Le juge de la question préjudicielle ne sera (évidemment !) pas le juge de l’exécution

Quand le juge administratif, par une question préjudicielle, est saisi par le juge judiciaire pour apprécier la légalité d’un acte administratif.. ce n’est le juge administratif qui rend le jugement au fond. Ce n’est donc pas lui qui est à saisir en phrase post-jugement, pour prescrire les mesures nécessaires à l’exécution de sa décision. 

 


 

L’Association pour une retraite convenable (APRC) a demandé au Conseil d’Etat d’enjoindre à la Caisse d’assurance vieillesse invalidité et maladie des cultes (CAVIMAC) de prendre les mesures qu’implique l’exécution de la décision n° 339582 du 16 novembre 2011 par laquelle le Conseil d’Etat, statuant au contentieux avait déclaré qu’était entaché d’illégalité l’article 1.23 du règlement intérieur des prestations de la caisse mutuelle d’assurance vieillesse des cultes du 22 juin 1989.

Il s’agissait donc d’une saisie du juge au titre du premier alinéa de l’article L. 911-5 du code de justice administrative :

« En cas d’inexécution d’une de ses décisions (…), le Conseil d’Etat peut, même d’office, lorsque cette décision n’a pas défini les mesures d’exécution, procéder à cette définition, fixer un délai d’exécution et prononcer une astreinte contre les personnes morales en cause ».

… et/ou au titre du 1er alinéa de l’article R. 931-2 du même code :

« Les parties intéressées peuvent demander au Conseil d’Etat de prescrire les mesures nécessaires à l’exécution d’une de ses décisions (…), en assortissant le cas échéant ces prescriptions d’une astreinte . »

… ce qui est parfait quand on saisit le juge administratif pour que que celui-ci fasse exécuter une de ses décisions. Une de ses décisions consistant à juger  in fine.

Mais en l’espèce, ce n’était pas le cas. C’était une réponse du juge administratif avant la vraie décision de Justice, rendue par le juge judiciaire, après la réponse du juge administratif à la question préjudicielle, justement posée par le juge judiciaire à ce juge administratif

D’où la conclusion logique, et sans appel, ainsi formulée par le Conseil d’Etat :

« 3. La décision par laquelle la juridiction administrative, saisie d’une question préjudicielle soulevée par une juridiction judiciaire, apprécie la légalité d’un acte administratif se borne à statuer sur une exception d’illégalité, dont il appartient au seul juge judiciaire à l’origine du renvoi de tirer les conséquences dans le litige dont il est saisi. Elle n’implique nécessairement, par elle-même, aucune mesure d’exécution.»

D’où le résumé futur des tables que voici :

« La décision par laquelle la juridiction administrative, saisie d’une question préjudicielle soulevée par une juridiction judiciaire, apprécie la légalité d’un acte administratif se borne à statuer sur une exception d’illégalité, dont il appartient au seul juge judiciaire à l’origine du renvoi de tirer les conséquences dans le litige dont il est saisi. Elle n’implique nécessairement, par elle-même, aucune mesure d’exécution. La demande adressée au juge administratif de prescrire les mesures nécessaires à l’exécution de sa décision est, dès son origine, sans objet et doit être rejetée comme irrecevable. »

Source :

Conseil d’État, 9 février 2024, n° 471937, aux tables du recueil Lebon