Quelles conditions pour l’homologation d’un avenant transactionnel?

Dans un arrêt du 30 décembre 2019 , la Cour administrative d’appel de Bordeaux a précisé différentes étapes pour l’homologation d’une transaction.

Bordeaux Métropole a confié à un groupement d’entreprise la construction du pont Simone Veil sur la Garonne et lors des travaux un « phénomène naturel d’affouillement susceptible de perturber la construction des piles du pont » a été découvert.

Le groupement d’entreprise a demandé la prolongation du contrat mais Bordeaux Métropole a rejeté cette demande. Cette dernière a saisi le président du tribunal administratif de Bordeaux afin qu’il désigne un médiateur afin de résoudre le différend.

Les parties trouvent un accord le 5 mars 2019 et un avenant au marché a été conclu à cette date. En application de l’article L.213-4 du code de justice administrative, il a été demandé à la juridiction administrative d’homologuer cet avenant transactionnel.

Cependant, par un jugement du 15 juillet 2019, le tribunal administratif a refusé d’homologuer cet accord et Bordeaux Métropole a saisi la Cour administrative d’appel de Bordeaux d’une demande d’annulation de ce jugement, laquelle lui a donné satisfaction.

La Cour administrative d’appel a tout d’abord rappelé que

« que l’administration, peut, ainsi que le rappelle désormais l’article L. 423-1 du code des relations entre le public et l’administration, légalement conclure avec un ou des particuliers un protocole transactionnel afin de prévenir ou d’éteindre un litige, sous réserve de la licéité de l’objet de ce dernier, de l’existence de concessions réciproques et équilibrées entre les parties et du respect de l’ordre public » (considérant n°6).

En d’autres termes, la transaction en tant qu’acte juridique a pour objectif de régler un différend né ou à naître et, naturellement, il doit contenir des concessions communes et mesurées entre les parties. Classiquement, le litige ne doit pas porter sur un objet illicite. En quelques lignes, la Cour rappelle ainsi les critères que doivent respecter les transactions.

Dès lors, le juge administratif précise que

« saisi d’une demande d’homologation d’un accord de médiation, il lui appartient d’appliquer les dispositions du code de justice administrative propres à ce type d’accord en s’assurant de l’accord de volonté des parties, de ce que celles-ci n’ont pas porté atteinte à des droits dont elles n’auraient pas eu la libre disposition et de ce que l’accord ne contrevient pas à l’ordre public ni n’accorde de libéralité. Les dispositions de l’article L. 213-1 du code de justice administrative n’imposent pas aux parties de conclure une médiation par une transaction au sens de l’article 2044 du code civil. Toutefois, lorsqu’il est saisi d’une demande d’homologation d’une transaction concrétisant un accord de médiation, le juge doit encore examiner si celle-ci répond aux exigences fixées par le code civil et par le code des relations entre le public et l’administration ».

Il convient tout d’abord de constater que la Cour expose que le terme « concession » ne doit pas être compris comme un synonyme de « libéralités » et que la médiation n’implique pas nécessairement un accord entre les parties.

Par ailleurs, appliquant les étapes de l’homologation, la Cour estime que l’avenant a bien un caractère transactionnel car il ressort des stipulations et de la volonté des parties qu’elles ont entendu lui confier se caractère.

Ensuite, en examinant cette transaction, le juge considère qu’elle indique précisément quel différend cet accord entend résoudre. A cet égard, elle relève qu’une formulation

«qui se borne à réserver les différends qui naîtraient d’éléments apparus après la fin de la négociation entre les parties, ne saurait révéler […] une insuffisance de précision de son objet».

De plus, la Cour expose qu’il n’y a pas eu de modifications contraires aux règles de la commande publique pour cet avenant qui a résilié une partie du contrat et confié des travaux supplémentaires. Ainsi, elle affirme que les premiers juges ont considéré à tort que l’avenant transactionnel impliquait nécessairement la conclusion d’un nouveau marché pour la réalisation de travaux supplémentaires indispensables à l’exécution du contrat. En outre, elle remarque que la partie résiliée du contrat « sera remplacée par un nouveau marché qui sera soumis aux règles de publicité et de mise en concurrence applicables ».

Cette étape de l’homologation va dans le sens de la jurisprudence Finn Frogne de la Cour de justice de l’Union européenne où il a notamment été indiqué qu’une transaction ne peut engendrer des modifications substantielles quand bien même elle aurait été causée par des « difficultés objectives, et aux conséquences imprévisibles, rencontrées dans le cadre de l’exécution de ce contrat » (CJUE, 7 Septembre 2016, Finn Frogne A/S, Aff. C-549/14).

Enfin, la Cour a constaté qu’il n’y a avait pas eu de concessions disproportionnées par les parties. En conséquence, la Cour administrative d’appel a décidé d’homologuer cet avenant transactionnel.

 

Par Benjamin Girardo, avocat au cabinet Landot et associés