Ententes intercommunales : très, très léger assouplissement

Continuons notre décorticage article par article de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

Abordons maintenant l’article 35 de cette loi, relatif aux ententes intercommunales.

Rappelons ce qu’est une entente (I) avant que de voir, ensemble, ce qui change, à la marge, dans ce régime (II).

 

I. Rappels sur ce qu’est une entente (hors Alsace Moselle)

 

I.A. Rappels généraux sur ce régime

 

L’entente était, historiquement, le premier régime d’intercommunalité, avant même les syndicats. Mais ce n’est que depuis 2004 que l’entente est ouverte non seulement aux communes, mais aussi aux EPCI et aux syndicats mixtes (art. L. 5221-1 du CGCT).
N.B. : la question de savoir si les ententes sont dotées de la personnalité morale n’est pas tranchée en droit. Les formulations du CGCT et le fait que les décisions prises par la conférence soient soumises pour ratification aux assemblées délibérantes des membres de l’entente semblent plutôt induire qu’une entente ne serait pas dotée de la personnalité juridique.
La mise en place d’une entente se crée par simples délibérations concordantes.
Mais elle donne lieu ensuite à un processus décisionnel complexe, fixé par les dispositions de l’article L. 5221-2 du CGCT…. point qui justement est réformé par cette nouvelle loi engagement et proximité (voir ci-après II).

 

I.B. Un régime limité en pratique

 

La constitution d’une « entente » suppose que l’objet pour lequel elle est constituée relève des compétences de tous les membres de l’entente. En pratique, l’entente est utilisée :

  • soit pour gérer en commun des équipements en matière de déchets ménagers, sans en passer par les fourches caudines, particulièrement strictes, du découpage intercommunal de cette compétence (art. L. 2224-13 du CGCT).
  • soit pour gérer des biens et des équipements dont la simplicité de gestion ne justifie pas le recours à la création d’un syndicat, par exemple, pour des locaux administratifs utilisé par plusieurs administrations.
  • soit pour dépasser l’entrelacs des compétences croisées entre communes, communautés et syndicats, pour regrouper tout le monde autour d’un projet commun, assez simple, sans créer, là encore, un nouveau syndicat (exemple classique en matière de remontées mécaniques : regroupement de communes et d’EPCI pour gérer des équipements, via ce régime, de neige artificielle).
  • soit, parfois, pour trouver un cadre juridique autre qu’un syndicat pour gérer un équipement d’une commune sis sur le territoire d’une autre commune.

Souvent, depuis dix ans, c’est la réticence des services de l’Etat à accepter la création de nouveaux syndicats qui justifie le renouveau de cette formule.
Mais ce régime, en raison de son absence de mécanisme de gestion des divergences de vues, n’apparaît adapté que :

  • soit pour des projets ou des équipements de faible ampleur, avec peu de partenaires ;
  • soit pour des projets à durée limitée regroupant des membres qui ont, en réalité, le même exécutif ;
  • soit pour des sujets où un consensus se fera à peu près aisément. Par exemple nous le voyons en domaines skiables sur des réservoirs à eau pour neige artificielle, mais jamais pour les canons à neige où les communes se trouvent en concurrence entre elles. Nous l’avons parfois vu pour des centres pour les colonies de vacances, des classes verte ou de découvertes, etc.
  • soit lorsque l’entente porte sur des biens et des équipements sécables et si les règles de financement prévoient un partage du financement selon les membres. Tel est le cas par exemple si des communes se mettent d’accord sur un ensemble d’équipements sis sur le territoire d’une seule d’entre elles via une entente, en matière de tourisme par exemple. Si ensuite chaque commune est seule à financer, via l’entente (et une indivision), mais aussi à tirer les bénéfices, de chaque équipement pris individuellement et si chaque équipement en pratique peut vivre sans les autres (ou si l’on prévoit des pénalités pour non réalisation de l’équipement), alors le régime est tout à fait adapté.

 

I.C. Le cas de sa combinaison avec des biens indivis (entre communes uniquement en ce cas)

 

Les personnes privées peuvent avoir des biens « indivis », à la suite d’un héritage notamment. Ce même régime existe entre communes depuis le moyen âge. Il est de plus en plus souvent combiné avec celui de l’entente (pour gérer les biens de celui-ci et faciliter un éventuel divorce futur), notamment dans les domaines du tourisme (notamment thermal), des remontées mécaniques, des centres de loisirs…

Mais au contraire de l’entente, l’indivision n’est ouverte qu’aux communes (art. L. 5222-1 du CGCT), et non aux EPCI ou aux syndicats mixtes.

 

I.D. Une quasi-interdiction du recours à ce régime en Alsace et en Moselle

 

Le droit en ce domaine résulte d’une loi du 5 avril 1884, période durant laquelle l’Alsace et la Moselle faisaient partie intégrante de l’Etat allemand.

Cette loi de 1884 n’était pas alors applicable aux communes de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Elle ne leur a jamais été transposée, des dispositions spécifiques du droit communal local alsacien-mosellan ayant été maintenues en vigueur, aujourd’hui sises à l’article L. 5815-1 du CGCT (qui ne permet que quelques travaux en commun en Alsace et en Moselle via un régime proche de celui de l’entente appliqué dans la France de l’intérieur).

 

II. Le nouveau régime : déblocage à la marge ; maintien d’un blocage à titre principal

 

Le texte issu de la loi engagement et proximité est ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 5221-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Les questions d’intérêt commun sont débattues dans des conférences dont la composition est définie par convention entre les communes, établissements publics de coopération intercommunale et syndicats mixtes intéressés. À défaut, les conseils municipaux et organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes intéressés y sont chacun représentés par trois de leurs membres désignés au scrutin secret. » 

II.A. Déblocage à la marge

Donc le régime connaît une nouvelle souplesse : avant, les « questions d’intérêt commun » étaient « débattues dans des conférences ». Dans celles-ci, chaque conseil municipal et organe délibérant d’EPCI ou de syndicats mixtes disposait de trois sièges.

Cette règle des trois sièges n’est plus que par défaut. Libre aux membres de l’entente de se mettre d’accord sur une autre composition de ces « conférences » qui servent à se mettre d’accord.

 

II.B. Maintien d’un blocage à titre principal

Cette parité ancienne, désormais qui n’est plus que la solution par défaut, faute d’accord contraire, entre membres pouvait surprendre.

Mais elle était logique car ces conférences ne sont pas des lieux de décision : ce ne sont que des instances de concertation.

Tout ce joue ensuite car les :

« Les décisions qui y sont prises ne sont exécutoires qu’après avoir été ratifiées par tous les conseils municipaux, organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale ou des syndicats mixtes intéressés et sous les réserves énoncées aux titres Ier, II et III du livre III de la deuxième partie. »

En clair, le processus est celui de l’unanimité des organes délibérants de tous les membres. C’est parfois ce qui fait la force d’attraction de ce régime : chacun sait qu’il ne s’engage pas dans une voie où il risque d’être mis en minorité. Mais c’est aussi sa faiblesse : l’intérêt général risque à tout moment d’être entravé par le blocage d’un seul… ET LA LOI ENGAGEMENT ET PROXIMITÉ N’Y A RIEN CHANGÉ.