En matière de continuité écologique des cours d’eau, le Ministère de la transition écologique et solidaire souhaite apaiser le cours des choses, coconstruire des plans d’action et cesser de faire le lit des oppositions de toutes natures.
Cela se traduit par la note technique du 30 avril 2019 relative à la mise en oeuvre du plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique des cours d’eau (NOR : TREL1904749N) que voici :
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La restauration de la continuité écologique des cours d’eau est aux confluences de différentes politiques publiques et le Ministre visent à en « concilier les enjeux ».
Cette note technique a pour objet :
- de « diffuser le plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique des cours d’eau en précisant son contexte d’élaboration et son esprit »… c’est beau comme l’Antique
- de « donner les instructions pour la mise en oeuvre par les services de l’État et ses établissements publics des éléments du plan qui relèvent de leur compétence, notamment en matière de priorisation des interventions, de coordination inter-services, de pondération des enjeux et de dialogue avec les parties prenantes»
Il s’agit d’appliquer et de préciser :
- l’article L.214-17 du code de l’environnement.Cet article a prévu des classements de cours d’eau sur lesquels il est nécessaire d’assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs (listes 2). Ces listes ont été arrêtées par les préfets coordonnateurs de bassin entre juillet 2012 et octobre 2013 en métropole continentale et en 2014-2015 en Corse et en Outre-Mer. Ces classements emportent des obligations d’interventions adaptées sur les ouvrages existants sur ces cours d’eau, dans un délai de cinq ans après le classement, prolongeable dans certains cas de cinq ans supplémentaires.Ce même article a prévu également des classements de cours d’eau parmi ceux en très bon état écologique, ceux jouant le rôle de réservoirs biologiques et ceux nécessitant une protection complète des poissons amphihalins (qui accomplissent leur cycle de vie en eau douce et en eau salée), sur lesquels aucune construction nouvelle d’un ouvrage constituant un obstacle à la continuité écologique ne peut être autorisée (liste 1).
Voir :
- https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=2A5AB6D77E953245FE207A1ABF1816AB.tplgfr24s_3?idSectionTA=LEGISCTA000006176465&cidTexte=LEGITEXT000006074220&dateTexte=20190516https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=2A5AB6D77E953245FE207A1ABF1816AB.tplgfr24s_3?idSectionTA=LEGISCTA000006176465&cidTexte=LEGITEXT000006074220&dateTexte=20190516
- et la circulaire du 18 juillet 2013 relative à l’application des classements de cours d’eau en vue de leur préservation ou de la restauration de la continuité écologique :
Ainsi le classement en liste 1 empêche-t-il la construction d’ouvrages nouveaux constituant un obstacle à la continuité, notamment de type seuils et barrages, et le classement en liste 2 impose d’assurer une migration des poissons et un transport sédimentaire suffisants, en intervenant sur les obstacles existants.
Les deux objectifs sont complémentaires, en particulier sur les axes à grands migrateurs sur lesquels il faut à la fois ne pas ajouter d’obstacles et améliorer la continuité écologique au niveau des obstacles existants, pour permettre à ces poissons de rejoindre les habitats leur permettant d’effectuer leur cycle de vie. De nombreux tronçons de cours d’eau sont donc logiquement classés dans les deux listes.
L’Etat note que :
La mise en œuvre des obligations en liste 2 a suscité dans certains territoires des incompréhensions ou des oppositions. Par ailleurs, la compatibilité de l’équipement pour la production hydroélectrique d’ouvrages existants en liste 1 avec la protection particulière de certains enjeux instaurée par ce classement (protection complète des amphihalins, maintien du très bon état écologique et de la richesse de biodiversité des réservoirs biologiques) fait également l’objet de débats et de demande de visibilité.
Pour réfléchir à la meilleure façon de concilier les attentes des différentes parties prenantes, le Comité national de l’eau a mandaté en mai 2017 un groupe de travail sur la continuité écologique des cours d’eau, ouvert aux représentants des propriétaires riverains et des défenseurs des moulins. Un an après ce mandat, le CNE a donné le 20 juin 2018 un avis favorable au plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique issu du travail du groupe.
1- L’établissement d’une liste d’ouvrages prioritaires à traiter afin de hiérarchiser les interventions
Le rythme de 600 ouvrages « traités » par an sur un total de plus de 10 000 restant « à traiter 2018 (soit 18 000 obstacles référencés en liste 2, dont il est soustrait ceux qui sont déjà aménagés, supprimés ou ceux qui sont ruinés ou sans effet à réduire) montre le chemin restant àparcourir…
L’Etat apaise les choses en estimant :
« essentiel de ne pas se disperser et de définir des priorités partagées d’interventions pour poursuivre efficacement la restauration de la continuité écologique dans nos cours d’eau.
« Dans chaque bassin, concernés sera établie dont la mise en oeuvre se déclinera sur la fin du SDAGE actuel (2019- 2021) et sur le SDAGE suivant 2022-2027.»
« Dans certains bassins, des programmes de priorisation ont déjà été établis dans le cadre des concertations menées pour le SDAGE en cours et resteront en vigueur jusqu’en 2021. Dans le cadre de l’élaboration des SDAGE 2022-2027, un nouveau programme de priorisation sera préparé et co-construit avec les collectivités territoriales à compétence GEMAPI ou de bassin, en s’appuyant sur les démarches en cours et sur l’historique des exercices de planification sur le territoire. L’attention sera portée à ce que l’ensemble des acteurs puisse être associé à cette élaboration de manière adaptée et réaliste, notamment les propriétaires riverains, de moulins, les hydroélectriciens, les gestionnaires multi-ouvrages comme Voies navigables de France, les pisciculteurs, les pêcheurs, usagers de loisirs et associations environnementales.»
Dans le cas spécifique de la pisciculture, il sera tenu compte des priorisations établies dans le cadre de la démarche « plan de progrès ».
Les programmes de priorisations seront cohérents avec l’action 39 du « plan biodiversité » qui prévoit la restauration de la continuité aquatique sur 50 000 km de cours d’eau en 2030. Ils pourront constituer une partie de ce plan de restauration.
Les programmes de priorisation par bassin accompagneront les programmes de mesure (PDM) et seront largement diffusés.
Ces programmes de priorisation doivent être en lien direct avec la mise en œuvre des programmes d’action opérationnels territorialisés (PAOT) pour la mise en oeuvre du programme de mesures des SDAGE.
Les ouvrages sélectionnés seront prioritaires :
- pour les moyens d’accompagnement et d’expertise coordonnée des services de l’État et ses établissements publics ;
- pour les moyens financiers des agences de l’eau, même s’il demeurera toujours possible d’aider des opérations « volontaires » sur des ouvrages « non prioritaires » ;
- pour la police administrative et les contrôles.En effet, comme le précise l’action 1 du plan d’action : « La notion de priorisation doit être entendue comme une focalisation des moyens administratifs, financiers et des contrôles, dans une première étape sur certains ouvrages. La priorisation n’est pas une soustraction aux obligations réglementaires qui s’appliquent à l’ensemble des cours d’eau en liste 2. Cette approche pragmatique nécessite un engagement de tous les acteurs (État, propriétaires, associations, élus…) à en respecter l’esprit. Par ailleurs, si les financements sont focalisés sur les ouvrages prioritaires, ils ne leur sont pas exclusivement réservés. »La fixation de critères de priorisation ne doit pas être confondue avec l’exercice d’analyse des une liste d’ouvrages prioritaires à traiter parmi les ouvrages restant
enjeux multi-usages ou du rapport coût-efficacité en vue d’établir la solution d’aménagement de l’ouvrage la plus adaptée et proportionnée, qui relève d’autres actions du plan (2 et 4). Par ailleurs des critères d’opportunité (par exemple, l’occasion du renouvellement d’une concession hydroélectrique) et de simplicité technique et administrative peuvent être pris en compte pour échelonner la réalisation des actions dans le temps.
Les critères de priorisation répondent à des objectifs écologiques et peuvent être résumés ainsi : les niveaux d’enjeux écologiques sur le cours d’eau ;
La note prévoit des modalités afin d’assurer une meilleure coordination des services de l’État et ses établissements publics (il s’agit surtout de rappeler le rôle de chacun…).
La note pose que :
« De nombreuses solutions sont possibles pour restaurer la continuité écologique, et la multiplicité des enjeux doit être prise en compte lors du diagnostic initial. Il n’existe aucune solution de principe. Parce que chaque situation est différente (type de cours d’eau, espèces concernées, usages, qualité de l’eau, qualité du patrimoine, partenaires, disponibilités financières), plusieurs scénarios devront faire l’objet d’une analyse avantages-inconvénients afin de dégager la solution présentant le meilleur compromis. La suppression de l’ouvrage ne sera envisagée qu’avec l’accord du propriétaire, s’il est connu. »
« De même, il est important de bien pondérer les enjeux entre la protection particulière voulue par
les classements de cours d’eau en liste 1 au titre du L.214-17 du code de l’environnement
(protection complète des poissons migrateurs, protection du très bon état et du fonctionnement
des réservoirs biologiques) et le développement de la production hydroélectrique à partir de
seuils existants. L’équipement pour la production hydroélectrique des seuils existants est en effet une priorité pour le développement de l’hydroélectricité, car il est considéré comme ayant un moindre impact sur les milieux que la création d’une centrale nouvelle. Toutefois, ce nouvel impact est délicat à justifier sur les seuils existants en liste 1 et ne peut être accepté que sous certaines conditions très particulières. Cela conduit à privilégier en premier lieu l’équipement des ouvrages existants situés en dehors des cours d’eau classés en liste 1 et à respecter des exigences plus fortes d’évitement, de réduction et, le cas échéant, de compensation, en cas de projet d’équipement sur un seuil en liste 1, sur lesquelles les porteurs de projets doivent être alertés. »
L’Etat veut promouvoir la concertation :
« le plus en amont possible tant sur le diagnostic de tous les enjeux en présence et les objectifs attendus, que sur les moyens à mettre en œuvre, entre les services de l’État, ses opérateurs, les porteurs de projets ou leurs représentants (propriétaires, exploitants, etc.), les structures de bassin, les collectivités territoriales concernées, animatrices locales de la gestion de l’eau, et les autres parties prenantes (riverains, pêcheurs, usagers, associations).
« Il convient d’agir dans la mesure du possible dans le cadre d’une réflexion globale à l’échelle du bassin du cours d’eau avec une instance partenariale à déterminer en fonction de l’organisation locale (sur l’exemple des projets territoriaux pour la gestion quantitative, ou dans le cadre du SAGE, s’il existe, ou d’un contrat de rivière). La structure de concertation sera adaptée aux structures existant dans le bassin. Les moyens d’animation devront être identifiés, et le cas échéant développés, afin d’assurer une meilleure explication des enjeux. Le même type de concertation doit éclairer la décision de mise en œuvre de la solution au cas par cas à l’échelle de l’ouvrage. »
Avec un rôle central pour les préfets coordonnateurs de bassin, des préfets de région et des préfets notamment de départements (là encore rien de nouveau).
Comme le constate Maire-info (voir ici leur article intéressant), le :
« signataire de la note technique, insiste surtout sur les deux premières actions du plan : « prioriser de façon homogène dans les bassins les actions de restauration de la continuité » et « améliorer la coordination et les relations entre services et opérateurs de l’État en vue d’une meilleure conciliation des enjeux ». Celles-ci incombent aux services déconcentrés de l’État et à ses établissements publics sur le territoire en associant les collectivités ayant la compétence Gemapi ou de bassin. »
Et Maire-info de noter que plusieurs scénarios devront faire l’objet d’une :
« analyse avantages-inconvénients afin de dégager la solution présentant le meilleur compromis (…) De même, il est important de bien pondérer les enjeux entre la protection particulière voulue par les classements de cours d’eau et le développement de la production hydroélectrique à partir de seuils existants » (annexe 5).
De son côté, Localtis/Banque des Territoires note dans un article également très intéressant qu’il s’agit bien, non pas d’une rupture sur le fond, mais bien et bien d’un « changement de méthode » (voir ici leur article), à la suite de :
« de plusieurs mois de discussion au sein du Comité national de l’eau (CNE), [et d’un] groupe de travail, ouvert aux fédérations de défense des moulins et à l’association des riverains de France […] constitué en 2017 au sein du CNE ».
VOIR AUSSI ET SURTOUT :
A suivre, mois après mois, au fil de l’eau.
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