Régime applicable aux demandes d’indemnités en cas d’occupation sans titre du domaine public

Par une récente décision, le Conseil d’Etat est venu préciser le régime applicable aux demandes d’indemnités en cas d’occupation sans titre du domaine public et, notamment, les règles de prescription.

Dans cette affaire, la société SNCF Réseau a conclu un contrat relatif à l’occupation et à la desserte d’un emplacement dans l’emprise de la gare de triage Vaires-Torcy avec la société DAC qui a elle-même autorisé l’entreprise ASD à occuper gratuitement un atelier sur la parcelle.

La société SNCF Réseau a, par un procès-verbal du 25 juillet 2019, fait constater par huissier que la société ASD occupait sans droit ni titre un entrepôt sur cette parcelle. Il a ensuite saisi le Tribunal administratif de Melun afin que ce dernier enjoigne à l’occupant de quitter les lieux sous astreinte et de le condamner à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cette occupation irrégulière.

Le Tribunal administratif de Melun, par un jugement du 6 janvier 2022, a enjoint à la société ASD de libérer sans délai les lieux et l’a condamnée au paiement d’indemnités d’occupation sans droit ni titre à la société SNCF Réseau pour la période allant du 1er janvier 2014 jusqu’à la date du jugement.

Après un appel formé par l’occupant sans droit ni titre, la Cour administrative d’appel de Paris a diminué le montant de l’indemnité due par l’occupant sans titre.

N’ayant pas eu entièrement satisfaction, l’occupant sans titre a formé un pourvoi en cassation.

Le Conseil d’État a alors dû se prononcer sur les règles de prescription applicables aux indemnités dues en cas d’occupation du domaine public sans droit ni titre.

Dans un premier temps, le Conseil d’État vient distinguer les règles de prescription applicables aux redevances d’occupation du domaine public issues de l’article L. 2321-4 du Code général de la propriété des personnes publiques et celles qui sont applicables aux indemnités d’occupation sans droit ni titre du domaine public issues quant à elles de l’article 2224 du Code civil.

S’agissant des règles de prescription applicables aux produits et redevances du domaine public, le juge administratif rappelle les règles issues des articles L. 2321-4 et L. 2125-4 du Code général de la propriété des personnes publiques.

Il en conclu que :

les redevances d’occupation du domaine public deviennent exigibles au début de chaque période annuelle et qu’elles se prescrivent par une durée de cinq ans à compter de cette date.

S’agissant ensuite des règles de prescription applicables aux indemnités en cas d’occupation du domaine public sans droit ni titre, le Conseil d’Etat rappelle d’abord le cadre juridique existant en reprenant les termes d’une jurisprudence de principe à ce sujet, et se fondant sur l’article L. 2122-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CE, 16 mai 2011, Commune de Moulins, req. n° 317675) :

L’occupation sans droit ni titre d’une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l’occupant et qui l’oblige à réparer le dommage causé au gestionnaire de ce domaine par cette occupation irrégulière. L’autorité gestionnaire du domaine public est fondée à réclamer à l’occupant sans droit ni titre de ce domaine, au titre de la période d’occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu’elle aurait pu percevoir d’un occupant régulier pendant cette période.

L’indemnité due par l’occupant irrégulier du domaine public doit donc permettre de compenser les revenus que l’autorité gestionnaire du domaine aurait pu percevoir d’un occupant régulier pendant cette période.

Le Conseil d’Etat vient également préciser sa jurisprudence en affirmant que l’indemnité est due « au terme de chaque journée d’occupation irrégulière ».

S’agissant spécifiquement des règles de prescription d’une telle action en cas d’occupation sans droit ni titre du domaine public, ce sont les dispositions issues de l’article 2224 du Code civil qui sont applicables et qui prévoient que l’action en indemnisation se prescrit « par cinq ans à compter de la date à laquelle le gestionnaire du domaine public a eu ou devait avoir connaissance de cette occupation irrégulière. Le délai de prescription est interrompu notamment dans les conditions prévues par les articles 2240, 2241 et 2244 du même code ».

Après avoir considéré que seules les dispositions de l’article 2224 du Code civil étaient applicables à l’action introduite par la société SNCF Réseau, le Conseil d’État en fait l’application aux faits de l’espèce :

15. Il résulte de l’instruction que c’est seulement par sa demande adressée au tribunal administratif de Melun le 14 janvier 2020 que la société SNCF Réseau a, pour la première fois, sollicité de M. A… qu’il l’indemnise du préjudice qu’elle estimait avoir subi à raison de l’occupation par celui-ci de la parcelle en litige au cours de l’année 2014. A cette date, son action était, pour ce qui concerne cette période, atteinte par la prescription en application des règles rappelées au point 4 ci-dessus, sans qu’ait d’incidence à cet égard la circonstance que la société avait fait constater cette occupation par un huissier de justice le 25 juillet 2019.

Par suite, le Conseil d’État annule l’arrêt du 15 novembre 2022 de la Cour administrative d’appel de Paris et le jugement du 6 janvier 2022 du Tribunal administratif de Melun en tant qu’ils ont statué sur la demande indemnitaire de la société SNCF Réseau portant sur l’année 2014 estimant que cette demande de la société SNCF Réseau est prescrite.

CE, 15 avril 2024, SNCF Réseau, req. n° 470475

Article écrit avec la collaboration de Nedjma Ould Braham, élève-avocate

 

 


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