Le LOOF, un SPA ? C’est pas louf…

La fédération pour la gestion du Livre Officiel des Origines Félines, plus communément connue sous le nom de LOOF (qui passe alors au masculin), s’est vue confier la gestion du livre d’origine de l’espèce féline en France depuis 1996.

Voir :

La première mission du LOOF est la tenue du Livre Généalogique, c’est-à-dire l’émission des pedigrees des chats de race en France. Sans pedigree LOOF, un chat né en France, même issu de parents ayant un pedigree, ne peut pas prétendre à l’appellation « chat de race », mais uniquement, le cas échéant, à l’appellation « chat d’apparence ». (Décret n° 2008-871 du 28 août 2008).

On mesure donc l’importance hautement stratégique de l’enjeu.

Citons les deux principaux textes applicables tels que rappelés par le Conseil d’Etat :

« 2. Aux termes du III de l’article L. 214-8 du code rural et de la pêche maritime :  » Ne peuvent être dénommés comme chiens ou chats appartenant à une race que les chiens ou les chats inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre chargé de l’agriculture. « . Aux termes de l’article D. 214-8 du même code :  » Il est tenu, pour les animaux des espèces canines et félines, un livre généalogique unique, divisé en autant de sections que de races. / Le livre est tenu par une fédération nationale agréée, ouverte notamment aux associations spécialisées par race. / L’association spécialisée la plus représentative pour chaque race ou groupe de races, sous réserve qu’elle adhère à la fédération tenant le livre généalogique, dans les conditions prévues par les statuts de ladite fédération, peut être agréée. (…). / L’association spécialisée agréée est alors chargée de définir les standards de la race ainsi que les règles techniques de qualification des animaux au livre généalogique en accord avec la fédération tenant le livre généalogique. (…) « .»
«3. Par arrêté du 1er août 2006, le ministre de l’agriculture et de la pêche a agréé la fédération pour la gestion du livre des origines félines en qualité de fédération chargée de la tenue du livre généalogique pour les animaux de l’espèce féline. Il résulte des dispositions citées au point 2 que cette fédération, chargée d’inscrire les chats de race au livre officiel des origines félines et de veiller au respect de la réglementation en vigueur par les éleveurs et propriétaires de ces chats, et qui assume à ce titre une mission de service public à caractère administratif, est compétente, à cette fin, en l’absence d’association spécialisée agréée pour une race de chats, pour définir les standards de cette race ainsi que les règles techniques de qualification des animaux au livre généalogique.»

Alors… c’est un service public administratif  (SPA) ou un service public industriel et commercial (SPIC) qu’une telle mission ?

Réponse du Conseil d’Etat :

  • c’est un SPA (et c’est pas louf que LOOF le soit)
  • cette fédération a bien compétence pour ledit SPA consistant à définir les standards et règles techniques de qualification relatives à une race particulière (par défaut, en l’absence d’association spécialisée agréée)
  • c’est à l’aune des statuts que la légalité des décisions de cette fédération s’apprécie (autre truisme)
  • et donc bien sur que cette fédération peut alors imposer un test de filiation au titre de ces compétences.

Voici le futur résumé des tables du rec. à ce sujet :

« 1) Il résulte du III de l’article L. 214-8 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) que la fédération pour la gestion du livre des origines félines, agréée par arrêté ministériel, qui est chargée d’inscrire les chats de race au livre officiel des origines félines et de veiller au respect de la réglementation en vigueur par les éleveurs et propriétaires de ces chats, et qui assume à ce titre une mission de service public à caractère administratif (SPA), est compétente, à cette fin, en l’absence d’association spécialisée agréée pour une race de chats, pour définir les standards de cette race ainsi que les règles techniques de qualification des animaux au livre généalogique. 2) Recours dirigé contre une délibération du conseil d’administration de la fédération pour la gestion du livre des origines félines. L’article 11-2 des statuts de cette fédération prévoit que toute décision, sauf pour ce qui concerne l’admission de nouveaux membres et les sanctions disciplinaires, est prise à la majorité simple des membres présents et qu’en cas d’égalité de voix, celle du président est prépondérante. Le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration, signé par le président et la secrétaire générale et qui fait foi jusqu’à preuve du contraire, fait état de ce que la délibération relative aux chats de race « Scottish Highland » été adoptée à l’unanimité. La délibération n’a pas été adoptée en méconnaissance des règles statutaires. 3) Délibération attaquée imposant notamment la réalisation d’un test de filiation pour tout chaton au moment de la demande de pedigree des chats de race « Scottish Highland ». Cette obligation a pour objectif de s’assurer que les conditions requises pour la qualification des chats de cette race et leur inscription au livre des origines, découlant de l’interdiction de la reproduction entre deux animaux présentant le caractère « fold », sont remplies. Si cette obligation induit des contraintes et un coût pour les éleveurs, elle est justifiée, dans son principe, par cet objectif. Son coût n’est pas, au regard du prix de vente d’un chat de race, disproportionné. L’obligation fixée par la délibération relève de la mission de SPA confiée à la fédération (sol. impl.).»

 

Les chats regardent ces préoccupations humaines avec un noble dédain.

Leurs maîtres s’adonnent parfois à ces considérations félines avec une passion de muscadin.

Les juristes, plus modestement, se jetteront sur ces qualifications juridiques avec un plaisir entomologique, entre SPA et SPIC,  sous couvert de froid juridisme marmoréen.

Source :

Conseil d’État, 26 février 2024, n° 469858, aux tables du recueil Lebon

 

Légende : chat acceptant, ou non, d’être enfermé dans une catégorie juridique