont décidé de recourir à la fixation de seuils et/ou de critères, la marge d’appréciation qui leur est ainsi conférée trouve ses limites dans l’obligation, énoncée à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337, de soumettre, avant l’octroi d’une autorisation, à une étude d’incidences les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation (arrêts du 20 novembre 2008, Commission/Irlande, C‑66/06, point 61 et jurisprudence citée, ainsi que Commission/Pays-Bas, précité, point 32).
« 53 Il convient aussi de souligner que, en application de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 85/337, les États membres ont l’obligation de tenir compte, pour la fixation desdits seuils ou critères, des critères de sélection pertinents énoncés à l’annexe III de celle-ci (arrêts précités Commission/Irlande, point 62, et Commission/Pays-Bas, point 33).
« 54 Parmi ces derniers critères, ladite annexe distingue, en premier lieu, les caractéristiques des projets, qui doivent être considérées notamment par rapport à la dimension du projet, au cumul avec d’autres projets, à l’utilisation des ressources naturelles, à la production de déchets, à la pollution et aux nuisances ainsi qu’au risque d’accidents, en deuxième lieu, la localisation des projets, de sorte que soit prise en considération la sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d’être affectées par ceux-ci en prenant en compte, en particulier, l’occupation des sols existants et la capacité de charge de l’environnement naturel, ainsi que, en troisième lieu, les caractéristiques de l’impact potentiel, notamment au regard de la zone géographique et de l’importance de la population affectée.
« 55 Il s’ensuit qu’un État membre qui, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 85/337, fixerait des seuils et/ou des critères en ne tenant compte que des dimensions des projets, sans prendre en considération les critères rappelés au point précédent, outrepasserait la marge d’appréciation dont il dispose en vertu des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphe 2, de cette directive (arrêts précités Commission/Irlande, point 64, et Commission/Pays-Bas, point 35).»

Source : CJUE, 24 mars 2011, Commission c/ Belgique, aff. C‑435/09

Ce raisonnement s’imposait toujours avec la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011.

Ce mode d’emploi a été repris donc en 2021 par le Conseil d’Etat pour censurer le droit français d’alors exonérant Citons le Conseil d’Etat sur ce point (qui n’était pas le seul motif d’annulation en l’espèce) :

« 10. Il ressort du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement que les seuils en-deçà desquels les projets sont dispensés de toute évaluation environnementale sont principalement fondés sur un critère relatif à leur dimension, telles que la taille ou la capacité de l’installation projetée, alors même que, ainsi qu’il a été dit au point 7, la question de savoir si un projet est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement et la santé humaine peut également dépendre d’autres caractéristiques du projet, telles que sa localisation, comme le prévoit expressément l’annexe III de la directive du 13 décembre 2011 à laquelle renvoie l’article L. 122-1 du code de l’environnement. Par suite, en ne prévoyant pas de soumettre à une évaluation environnementale, lorsque cela apparaît nécessaire, des projets qui, bien que se trouvant en-deçà des seuils qu’il fixe, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine en raison notamment de leur localisation, le décret attaqué méconnaît les objectifs de la directive du 13 décembre 2011. Il en résulte, sans qu’il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel, que les associations requérantes sont fondées à demander l’annulation du décret attaqué en tant qu’il exclut certains projets de toute évaluation environnementale sur le seul critère de leur dimension, sans comporter de dispositions permettant de soumettre à une évaluation environnementale des projets qui, en raison d’autres caractéristiques telles que leur localisation, sont susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine.
« 11. L’annulation prononcée au point précédent implique que le Premier ministre prenne des dispositions réglementaires permettant qu’un projet, lorsqu’il apparaît qu’il est susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine pour d’autres caractéristiques que sa dimension, notamment sa localisation, puisse être soumis à une évaluation environnementale. Il y a lieu, pour le Conseil d’Etat, d’ordonner cette édiction dans un délai de neuf mois à compter de la notification de la présente décision.»

Source : CE, 15 avril 2021, 425424

Voir notre article publié alors :

NB pour une application intéressante, voir : Source : TA Chalons-en-Champagne, 22 juillet 2021, n° 1902100, 1902786 et 1903038. Article publié alors : ICPE : nouvelle application de ce que, même en dessous les seuils, une évaluation environnementale peut s’imposer 

On retrouvait là un peu le même raisonnement (mais inversé) qu’en matière de cours d’eau et de continuité écologique : si des seuils minima permettent de faire l’économie d’un examen au cas par cas … là où cet examen au cas par cas serait utile… alors ces seuils minima sont illégaux. Voir :

 

 

I.A.2. Le décret du 25 mars 2022

 

Cette obligation de regarder l’impact des projets, même petits, souvent décrit via l’expression de « clause filet », fut ensuite réglée par le nouveau décret n° 2022-422 du 25 mars 2022 relatif à l’évaluation environnementale des projets (NOR : TRED2138069D) :

Ce texte met donc en place un dispositif permettant de soumettre à évaluation environnementale des projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement et la santé humaine mais situés en deçà des seuils de la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, avec un examen au cas par cas :

«I. – Les projets relevant d’une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l’objet d’une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l’article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau.
A titre dérogatoire, les projets soumis à évaluation environnementale systématique qui servent exclusivement ou essentiellement à la mise au point et à l’essai de nouveaux procédés ou de nouvelles méthodes, pendant une période qui ne dépasse pas deux ans, font l’objet d’une évaluation environnementale après examen au cas par cas.
II. – Les modifications ou extensions de projets déjà autorisés, qui font entrer ces derniers, dans leur totalité, dans les seuils éventuels fixés dans le tableau annexé ou qui atteignent en elles-mêmes ces seuils font l’objet d’une évaluation environnementale ou d’un examen au cas par cas.
Les autres modifications ou extensions de projets soumis à évaluation environnementale systématique ou relevant d’un examen au cas par cas, qui peuvent avoir des incidences négatives notables sur l’environnement sont soumises à examen au cas par cas.
Sauf dispositions contraires, les travaux d’entretien, de maintenance et de grosses réparations, quels que soient les projets auxquels ils se rapportent, ne sont pas soumis à évaluation environnementale.
III. – Lorsqu’un même projet relève à la fois d’une évaluation environnementale systématique et d’un examen au cas par cas en vertu d’une ou plusieurs rubriques du tableau annexé, le maître d’ouvrage est dispensé de suivre la procédure prévue à l’article R. 122-3-1. L’étude d’impact traite alors de l’ensemble des incidences du projet, y compris des travaux de construction, d’installations ou d’ouvrages ou d’autres interventions qui, pris séparément, seraient en dessous du seuil de l’examen au cas par cas.
IV. – Lorsqu’un même projet relève de plusieurs rubriques du tableau annexé, une évaluation environnementale est requise dès lors que le projet atteint les seuils et remplit les conditions de l’une des rubriques applicables. Dans ce cas, une seule évaluation environnementale est réalisée pour le projet.»

Voir notre article (un peu) plus détaillé :

Voir aussi un article IDPA :

 

 

I.A.3. La décision du Conseil d’Etat en date du 20 janvier 2023

 

Ce décret a donné lieu ensuite à une décision du Conseil d’Etat, non pas au titre d’un contentieux déposé contre le décret, mais d’une saisine du juge pour non application de l’arrêt 425424 précité. Entre temps, le décret de 2022, précité, a bien été (un peu tardivement) adopté mais cela a donné lieu, pour apprécier si le Gouvernement avait ou non exécuté ladite décision, à un examen du fond du nouveau décret, et de sa légalité, par le Conseil d’Etat le 20 janvier 2023. Avec la validation que voici :

« 3. Le décret du 25 mars 2022 relatif à l’évaluation environnementale des projets a notamment inséré dans le code de l’environnement un article R. 122-2-1, qui prévoit que :  » I.- L’autorité compétente soumet à l’examen au cas par cas prévu au IV de l’article L. 122-1 tout projet, y compris de modification ou d’extension, situé en deçà des seuils fixés à l’annexe de l’article R. 122-2 et dont elle est la première saisie, que ce soit dans le cadre d’une procédure d’autorisation ou d’une déclaration, lorsque ce projet lui apparaît susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine au regard des critères énumérés à l’annexe de l’article R. 122-3-1 « . Le II de cet article impose au maitre d’ouvrage du projet de saisir l’autorité en charge de l’examen au cas par cas lorsque l’autorité compétente pour la première demande d’autorisation ou de déclaration relative au projet décide de soumettre le projet à cet examen. Enfin, le III du même article permet au maître d’ouvrage de saisir de sa propre initiative l’autorité chargée de l’examen au cas par cas de tout projet situé en deçà des seuils fixés à l’annexe de l’article R. 122-2.
« 4. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de ces dispositions que les déboisements d’une surface inférieure à 0,5 ha ou, de façon générale, les demandes d’extension ou de modification relatives à un projet donné seraient exclus du champ d’application de cette clause.
« 5. En deuxième lieu, ces dispositions, notamment celles précitées du I de l’article R.122-2-1, instituent bien une obligation, et non une simple option, à la charge de l’autorité compétente.
« 6. Ainsi, bien que ce décret ait été publié deux mois et dix jours après l’expiration du délai imparti, la décision du Conseil d’Etat doit être regardée, dans les circonstances de l’espèce, comme ayant été exécutée. »

Source : CE, 20 janvier 2023, n° 464129

 

 

I.B. Délicate articulation avec l’urbanisme

 

I.B.1. Doctrine administrative

Au sortir de ce décret n°2022-422 du 25 mars 2022, précité, une articulation avec les autorisations d’occupation du sol (permis de construire pour l’essentiel) est prévue, résumée ici par la note du Ministère de l’écologie, d’alors, précitée (voir ci-avant le document intitulé « 20230213_note_clause_filet ») :

 

I.B.2. Textes

Plus précisément, pour s’en tenir aux textes :

  • en vertu des dispositions de l’article R. 423-19 du code de l’urbanisme, le délai d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme et des déclarations préalables court à compter de la réception en mairie d’un dossier complet.
  • aux termes de l’article R. 423-38 du même code :
    • « Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l’autorité compétente, dans le délai d’un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l’auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes
  • l’article R. 423-39 du même code dispose, quant à lui, que :
    • «  L’envoi prévu à l’article R. 423-38 précise : / a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; / b) Qu’à défaut de production de l’ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l’objet d’une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d’une décision tacite d’opposition en cas de déclaration ; c) Que le délai d’instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. »
  • l’article R. 122-2-1 du code de l’environnement, de son côté, prévoit que la décision de l’autorité compétente de soumettre un projet à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, au titre de la « clause-filet », impose de suspendre l’instruction de la demande d’autorisation d’urbanisme dans l’attente que le dossier du pétitionnaire soit complété, soit par la décision de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas de ne pas prescrire d’évaluation environnementale, soit par l’étude d’impact prévue à l’article L. 122-1 du code de l’environnement. 
  • l’article R. 122-3-1 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
    • «  I.- Pour les projets relevant d’un examen au cas par cas en application de l’article R. 122-2, le maître d’ouvrage décrit les caractéristiques de l’ensemble du projet, y compris les éventuels travaux de démolition, les incidences notables que son projet est susceptible d’avoir sur l’environnement et la santé humaine ainsi que, le cas échéant, les mesures et les caractéristiques du projet destinées à éviter ou réduire ses probables effets négatifs notables. Il mentionne, le cas échéant, les termes des plans ou programmes pertinents relatifs aux mesures et caractéristiques des projets susceptibles d’être retenues ou mises en oeuvre pour éviter ou réduire les effets négatifs de projets sur l’environnement ou la santé humaine. / II.- Ces informations sont renseignées dans un formulaire, adressé par le maître d’ouvrage par voie électronique ou par pli recommandé à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, qui en accuse réception. A compter de la réception de ce formulaire, cette autorité dispose d’un délai de quinze jours pour demander au maître d’ouvrage de le compléter. A défaut d’une telle demande, le formulaire est réputé complet à l’expiration de ce même délai. / (…) IV.- L’autorité chargée de l’examen au cas par cas apprécie, dans un délai de trente-cinq jours à compter de la date de réception du formulaire complet, sur la base des informations fournies par le maître d’ouvrage, si les incidences du projet sur l’environnement et la santé humaine sont notables au regard des critères pertinents énumérés à l’annexe du présent article. Le cas échéant, elle tient compte des résultats disponibles d’autres évaluations pertinentes des incidences sur l’environnement requises au titre d’autres législations applicables. / (…) L’absence de réponse dans le délai mentionné au premier alinéa du présent IV vaut obligation de réaliser une évaluation environnementale. »
  • l’article R. 423-37-3 du code de l’urbanisme dispose que
    • « Lorsqu’il apparaît que le projet doit faire l’objet d’une évaluation environnementale et que, par conséquent, le dossier doit être complété par une étude d’impact, le délai d’instruction de la demande ou de la déclaration est suspendu jusqu’à la date de réception par l’autorité compétente en matière d’urbanisme du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête ou, le cas échéant, de la synthèse des observations du public
  • l’article R. 423-44 de ce même code traite des suspensions du délai d’instruction et des informations à prévoir alors.

 

 

II. Une délicate articulation avec les demandes de pièces en urbanisme, point sur lequel le Conseil d’Etat vient de rendre une décision notable

 

Divers requérants avaient attaqué le décret de 2022, précité. Ce qui a permis au Conseil d’Etat de rendre une décision riche de quelques apports (au regard non du droit, mais de la pratique) en matière d’environnement (II.A.), mais pleine d’utiles précisions sur la partie urbanisme (II.B.). 

 

 

II.A. Apports de la nouvelle décision en matière de droit de l’environnement

 

II.A.1. Confirmation de principe

 

Le Conseil d’Etat commence par rappeler que :

« Ces dispositions ont pour objet, afin de satisfaire aux exigences de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 précitée, de permettre, par l’instauration d’un dispositif dit de  » clause-filet « , que des projets, qui ne relèvent ni d’une évaluation environnementale de façon systématique, ni d’un examen au cas par cas en vertu des dispositions des articles L. 122-1 et R. 122-2 du code de l’environnement et de l’annexe à ce dernier article, soient néanmoins soumis à un examen au cas par cas s’ils apparaissent susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine. »

II.A.2. Confirmation de certains points où la pratique s’éloignait de l’interprétation rappelée par la Haute Assemblée

 

Ensuite, le Conseil d’Etat confirme (pour s’en tenir aux moyens sérieux) les points procéduraux suivants :

  • que le préfet, à l’occasion du dépôt d’une première déclaration relative à une installation classée pour l’environnement (ICPE), peut :
    • « mettre en oeuvre, le cas échéant, le dispositif de  » clause-filet  » prévu à l’article R. 122-2-1, afin qu’un projet soumis à déclaration qui lui apparaît susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine au regard des critères énumérés à l’annexe de l’article R. 122-3-1 du même code, soit soumis à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas afin qu’elle détermine s’il doit être soumis ou non à évaluation environnementale, quand bien même il relèverait d’une catégorie qui ne serait pas mentionnée à l’annexe de l’article R. 122-2 du code de l’environnement »
      Bref, il s’agit bien d’une clause filet s’appliquant même hors catégories non listées. C’est un filet.
      Sur ce point, l’interprétation évidente rappelée par le Conseil d’Etat permet de corriger une pratique plus étroite, qui visait notamment à écarter de ce régime diverses installations (ICPE…).
  • que le dispositif est également applicable en cas de modification ou d’extension d’un projet.
  • que ce n’est pas parce que le maître d’ouvrage peut, de sa propre initiative, saisir l’autorité chargée de l’examen au cas par cas que cela dispenserait « l’autorité compétente de l’obligation […] de s’interroger sur les éventuelles incidences notables d’un projet sur l’environnement ou la santé humaine et de soumettre à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas tout projet, y compris de modification ou d’extension, situé en deçà des seuils fixés à l’annexe de l’article R. 122-2 et dont elle est la première saisie, lorsque ce projet lui apparaît susceptible d’avoir de telles incidences notables.»
  • que ce régime s’applique aussi aux cas prévus par le dernier alinéa du II de l’article L. 122-1-1 du code de l’environnement
  • que si l’administration décide de « soumettre le projet à examen au cas par cas, elle doit en informer le maître d’ouvrage par une décision motivée ». En revanche, « la décision de ne pas soumettre le projet à examen au cas par cas n’est en revanche soumise à aucun formalisme particulier », ce que le Conseil d’Etat ne censure pas  (car « l’autorité compétente chargée de mettre en oeuvre le dispositif de  » clause-filet  » exerce une fonction distincte de celles confiées à l’autorité environnementale » qui, pour schématiser, elle, doit motiver des décisions concluant qu’il n’est pas nécessaire de soumettre un projet à évaluation environnementale au terme de l’examen au cas par cas).
  • que la participation du public ne s’applique pas quand le projet n’a pas d’incidence sur l’environnement

 

 

 

 

II.B. Importantes confirmations en matière d’urbanisme

 

II.B.1. La procédure s’en trouve précisée. Notamment, « le délai d’instruction de [la] demande ou […]  déclaration [est] suspendu jusqu’à la date de réception par l’autorité compétente en matière d’urbanisme du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête ou, le cas échéant, de la synthèse des observations du public ».

 

Mais c’est surtout sur le lien avec l’urbanisme que cette nouvelle décision retiendra l’attention. Il est en effet jugé que :

  • « Dans une telle hypothèse de mise en oeuvre de la  » clause-filet « , il appartient donc à l’autorité compétente, d’une part, d’informer le maître d’ouvrage, en application du II de l’article R. 122-2-1, de sa décision motivée de soumettre le projet à examen au cas par cas, au plus tard quinze jours à compter du dépôt du dossier de demande ou de la déclaration, et, d’autre part, de procéder à l’envoi prévu à l’article R*. 423-38 du code de l’urbanisme, le délai d’instruction ne commençant à courir qu’à compter de la réception des pièces en cause. »
  • « […] dans l’hypothèse où l’autorité compétente a décidé de soumettre un projet à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, au titre de la  » clause-filet « , cette autorité dispose d’un délai de trente-cinq jours à compter de sa saisine par le maître d’ouvrage, par un formulaire complet, pour apprécier si le projet concerné doit ou non être soumis à une évaluation environnementale. Si l’autorité en charge de l’examen au cas par cas décide de ne pas prescrire d’évaluation environnementale, les dispositions de l’article R. 423-39 du code de l’urbanisme imposent au maître d’ouvrage d’adresser cette décision à l’autorité compétente dans un délai de trois mois à compter de la réception de l’envoi mentionné à l’article R. 423-38. Si, au contraire, l’autorité en charge de l’examen au cas par cas décide de prescrire une évaluation environnementale impliquant qu’une étude d’impact soit établie, il appartient également au maître d’ouvrage, en application des dispositions de l’article R. 423-39 du code de l’urbanisme, d’adresser cette décision à l’autorité compétente dans un délai de trois mois à compter de la réception de l’envoi mentionné à l’article R. 423-38 du même code, ce qui conduit alors, en application des dispositions de l’article R. 423-37-3 du même code, à ce que le délai d’instruction de sa demande ou de sa déclaration soit suspendu jusqu’à la date de réception par l’autorité compétente en matière d’urbanisme du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête ou, le cas échéant, de la synthèse des observations du public.»

 

Donc en cas d’usage de la clause-filet :

  • l’autorité compétente doit :
    • informer le maître d’ouvrage au plus tard quinze jours à compter du dépôt du dossier de demande ou de la déclaration
    • procéder à l’envoi prévu « à l’article R. 423-38 du code de l’urbanisme, le délai d’instruction ne commençant à courir qu’à compter de la réception des pièces en cause. »
  • « le délai d’instruction de [la] demande ou […]  déclaration [est] suspendu jusqu’à la date de réception par l’autorité compétente en matière d’urbanisme du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête ou, le cas échéant, de la synthèse des observations du public.»
  • elle dispose d’un délai de trente-cinq jours à compter de sa saisine par le maître d’ouvrage, par un formulaire complet, pour apprécier si le projet concerné doit ou non être soumis à une évaluation environnementale. Le maître d’ouvrage a trois mois pour l’informer d’une décision de l’autorité compétente de prescrire, ou non, une évaluation environnementale. Le délai d’instruction de la demande ou de la déclaration est, le cas échéant, « suspendu jusqu’à la date de réception par l’autorité compétente en matière d’urbanisme du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête ou, le cas échéant, de la synthèse des observations du public

 

 

II.B.2. De plus, lorsqu’une déclaration préalable au titre du code de l’urbanisme est soumise à évaluation environnementale à la suite d’une décision de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, saisie par l’autorité compétente pour statuer sur cette déclaration dans le cadre de la mise en oeuvre de la  » clause-filet « , la décision de non-opposition à cette déclaration ne peut être qu’explicite…

 

De plus :

  • « […] 29. Il résulte des dispositions des articles L. 122-1-1 et L. 123-2 du code de l’environnement et L. 424-4 du code de l’urbanisme précitées que lorsqu’une déclaration préalable au titre du code de l’urbanisme est soumise à évaluation environnementale à la suite d’une décision de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, saisie par l’autorité compétente pour statuer sur cette déclaration dans le cadre de la mise en oeuvre de la  » clause-filet « , la décision de non-opposition à cette déclaration ne peut être qu’explicite. « 30. Toutefois, il résulte des dispositions de l’article R*. 424-1 du code de l’urbanisme, auxquelles les dispositions du décret attaqué n’ont pas apporté de modification, ni de dérogation, que le silence gardé par l’autorité compétente au terme du délai d’instruction sur une déclaration préalable au titre du code de l’urbanisme vaut décision tacite de non-opposition à cette déclaration. Or, faute de prévoir une exception à ces dispositions, dans l’hypothèse où l’autorité compétente pour statuer sur une déclaration préalable a décidé, en application de l’article R. 122-2-1 du code de l’environnement, de soumettre cette déclaration à un examen au cas par cas et que l’autorité chargée de cet examen a estimé qu’elle devait donner lieu à une évaluation environnementale, le pouvoir réglementaire a méconnu les dispositions des articles L. 122-1-1 et L. 123-2 du code de l’environnement et de l’article L. 424-4 du code de l’urbanisme qui imposent que toute décision conduisant à autoriser un projet soumis à évaluation environnementale soit expresse et comporte les éléments mentionnés au I de l’article L. 122-1-1.
    « 31. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes sont fondées à demander l’annulation du décret attaqué uniquement en tant qu’il ne prévoit pas d’exception aux dispositions de l’article R*. 424-1 du code de l’urbanisme dans l’hypothèse où une déclaration préalable a fait l’objet d’une évaluation environnementale, à la suite de la mise en oeuvre de la  » clause-filet  » prévue au I de l’article R. 122-2-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’article 1er du décret attaqué.»

 

Donc, lorsqu’une déclaration préalable au titre du code de l’urbanisme est soumise à évaluation environnementale à la suite d’une décision de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, saisie par l’autorité compétente pour statuer sur cette déclaration dans le cadre de la mise en oeuvre de la  » clause-filet « , la décision de non-opposition à cette déclaration ne peut être qu’explicite… ce qui impose donc au pouvoir réglementaire d’apporter sur ce point une dérogation aux règles de décisions implicites posées par l’article R. 424-1 du code de l’urbanisme, correspondant à l’unique censure infligée par le Conseil d’Etat à ce décret. … selon un régime que voici donc enfin précisé et stabilisé. 

 

ou pas !

Cette décision démontre aussi la complexité du dispositif, peu utilisé sur le terrain….ce qui pourrait suffire à ce que ce régime français soit jugé comme contraire au droit européen et çà quelques conventions internationales (Aarhus, etc.). Il n’y a donc plus de trous dans le filet, mais celui-ci reste d’un maniement complexe et rare, ce qui peut suffire à ce que la France perde le match.

 

 

ANNEXE 1 : voici cette nouvelle décision du Conseil d’Etat

 

Conseil d’État, 4 octobre 2023, n° 465921

 

 

 

ANNEXE 2 : VIDÉO À CE SUJET

 

Voici, enfin, une vidéo de 8 mn 05 à ce sujet :

https://youtu.be/B4OHVbm5nFA