Domiciliation bidon, piège à élection

Attention : les prudences usuelles pour sécuriser, en termes de domiciliation, un parachutage électoral ne fonctionnent plus. Le Conseil d’Etat vient de rendre un arrêt particulièrement sévère sur ce point. 

 

Le parachutage de M. Dominique Reynié à la tête de la liste « Les Républicains » en vue des élections régionales de Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées des 6 et 13 décembre 2015 n’était pas passé inaperçu.

Plus dure fut la chute, en deux étapes : celle des résultats, d’une part ; celle du contentieux, d’autre part.

Ce parachutage a en effet atterri au Palais Royal, et le Conseil d’Etat l’a réduit en torchère. Motif : une domiciliation que le juge estime avoir été fictive.

Pourtant, M. Reynié ne peut être accusé d’avoir été léger avec le droit sur ce point : il a bien  pris une domiciliation avec toutes les mesures de prudence usuelles en ce domaine. Mieux : il a pris des abonnements auprès d’EDF et du service des eaux, il a fait changer sa domiciliation sur sa carte nationale d’identité mais aussi au niveau bancaire ou téléphonique, etc

Bref, M. Reynié a suivi les recommandations usuelles pour sécuriser un parachutage. 

Mais le Conseil d’Etat a adopté une position très stricte. Il est entré dans une étude précise, se muant en véritable enquêteur policier :

 

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le 1er mars 2015, M. M…a conclu, avec une prise d’effet au 1er janvier 2015, un contrat de location, avec sa mère Mme R…M…, portant sur une chambre individuelle et une salle de douche et WC, situés dans l’habitation de Mme M…à Onet-le-Château ; qu’il a produit pour justifier de sa domiciliation dans cette commune, une déclaration du bail de location à la direction départementale des finances publiques de l’Aveyron datée du 19 juin 2015 et une demande de renseignement complémentaire de cette dernière en date du 29 juin 2015, une carte d’identité délivrée le 29 juin 2015 portant mention de son adresse à Onet-le-Château, un relevé d’identité bancaire non daté et un relevé bancaire du 27 février 2015 adressés à son logement d’Onet-le-Château, un contrat d’abonnement téléphonique pour une ligne fixe à l’adresse en litige en date du 19 juin 2015 ainsi que les factures correspondantes, une copie de sa carte électorale et du registre de la liste électorale de la commune, un échange de courriers avec Electricité de France établissant la reprise à son nom du contrat d’électricité correspondant au logement de Mme M…, des factures du service des eaux du syndicat intercommunal en date des 28 mai et 31 juillet 2015 et enfin copie de plusieurs enveloppes provenant de membres de l’Assemblée nationale libellées à son adresse à Onet-le-Château ; que toutefois, eu égard aux conditions matérielles sommaires de  l’installation de M. M…à Onet-le-Château décrites dans son contrat de location, à la durée relativement courte de son habitation dans cette commune au jour de l’élection, qui ne permet pas lui conférer un caractère de stabilité suffisant, à la circonstance, non contestée, que le lieu d’exercice de son activité professionnelle était toujours situé à Paris ainsi qu’à Villejuif (Val-de- Marne), siège de plusieurs sociétés créées par M. M… et lieu d’activité non contesté de sa femme, dont il n’allègue pas être séparé, à la circonstance que le relevé de propriété établi pour l’année 2015 par la direction générale des finances publiques indique l’existence d’une propriété aux noms de M.M…, de sa femme et de son fils dans la commune de Villejuif, et enfin, à la nature des attaches familiales de M. M… à Onet-le-Château au regard de celles qu’il a en région parisienne, M. M…ne justifie pas, par les pièces qu’il produit, avoir eu son lieu principal d’établissement à Onet-le-Château au jour de l’élection ;

 

D’où la conséquence classique de l’annulation de l’élection de la tête de liste :

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. M…ne satisfait pas aux conditions d’éligibilité posées par l’article L. 339 du code électoral ; que par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs de la protestation, M. E…est fondé à demander l’annulation de son élection en qualité de conseiller régional de la région Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées ; qu’en application du dernier alinéa de l’article L. 361 du code électoral, il y a lieu pour le Conseil d’Etat de proclamer élu M. U…T…-S…, qui figurait immédiatement après le dernier élu de la liste conduite par M. M…dans la même section départementale que ce dernier

Cet arrêt est sévère et les candidats devront à l’avenir sécuriser mieux encore, et plus en amont, et de manière non fictive, leur domiciliation. 

 

Pour lire cet arrêt :

CE 20160527 élections régionales domiciliation