Pas moins de 8 décrets ont été publiés au JO du 22 juin 2023, relatifs aux membres des juridictions administratives (générales et financières)… portant d’ailleurs un peu au passage, aussi, sur télérecours citoyen et sur les visio-audiences…. Voir :
Au nombre de ces textes, se trouvait le décret n° 2023-485 du 21 juin 2023 relatif à l’échelonnement des grades et emplois et au reclassement indiciaire des membres du Conseil d’Etat et portant diverses dispositions modifiant le code de justice administrative :
Ce décret apportait notamment quelques modifications à la procédure administrative contentieuse avec l’élargissement de l’utilisation de Télérecours citoyens et l’introduction de la possibilité pour le juge d’autoriser une partie à participer, pour un motif légitime, à une audience devant une juridiction administration par visioconférence.
En ce domaine, il faut rappeler que, pour ce qui est des visio-audiences :
- Le Conseil constitutionnel avait estimé en avril 2020 que l’utilisation de la visioconférence sans accord du détenu dans le cadre d’audiences relatives au contentieux de la détention provisoire était inconstitutionnelle (mais avec effet différé de ladite inconstitutionnalité), dans le cadre de la crise sanitaire covidienne qui commençait alors.
Sources :
• Décision 2019-802 QPC – 20 septembre 2019 – M. Abdelnour B. [Utilisation de la visioconférence sans accord du détenu dans le cadre d’audiences relatives au contentieux de la détention provisoire] – Non conformité totale ;
– décision n° 2020-836 QPC du 30 avril 2020, que nous avions commentée ici : Justice et visioconférence : décision du Conseil constitutionnel ce jour )… ;
– voir aussi dans le même sens les points 231 et suivants de la décision 2019-778 DC, 21 mars 2019 – Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
- Dans sa décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 sur la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, hors crise sanitaire cette fois et hors pénal, le Conseil constitutionnel avait validé le principe de visioconférences estimé que les conditions du recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle garantissaient de façon suffisante la tenue d’un procès juste et équitable sous certaines réserves.
- Plus encore : dans une autre décision (voir les points 23 et suivants de la décision 2018-770 DC – 06 septembre 2018 – Loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie)… les conditions de dignité, de respect des conditions d’un procès équitable ont été maintenues. MAIS PAS celle d’un consentement des justiciables.
- Ajoutons que le consentement des parties à un contentieux administratif ou civil en visioaudience n’était pas exigé pas dans le droit actuel propre à l’état d’urgence sanitaire…. ce qui a été validé par le Conseil d’Etat (voir CE, ord., 10 avril 2020, n° 439883 et n°439892… puis CE, ord., 10 avril 2020, n° 439903 ; voir à ce sujet Ordonnance après ordonnance, le Conseil d’Etat valide le régime contentieux des ordonnances [suite]
Voir :
Justice et visioconférence : décision du Conseil constitutionnel ce jour - Le Conseil d’Etat avait en conformité avec cette position du Conseil constitutionnel, opéré, en novembre 2020, un tri en visio-audiences censurées et non censurées.
CE, ord., 27 novembre 2020, n° 446712, 446724, 446728, 446736, 446816 : (446712-724-728-736-816 ADAP et autres)Voir : Suspension par le Conseil d’Etat des visio-audiences criminelles (assises ou cours criminelles) , validation de ces visio-audiences dans d’autres cas (mais avec une importante réserve d’interprétation) - sur les visioaudiences en période de crise sanitaire, devant le juge adminsitratif, voir les mesures adoptées, ici . Voir les réactions, alors, des divers représentants des magistrats, de ce côté là.
- Pour le pénal en période de crise sanitaire, le Conseil constitutionnel avait affiné sa position (besoin d’un accord des parties pour ce qui est du pénal) par sa décision Décision n° 2020-872 QPC du 15 janvier 2021, M. Krzystof B. [Utilisation de la visioconférence sans accord des parties devant les juridictions pénales dans un contexte d’urgence sanitaire]
- puis avait été adopté un décret pour le judiciaire hors pénal sur cette téléaudience (ou visioaudience) : décret n° 2022-79 du 27 janvier 2022
- Puis le Conseil constitutionnel avait adopté deux nouvelles décisions en ce domaine avec de nouvelles précisions (les liens ci-dessous renvoient vers ces décisions mais aussi vers notre article) :
- Décision n° 2023-856 DC du 16 novembre 2023 Loi organique relative à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire, Non conformité partielle – réserve
- Décision n° 2023-855 DC du 16 novembre 2023, Loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027, Non conformité partielle – réserve
- divers dispositions propres aux visio-audience ont été adoptées pour les outremers (pour les magistrats puis pour les justiciables et leurs conseils). Avec l’impossibilité de les remplacer par un simple appel téléphonique (voir un cas amusant ici).
Le nouveau décret, précité, n° 2023-485 du 21 juin 2023, a été attaqué par un syndicat de magistrats administratifs en tant que ce texte avait inséré, après l’article R. 731-2 du code de justice administrative, un article R. 731-2-1 aux termes duquel :
« Le président de la formation de jugement peut à titre exceptionnel pour un motif légitime autoriser une partie, un témoin, un expert ou toute autre personne convoquée à l’audience et qui en a fait expressément la demande à être entendu par un moyen de communication audiovisuelle au cours de l’audience ou de l’audition.
« Les modalités d’application du présent article, notamment les conditions de sécurité et de confidentialité des échanges, sont fixées par arrêté du vice-président du Conseil d’État. »
Il ne s’agit donc pas vraiment d’une visio-audience, encore moins d’une dérogation à la publicité des audiences, mais juste d’une autorisation exceptionnelle de faire intervenir ainsi, en visio, un témoin, un expert… Voir ce passage de la nouvelle décision du Conseil d’Etat :
« 3. Les dispositions contestées, qui ne permettent pas qu’il soit dérogé au principe de la publicité des audiences, ont pour seul objet de permettre au président d’une formation de jugement d’autoriser à titre exceptionnel une partie, un témoin, un expert ou toute personne en ayant expressément fait la demande et justifiant d’un motif légitime faisant obstacle à sa présence physique à l’audience publique, à participer à cette dernière par un moyen de communication audiovisuelle, n’affectent pas les garanties accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques et ne mettent pas davantage en cause les autres matières réservées au législateur par la Constitution. En outre, elles ne dérogent à aucune disposition législative. Il suit de là que la Première ministre était compétente pour édicter lesdites dispositions et que l’Union syndicale des magistrats administratifs n’est pas fondée à soutenir qu’elles seraient entachées d’incompétence. »
Ce recours a donc été rejeté par le Conseil d’Etat en ces termes :
« 5. Les dispositions contestées prévoient que la faculté d’une partie, un témoin, un expert ou toute personne en ayant expressément fait la demande de participer à une audience publique par un moyen de communication audiovisuelle est subordonnée à l’autorisation préalable du président de la formation de jugement, laquelle ne peut être donnée qu’à titre exceptionnel pour un motif légitime. Elles n’ont, ainsi qu’il a été dit au point 3, ni pour objet ni pour effet de permettre que l’audience ne se tienne pas publiquement. Par suite, la requérante n’est pas fondée à soutenir que ces dispositions, alors même qu’ainsi qu’elle le fait valoir, elles n’énoncent pas les contentieux concernés, ni les motifs légitimes susceptibles d’être retenus, ni ne prévoient l’accord préalable des autres parties, méconnaîtraient le droit à un procès équitable garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en particulier en ce qu’il inclut le principe de publicité des audiences. »
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