Une commission, créée à la demande du Premier Ministre G. Attal, vient de rendre son rapport intitulé « Sécuriser l’action des autorités publiques dans le respect de la légalité et des principes du droit », sous l’autorité du Président de section honoraire du CE; M. Christian Vigouroux
Le Gouvernement a indiqué qu’il allait s’en inspirer pour des réformes à venir.
Voyons successivement :
- les sources primaires
- une vidéo à ce sujet
- un rapide survol du contenu de ce rapport
- la liste des propositions et des pistes de réflexions de ce rapport
I. Sources primaires
Voici :
- ce rapport de 199 pages :
- une stimulante analyse de celui-ci sur le site de l’Observatoire de la SMACL :
II. Vidéo à ce sujet
Voici maintenant une vidéo (de 18 mn 17) à ce sujet avec une présentation par mes soins, avant une interview de :
- M. Luc BRUNET
Responsable de l’Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale

Il s’agit d’un extrait de notre chronique vidéo hebdomadaire, « les 10′ juridiques », réalisation faite en partenariat entre Weka et le cabinet Landot & associés : http://www.weka.fr
III. Rapide survol du contenu de ce rapport
Ces propositions déverouillent la coexistence d’intérêts publics – public dans la continuation de la loi 3DS.
Source : proposition 4.
Pour la prise illégale d’intérêt, est esquissée une nouvelle tentative après l’échec cuisant de la loi de 2021 (voir ici) – mais avec quelques risques d’échecs faute de redéfinir l’intérêt punissable en tant qu’il ne serait que positive pour le patrimoine de l’élu ou de ses très proches… tout critère d’atteinte à l’impartialité étant logique intellectuellement mais permettant de rester sur la lancée actuelle de la jurisprudence qui revient à condamner des personnes n’ayant franchi aucune barrière morale.
Sources : propositions 7 et 8 ; piste de réflexion n° 1.
Une broutille timide sur le favoritisme est envisagée (alors que selon moi c’est la présomption d’intentionnalité qu’il faut corriger).
Sources : proposition n° 10 et piste de réflexion n° 2.
Un prolongement limité, mais logique, est envisagé de la loi Fauchon de 2000 (voir ici et là).
Sources : proposition 12 et piste de réflexion n° 3.
Un gros, gros volet s’est glissé dans ce rapport en matière de procédure pénale en termes d’efficacité, de rapidité mais aussi (et qui pourrait s’en plaindre) à être plus préventif et informatif (et évolutions concernant la HATVP)…
Sources : propositions n° 15 à 26 ; pistes de réflexion n° 4 et 5.
Un intéressant volet est prévu sur la protection fonctionnelle, y compris dans certains cas de 432-12 ou -14 du code pénal… ce qui est conforme à la présomption d’innocence, mais avec un oubli du volet RFGP (voir ici et là).
Sources : proposition n° 27 à 30.
S’y ajoutent autres réformes dont des sanctions non pénales pour certaines broutilles relevant de la HATVP où en pratique les erreurs sont vraiment d’inattention.
Sources : proposition n° 31 à 36 ; : pistes de réflexion n° 6 et 7.
Avec, dans ce rapport, assez souvent :
- une distinction SPA-SPIC qui interroge (qui est logique pour l’Etat mais semble en décalage discutable pour les services publics locaux !),
- des formulations parfois floues…
- des audaces un brin trop mesurées. Ainsi ce rapport n’ignore-t-il pas que nombre de sanctions pourraient passer du pénal à la RFGP devant la Cour des comptes, mais cet horizon est présenté comme accessible dans une seconde étape, ce qu’il est possible de regretter.
Reste que dans le contexte actuel, ce rapport va dans le bon sens (maintien de sanctions pénales mais correction des cas où celles-ci frappent des cas de négligence compréhensible sans réel élément moral de l’infraction ; développement du préventif…) avec parfois quelques avancées ou nouveautés intéressantes.
IV. Liste des propositions et des pistes de réflexions de ce rapport
Voici les 36 propositions et les 7 pistes de réflexion de ce rapport:
- Proposition n° 1 : Consacrer la possibilité pour le représentant d’une collectivité territoriale de participer ès qualités au sein des organes décisionnels d’une personne publique chargée d’un service public administratif
- Proposition n° 2 : Consacrer l’absence de conflits d’intérêts lorsque la désignation d’un représentant de la collectivité au sein d’un organisme découle nécessairement de la loi, alors même que celle-ci ne la prévoit pas expressément.
- Proposition n° 3 : Autoriser un élu appartenant en même temps à l’organe décisionnel d’une autre entité, à participer aux délibérations portant sur sa désignation au sein d’une autre personne morale de droit public ou de droit privé.
- Proposition n° 4 : Confirmer la possibilité pour les représentants de l’Etat de siéger au sein de certains organismes au titre de leur activité de tutelle et de contrôle
- Proposition n° 5 : Compléter l’article 432-12 par un alinéa prévoyant que l’infraction n’est pas constituée lorsque l’intérêt pris, reçu ou conservé l’a été dans l’exercice d’une activité de service public administratif
- Proposition n° 6 : Compléter l’article 432-12 par la mention selon laquelle le délit de prise illégale d’intérêts n’est pas caractérisé lorsque la décision de prise, de réception ou de conservation d’un intérêt personnel repose sur un motif impérieux d’intérêt général.
- Proposition n° 7 : Mieux faire apparaître que le délit de prise illégale d’intérêts n’est caractérisé que si une atteinte effective est portée aux exigences d’impartialité, d’indépendance ou d’objectivité
- Proposition n° 8 : Mieux articuler les différentes dispositions légales relatives à la gestion des conflits d’intérêts
- Piste de réflexion n° 1 : Mieux affirmer l’élément intentionnel du délit de prise illégale d’intérêts en subordonnant sa caractérisation à la méconnaissance « délibérée » par l’agent des exigences d’impartialité, d’indépendance et d’objectivité ou en abaissant le quantum des peines en cas d’infraction non délibérée
- Proposition n° 10 : Modifier l’article 432-14 du code pénal afin de confirmer l’exonération de responsabilité pénale lorsque l’élu ou l’agent agit uniquement en vue de la réalisation d’un objectif d’intérêt général impérieux
- Piste de réflexion n° 2 : Mieux affirmer l’élément intentionnel du délit de favoritisme
- Proposition n° 11 : Limiter les possibilités de mise en cause pénale des personnes physiques qui accomplissent, dans le cadre de leurs fonctions de service public, une action nécessaire à la prévention ou la cessation d’un danger actuel ou imminent pour l’intégrité des personnes aux seules hypothèses de méconnaissance manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ou de faute d’une exceptionnelle gravité.
- Piste de réflexion n° 3 : Limiter la mise en cause des décideurs qui ne prennent pas toutes les mesures nécessaires pour faire face à un péril grave ou imminent, en prévoyant qu’ils ne pourraient être mis en cause qu’en cas de méconnaissance manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ou de faute d’une exceptionnelle gravité.
- Proposition n° 12 : Exonérer de responsabilité pénale la personne qui applique la règle de droit conformément à l’interprétation formelle qu’en donnait une autorité administrative compétente, sauf illégalité manifeste
- Proposition n° 13 : Exonérer de responsabilité pénale la personne qui accomplit un acte expressément autorisé par l’autorité légitime, sauf illégalité manifeste
- Proposition n° 14 : Limiter les cas de mise en cause pénale des préfets à raison de l’exercice de leur pouvoir de dérogation à l’hypothèse dans laquelle ils ne pouvaient se méprendre sur l’illégalité commise
- Proposition n° 15 : Inciter les parquets, par des directives de politique pénale du Garde des sceaux :
- – à recourir à des enquêtes préliminaires dans le délai de trois mois prévu à l’article 85 du CPP, afin d’assurer un prompt traitement des procédures portant sur des infractions mettant en cause de façon plus spécifique des décideurs publics ;
- – à optimiser le résultat de leurs investigations sur plainte des victimes, en saisissant les juges d’instruction, lorsque cette plainte est infondée, de réquisitions de non-informer ou de non-lieu, motivées au vu des résultats de leurs propres diligences ou analyses.
- Proposition n° 16 : Renforcer au niveau des JIRS la capacité de traitement des affaires en matière économique et financière mettant en cause les des fonctionnaires et les élus dans l’exercice de leurs fonctions.
- Proposition n° 17 : Modifier l’article 43 du code de procédure pénale relatif au dépaysement de la procédure en permettant qu’il soit procédé à un éloignement géographique dans le ressort d’une autre cour d’appel
- Piste de réflexion n° 4 : Limiter le statut de mis en examen à l’hypothèse dans laquelle une mesure coercitive est décidée et à celle où la personne est renvoyée devant le tribunal correctionnel ou mise en accusation devant la juridiction criminelle
- Proposition n° 18 : Encourager les administrations centrales et les collectivités territoriales d’une certaine taille qui n’ont pas encore mis en place une cartographie des risques à élaborer un tel document
- Piste de réflexion n° 5 : Poser l’obligation légale pour ces mêmes administrations et collectivités de se doter d’un tel outil
- Proposition n° 19 : Développer la formation sur l’utilisation du droit pénal et favoriser les échanges au cours de ces formations entre élus, administrateurs et magistrats mais aussi journalistes ou entrepreneurs
- Proposition n° 20 : Inciter les décideurs publics à solliciter l’avis préalable, ou à défaut, ex post, en particulier de l’Agence française anticorruption et des centres de gestion de la fonction publique territoriale lorsqu’ils identifient un risque de mise en cause pénale
- Proposition n° 21 : Mettre en place un « droit de tirage » au bénéfice de certaines administrations pour recourir à des avocats
- Proposition n° 22 : Permettre à tout maire et à tout président d’établissement intercommunal, quel que soit le nombre d’habitants de la collectivité, de saisir la HATVP d’une demande d’avis sur les questions d’ordre déontologique qu’il rencontre dans l’exercice de son mandat ou de ses fonctions
- Proposition n° 23 : Modifier le décret du 10 avril 2017 aux fins de prévoir la désignation d’un référent extérieur à l’administration concernée, en plus de celui désigné en son sein.
- Proposition n° 24 : Demander aux préfets de rappeler aux élus concernés l’obligation juridique qui leur incombe de choisir un référent déontologue auquel ils s’adresseront, en portant à leur attention l’intérêt qu’ils y trouveraient en termes de sécurité juridique
- Proposition n° 25 : Modifier le code général des collectivités territoriales afin de permettre aux centres de gestion d’exercer de plein droit les fonctions de référent déontologue des élus locaux
- Proposition n° 26 : Consacrer dans la loi le bénéfice de la protection fonctionnelle en cas d’audition libre
- Proposition n° 27 : Modifier les articles L. 2123-34, L. 3123-28 et L. 4135-28 du CGCT afin d’harmoniser les conditions d’octroi de la protection fonctionnelle aux responsables des exécutifs locaux avec celles applicables aux agents publics.
- Proposition n° 28 : Modifier les articles L. 2123-34, L. 3123-28 et L. 4135-28 du CGCT afin d’étendre le bénéfice de la protection fonctionnelle à l’ensemble des élus locaux
- Proposition n° 29 : Modifier les articles L. 134-4 du CGFP, L. 2123-34, L. 3123-28 et L. 4135-28 du CGCT et L. 4123-10 code de la défense afin de permettre à l’agent ou de l’élu convoqué comme témoin d’obtenir, dès ce stade, la protection fonctionnelle, lorsque l’engagement ultérieur de poursuites pénales apparaît fortement probable en l’état des informations disponibles.
- Proposition n° 30 : Permettre de qualifier de faits non détachables du service, susceptible d’ouvrir droit au bénéfice de la protection fonctionnelle, certains faits donnant lieu à des poursuites pénales sous les qualifications de favoritisme et de prise illégale d’intérêts
- Proposition n° 31 : Elaborer des recommandations méthodologiques à destination des agents publics en vue de la constitution d’archives et faciliter leur accès aux agents et élus faisant l’objet d’une mise en cause pénale, y compris lorsqu’ils ont quitté leurs fonctions.
- Proposition n° 32 : Etendre le champ de l’action tendant à la protection de la présomption d’innocence prévue devant le juge civil à l’hypothèse où une enquête pénale n’est pas en cours
- Proposition n° 33 : Permettre à la collectivité publique d’exercer l’action prévue à l’article 9-1 du code civil en lieu et place de l’agent public et de l’élu, sous réserve que celui-ci y consente
- Proposition n° 34 : Inciter les collectivités publiques concernées à communiquer à l’autorité judiciaire en charge des poursuites pénales des observations écrites décrivant les éléments de pratiques administratives dans lesquelles s’inscrivent les faits reprochés à un élu ou à un agent public
- Proposition n° 35 : Rappeler, par voie d’instructions ministérielles, la nécessité de recourir à une réponse administrative et disciplinaire toutes les fois que cela se justifie
- Proposition n° 36 : Transférer du pénal à l’administratif la répression des faits de non- dépôt des déclarations d’intérêts et d’activité et des déclarations de situation de patrimoine en confiant une telle compétence à la HATVP
- Piste de réflexion n° 6 : Améliorer l’information des victimes sur les voies alternatives devant les juridictions administrative et civile
- Piste de réflexion n° 7 : Organiser une réflexion sur l’éventuelle extension des pouvoirs d’investigation du juge administratif des référés, quand la nature des faits le justifie
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